MONTRÉAL - Il y a un an jour pour jour, Gary Bettman sentait que la COVID-19 l’obligerait tôt ou tard à interrompre la saison qui battait son plein. En soirée, le commissaire a compris qu’il n’avait plus le choix. Qu’il devait mettre la saison en pause immédiatement.

 

« J’étais à la maison. Nos conseillers médicaux nous parlaient depuis des semaines de la pandémie et des possibilités qu’elle devienne mondiale. Mais quand j’ai vu, à la télévision, que la NBA devait annuler un match – le Jazz de l’Utah rendait visite au Thunder à Oklahoma City – quelques minutes avant qu’il ne commence alors que les gradins étaient remplis, j’ai contacté Bill – son bras droit le commissaire adjoint Bill Daly – pour lui dire qu’il fallait passer au plan d’urgence. »

 

Assis dans sa résidence secondaire en Floride, Gary Bettman a raconté hier de quelle façon la pandémie l’a frappé, a frappé la ligue qu’il dirige et les partisans qui lui permettent de prospérer. Il a levé le voile sur les décisions qu’il a dû prendre en cascade dans un quotidien complètement chamboulé. Il a aussi fait des projections sur l’héritage que la pandémie léguera à la LNH et à l’ensemble de ses partisans.

 

C’est d’ailleurs en pensant aux partisans que Bettman s’est rendu à l’évidence qu’il devait interrompre la saison.

 

Pendant que la NBA devait annuler le match Jazz-Thunder en raison d’un test positif à la COVID subie par le Français Rudy Gobert, dix équipes de la LNH s’affrontaient à Chicago, Anaheim, Edmonton, Denver et Los Angeles.

 

« Je regardais les partisans entassés dans les gradins qui ne comprenaient pas ce qui arrivait et j’ai dit à Bill qu’il était hors de question de courir le même risque le lendemain. Qu’il était hors de question d’avoir à renvoyer nos partisans à la maison alors qu’ils étaient venus assister à un match de hockey. »

Le lendemain, Bettman a convoqué ses gouverneurs à une réunion d’urgence pour leur proposer son plan de mettre la saison en pause. Un plan qui a été adopté rapidement.

 

En début d’après-midi le 12 mars, Gary Bettman décrétait une pause qui paralysait la saison. Dix maths étaient annulés, dont le duel entre les Sabres de Buffalo et le Canadien au Centre Bell.

 

Gestion au quotidien et sans filet

 

Le commissaire ne le savait pas encore, mais cette pause allait se prolonger bien plus longtemps qu’il ne l’aurait souhaité. Pis encore, il n’avait pas la moindre idée de ce qui l’attendait. Contrairement à ses habitudes, Gary Bettman a donc été obligé d’improviser.

 

« Je suis souvent accusé d’avoir besoin d’être en parfait contrôle des situations avec lesquelles je dois composer. Du jour au lendemain, ce n’était plus moi qui imposais les décisions et les moments où elles devaient être prises. Du jour au lendemain, c’est la COVID qui dictait le rythme et nous avons dû nous en remettre aux spécialistes qui nous conseillaient du mieux qu’ils le pouvaient dans cette situation remplie d’incertitude. »

 

En plus de compter sur les conseillers médicaux de la Ligue et sur les médecins des 31 formations, Gary Bettman a pu profiter d’un accès privilégié au docteur Anthony Fauci afin d’avoir une idée de l’ampleur du défi qui se dressait devant la LNH et la société en général.

 

À partir de ce moment, Gary Bettman a été motivé par un seul facteur : la sécurité des partisans, des joueurs, du personnel des 31 équipes et du personnel de l’ensemble de la LNH.

 

À quelques heures de l’anniversaire de la décision de mettre les activités de la LNH en pause, Gary Bettman se console : « Malgré les épreuves que nous avons traversées, nous avons été en mesure de renégocier une convention collective avec nos joueurs, nous avons été en mesure de compléter la saison, de couronne des champions de la coupe Stanley, de prolonger des ententes commerciales avec plusieurs de nos partenaires et d’en négocier de nouvelle et de reprendre la saison dans des cadres particuliers. Nous avons dû être flexibles. Nous avons dû adopter une stratégie d’action et de réaction au lieu d’être en mode planification. Mais nous allons vraiment dans la bonne direction », a indiqué le commissaire.

 

Est-ce qu’il a pris des décisions qu’il regrette. Des décisions qu’il modifierait avec les informations dont il dispose maintenant?

