MONTRÉAL – Un défenseur qui amasse 92 points, ça ne passe pas inaperçu. Un défenseur qui provoque une prolongation et joue 50 minutes sur une seule jambe dans un match sans lendemain, ça saute aux yeux.

Guillaume Gélinas n’a plus besoin de présentations. D’un joueur sans agent il y a à peine un an, le voilà maintenant avec un trophée Émile-Bouchard, une coupe du Président, un contrat en poche, et surtout, un avenir prometteur chez les professionnels.

En lui offrant un pacte à deux volets d’une durée de trois ans, le Wild du Minnesota a certes mis le grappin sur un arrière doué à la feuille de route notoire, mais il a surtout enrôlé un athlète à la fois tenace et déterminé.

Difficile de trouver meilleure preuve que celle du 23 mai dernier.

 « C’était peut-être mon dernier match junior en carrière, alors j’allais tout donner. »

Ce soir-là, en demi-finale de la Coupe Memorial face aux Oil Kings d’Edmonton, l’ancien des Foreurs de Val-d’Or a en effet tout donné.

Guillaume GélinasBlessé sérieusement au genou gauche quatre jours plus tôt à la suite d’un coup de genou sournois de Chadd Bauman du Storm de Guelph, Gélinas avait d’abord tenté en vain d’affronter les Oil Kings le lendemain, dans le cadre du dernier match de la phase préliminaire des représentants québécois.

Peinant à franchir la distance séparant le vestiaire de la surface glacée du Budweiser Gardens à London, Gélinas avait de peine et de misère boité jusqu’à la patinoire pour prendre part à la période d’échauffement. Le temps d’effectuer quelques courtes enjambées et de diriger un ou deux lancers, et Gélinas devait se résoudre à troquer ses épaulettes pour son complet cravate.

Rater un match sans réelles conséquences c’est une chose. Mais faire l’impasse sur un duel pouvant donner accès à la finale de la Coupe Memorial, pas question.

« J’aurais été blessé n’importe où que j’aurais joué quand même. Mes blessures étaient le moindre de mes soucis », signale Gélinas, qui était également touché au poignet et à l’abdomen lors de cette demi-finale face aux Oil Kings.

Diminué physiquement, Gélinas n’avait donc plus l’apparence d’un récipiendaire du trophée Émile-Bouchard, remis au défenseur par excellence du circuit Courteau, mais ce n'était rien pour l’empêcher d’enchaîner mises en échec, tirs au but et minutes de jeu.

Mieux encore, alors que les Foreurs tiraient de l’arrière 3-2 et étaient à la recherche d’un énième miracle avec 36 secondes à égrainer au cadran en troisième période, Gélinas a en effet nivelé la marque avec un lancer du point d’appui qui a échappé au gardien Tristan Jarry.

« Je suis embarqué sur la glace avec l’intention de marquer et de forcer la prolongation. On avait accompli tellement de remontées du genre au cours des séries que c’était rendu presque normal », observe Gélinas, dont la soirée de travail était cependant loin de se terminer. Loin de là.

Les Foreurs et les Oil Kings ont en effet joué du coude jusqu’en troisième période de prolongation, jusqu’à ce que Curtis Lazar ne fasse dévier un tir derrière le portier Antoine Bibeau. Le plus long match de l’histoire de la Coupe Memorial était maintenant chose du passé.

« Quand il a marqué, tout est tombé, à commencer par l’adrénaline. J’étais brûlé. »

Guillaume Gélinas

Une combativité hors du commun

Deux mois ont passé depuis ce soir de mai où Gélinas a passé un total de 47 minutes et 54 secondes sur la patinoire.

Ce dernier match junior dans la carrière du joueur de 21 ans n’a peut-être pas eu le dénouement espéré par Gélinas, mais il a certainement fait de ce dernier une cible de choix pour les formations de la LNH.

« C’est souvent dans les grands moments que les équipes aiment voir ceux qui se distinguent. Ce dernier match, tout comme ma saison, mes séries et ma participation à la Coupe Memorial, ont sans doute contribué à la signature de mon contrat », estime humblement celui qui a inscrit 27 buts et récolté 69 mentions d’aide en 67 rencontres de saison régulière.

Si plus d’une équipe a manifesté son intérêt, seul le Wild semblait disposé à lui offrir un contrat à deux volets et non un pacte valide pour la Ligue américaine seulement.

« Les habilités offensives de Guillaume n’ont jamais fait de doute, mais c’est surtout sa combativité et son esprit de compétition qui m’ont le plus frappé lors de la Coupe Memorial », note Brent Flahr, l’assistant au directeur général du Wild Chuck Fletcher.

« Si un petit joueur comme lui (5 pieds, 10 pouces et 185 livres) souhaite graduer chez les pros, il se doit d’être combatif et c’est ce que Guillaume nous a démontré en affichant toute sa passion pour le hockey, ajoute Flahr. Ce fut un facteur décisif dans notre décision de le mettre sous contrat. C’est un vrai compétiteur et je ne vois pas comment cela ne pourrait pas se transposer chez les professionnels. »

« Un talent unique »

Gélinas a fait un premier pas en ce sens du 9 au 14 juillet dernier à l’occasion du camp de développement du Wild au Xcel Energy Center.

Guillaume Gélinas

« J’ai joué de la façon dont je l’ai fait pendant toute la saison avec les Foreurs. Je me joignais aux élans offensifs et j’ai tenté d’obtenir le plus de lancers possible afin de créer des chances de marquer », raconte celui qui a inscrit un but dans chacun des deux matchs intra-équipes qu’il a disputés au Minnesota.

« Il est doué offensivement, c’est son pain et son beurre à l’heure actuelle, fait quant à lui remarquer Flahr. À l’intérieur de la ligne bleue, il est toujours prêt à s’engager. À cela s’ajoute son excellent lancer, qui est menaçant tant sur le plan de la précision que de la vélocité. Avec ses instincts et ses habilités, il s’offre une chance. »

Reste maintenant à apporter les correctifs qui s’imposent.

« Ils (les dirigeants du Wild) savent que je ne suis pas le plus gros, mais ils estiment que j’ai un talent unique. Mon sens du hockey, c’est ce qui me permettra de faire ma place chez les professionnels. Il s’agit maintenant pour moi de mieux me positionner face à des joueurs plus imposants et c’est ce qu’ils comptent m’enseigner. »

Et c'est en Iowa, avec le club-école du Wild, que Gélinas fera cet apprentissage. « Il sera confronté à des joueurs plus gros, plus forts et plus rapides. Il devra apprendre à leur enlever du temps et de l’espace pour manœuvrer. Les erreurs qu’il pouvait se permettre dans les rangs juniors ne pardonnent pas chez les professionnels », confirme Flahr.

Une réalité dont est bien conscient le principal intéressé.

« Je me concentre pour l’instant sur la Ligue américaine afin de me faire une place parmi les six premiers défenseurs de l’équipe. Si tout suit son cours, qui sait, peut-être que j’atteindrai la LNH un jour. Il n’y a rien d’impossible. »