 

« On se remet toujours en question. Mais je crois que la Ligue, les équipes, le syndicat des joueurs et nos joueurs ont vraiment fait preuve d’une grande collaboration qui nous a permis de traverser la dernière année aussi bien que nous l’avons traversée. Qui aurait dit il y a un an que nous serions toujours embourbés dans cette situation un an plus tard. Au moins, cette année est passé en coup de vent », a poursuivi Bettman.

 

Cinq clubs paralysés

 

La LNH, comme toutes les ligues professionnelles de grande envergure, a toutefois dû composer avec des ennuis majeurs depuis le début de la saison écourtée en janvier.

 

« La situation a été très préoccupante par moments », a d’ailleurs convenu sans retenue le commissaire adjoint Bill Daly.

 

Le 12 février dernier, la LNH comptait 59 joueurs sur sa liste de joueurs placés en quarantaines préventives en raison du non-respect des protocoles sanitaires imposés pour minimiser les risques de contagion dans les vestiaires.

 

Un mois plus tard, elle n’en compte que quatre : Kyle Turris (Oilers), Cal Petersen (Kings), Erik Haula (Nashville), Marcus Sorensen (San Jose).

 

Bill Daly a repris son souffle. Mais il reconnaît avoir été très essoufflé au cours des dernières semaines. «Nous avons dû reporter 39 parties – dont quatre en raison de la tempête de neige qui a paralysé la ville de Dallas – avec les conséquences que cela a entraînées sur le calendrier. À un moment donné, nous avons cinq équipes paralysées. Les joueurs étaient confinés, les centres d’entraînement étaient fermés. Disons qu’on frisait les scénarios catastrophes», a commenté Daly.

 

C’est là que la Ligue a resserré des protocoles qui l’étaient déjà pas mal en imposant à ses joueurs de respecter, à la maison, les mêmes protocoles très restrictifs qu’ils devaient suivre à la lettre sur la route.

 

« Malgré la vaccination et les améliorations remarquées, nous devons encore être très prudents afin de bien compléter la saison régulière avant d’entreprendre les séries », a ajouté Daly,

 

Parlant des séries : quels sont les plans de la LNH en vue de l’entrée en scène d’une équipe canadienne une fois arrivée en troisième ronde ? Si la frontière est toujours fermée, le club canadien devra-t-il migrer aux USA? La Ligue créera-t-elle une bulle comme elle l’a fait l’été dernier à Toronto et Edmonton?

 

« Nous sommes en contacts étroits avec les autorités canadiennes. Il est impossible de prévoir quelle situation prévaudra à la fin du mois de juin lorsque nous arriverons en troisième ronde. Nous évaluons plusieurs scénarios, mais rien n’est décidé encore », a plaidé le commissaire adjoint.

 

Retour des partisans

 

Bien qu’il profite de ce premier anniversaire pour revenir sur les souvenirs des derniers mois, Gary Bettman est résolument tourné vers l’avenir. Un avenir qui s’annonce meilleur avec la vaccination qui s’accélère des deux côtés de la frontière canado-américaine.

 

« Nos partisans nous manquent énormément. Notre sport n’est pas le même sans eux. On commence enfin à les retrouver dans quelques amphithéâtres aux États-Unis. J’espère que ce retour s’accentuera au cours des prochaines semaines et que nous serons en mesure de les revoir en grand nombre dès l’automne prochain alors qu’on souhaite une reprise normale de nos activités. Ou une reprise dans un contexte qui se rapprochera le plus possible de la normalité. »

 

Treize équipes ont rouvert leurs portes aux partisans qui peuvent occuper entre 10 % et 15 % des gradins. Quatre formations s’ajouteront dans un avenir rapproché alors que deux autres clubs ont amorcé le processus menant à la réouverture prochaine des guichets.

 

Divisions : retour à la normale

 

Est-il possible que les divisions remodelées en raison de la COVID soient maintenues l’an prochain?

 

La réponse est non.

 

« Nous avons remodelé les divisions pour des raisons évidentes. Mais nous reviendrons à ce qu’elles étaient avant. Seattle fera son entrée dans la division Ouest et l’Arizona sera muté dans la division centrale afin d’équilibrer nos quatre divisions. Nos sondages démontrent que les 2/3 de nos partisans aiment bien les divisions que nous leur avons proposées cette année, mais que les 2/3 souhaitent revenir aux divisions normales », a souligné le commissaire.

 

La Ligue pourrait toutefois mousser le nombre de matchs intra division pour maintenir les rivalités qui se sont accentuées cette année.

 

« Il n’y a pas de système parfait. Nos amateurs américains veulent voir les Auston Matthews et Connor McDavid eux aussi. Les Canadiens veulent suivre Sidney Crosby également », a mentionné Bettman.

 

Il est important de rappeler ici aux amateurs les plus jeunes qu’au tournant des années 2000, les équipes de mêmes divisions s’affrontaient plus souvent. Et c’est justement pour permettre aux amateurs qui réclamaient de voir plus d’équipes venir croiser «leurs» formations que la Ligue a adopté un calendrier garantissant au moins deux matchs contre chaque formation.

 

JO, matchs internationaux, matchs en plein air

 

Déjà aux prises avec un présent qui peut lui mettre des embûches dans les pattes au quotidien, la LNH reconnaît vouloir reprendre la place qu’elle a dû abandonner sur la scène internationale.

 

Les négociations suivent leur cours avec l’Association des joueurs afin d’établir les paramètres régissant le retour des joueurs de la LNH aux Jeux olympiques d’hiver en 2022.

 

 Mais le Comité international olympique (CIO) a d’autres problèmes plus pressants à régler. «Toute l’attention du CIO est portée sur les Jeux de Tokyo l’été prochain. Et c’est normal. La Fédération internationale de hockey (IIHF) et le CIO sont au courant de nos préoccupations et nous serons en mesure de nous asseoir ensemble lorsque le temps sera venu. Le dossier suit son cours», a indiqué Bill Daly qui a été plus loquace quant à la reprise des matchs de la LNH hors des cadres nord-américains.

 

« Idéalement, nous voulons reprendre nos matchs internationaux dès l’automne prochain. Est-ce que les mesures régissant le transport aérien, ou les paramètres sanitaires en Europe le permettront? Nous n’avons pas de réponse à ces questions pour l’instant. Mais s’il est impossible de retourner l’automne prochain, on le fera dès qu’il sera possible de le faire », a indiqué Bill Daly.

 

L’aventure de la LNH à Lake Tahoe, une aventure qui a tourné à la catastrophe le samedi après-midi alors que le soleil a fait fondre la glace au point de reporter de plusieurs heures la tenue des deuxième et troisième périodes, ne sera pas reprise l’an prochain.

 

Mais pas en raison du coup de soleil!

 

« Nous avions besoin d’offrir quelque chose de spécial à nos partisans et nous l’avons fait. D’ailleurs, le match du dimanche a fracassé des records d’écoute à NBC. Mais les matchs en plein air sont faits pour créer un événement rassembleur. Pour attirer le plus grand nombre possible de partisans dans les gradins. C’était impossible cette année en raison de la COVID et c’est pour cette raison qu’on s’est tourné vers Lake Tahoe et le décor féérique que l’endroit proposait. Nous reprendrons les matchs en plein air dès que ce sera possible de le faire. Mais nous le ferons dans de grands amphithéâtres », a plaidé Gary Bettman.

 

Repêchage et loterie

 

Parce qu’une grande majorité des jeunes qui seront éligibles au prochain repêchage n’ont pas encore renoué avec la compétition, plusieurs observateurs réclament le report du repêchage de 2021.

 

« Nous n’avons pas pris de décision encore, mais toutes les indications pointent vers un repêchage comme prévu à la fin du mois de juillet. Ce n’est pas une année ordinaire, mais rien n’est habituel depuis un an. On doit s’adapter », a prévenu le commissaire adjoint Daly. 

 

Si le repêchage suivra selon toutes vraisemblances son cours normal, la loterie qui le précédera sera sans l’ombre d’un doute modifiée. Rien de majeur toutefois. Mais la LNH limitera le nombre de places qu’une équipe peut grimper en gagnant la loterie et limitera aussi le nombre de fois qu’un club peut voir la chance le faire passer devant un club en complète reconstruction qui a davantage besoin de s’approcher de la toute première sélection.

 

Les Gouverneurs devraient voter au cours des prochains jours sur les nouveaux paramètres de la loterie et les changements seront officialisés d’ici la fin de la semaine prochaine. Mon collègue Pierre Lebrun a toutefois dressé les grandes lignes dans le cadre d’une intervention qu’il a faite à Hockey 360 dernièrement.

 

Publicité sur les casques

 

Conséquence directe de la COVID et des baisses de revenus qu’elle a entraînées, les commandites installées sur les casques des joueurs des — bientôt — 32 formations sont là pour rester.

 

« Ces publicités n’ont pas d’impacts négatifs et n’ouvrent pas la porte à un glissement redouté par plusieurs. C’est une façon simple de garantir des revenus aux équipes et à la Ligue», a tranché Gary Bettman.

 

Des publicités virtuelles sur les baies vitrées seront aussi maximisées au fil des prochaines saisons.