NEW YORK - Le Lightning de Tampa Bay s’est démarqué au fil des ans en développant les joueurs savamment repêchés par un groupe de dépisteurs qui ont eu l’œil bien ouvert et la main heureuse en dénichant des espoirs qui sont devenus des piliers de leur formation.

 

Steven Stamkos tout premier choix de la cuvée 2008, Victor Hedman deuxième sélection de la cuvée 2009 et Andrei Vasilevskyi (dix-neuvième sélection en 2012) représentaient des coups de circuit presque assurés.

 

C’est un fait.

 

Mais les recruteurs ont aussi touché le gros lot avec des sélections plus tardives : Nikita Kucherov (fin de deuxième ronde, 58e sélection en 2011), Adam Erne (deuxième ronde en 2013), Brayden Points (troisième ronde en 2014), Anthony Cirelli (troisième ronde en 2015), Alex Killorn (troisième ronde en 2007), Cédric Paquette (quatrième ronde, en 2012), Mathieu Joseph (quatrième ronde en 2015). Sans oublier la très tardive et ô combien payante sélection d’Ondrej Palat que les recruteurs ont pigé en septième ronde avec la 208e sélection.

 

À ce tableau de chasse déjà très bien garni, le Lightning a conclu plusieurs transactions dont ils sont sortis gagnants, voire grands gagnants, quand on pense aux Ryan McDonagh, J.T. Miller, Erik Cernak, Mikhail Sergachev et autres.

 

Mais il a peut-être réalisé ses meilleurs coups en donnant des chances à des joueurs en qui d’autres organisations n’avaient plus, ou pas assez, confiance. Je pense ici bien sûr à Tyler Johnson et Yanni Gourde.

 

Discrètement, le Québécois Danick Martel prend tous les moyens nécessaires pour ajouter son nom à cette longue liste des belles trouvailles du Lightning.

 

Suivre les traces de Yanni Gourde

 

Après avoir sué sang et eau sur la patinoire lors de l’entraînement matinal du Lightning, mercredi, Martel a filé au gymnase aussitôt ses patins enlevés et son équipement accroché à l’intérieur du casier qu’il occupe dans un coin du vestiaire.

 

En soirée, il a suivi du haut de la galerie de presse une 40e partie cette saison depuis son rappel de la Ligue américaine en novembre dernier.

 

Jamais repêché, largué par les Flyers de Philadelphie qui l’ont soumis au ballottage en septembre dernier après trois saisons passées avec leur club-école de LeHigh Valley – il a disputé quatre matchs avec le grand club l’an dernier --, Martel sait qu’à 24 ans, il a encore le temps et les moyens d’atteindre la LNH.

 

Et ce n’est certainement pas le fait qu’avoir disputé seulement huit matchs cette année qui le découragera. Surtout qu’il ne pourrait pas avoir meilleur exemple à suivre et meilleure source de motivation à utiliser que son coéquipier Yanni Gourde.

 

« Je tente de suivre ses traces. Il est arrivé discrètement, mais occupe maintenant une place importante au sein de l’équipe et a signé un contrat à long terme qui récompense tout son travail », convient candidement le natif de Drummondville.

 

À l’image de Yanni Gourde, Danick Martel a été boudé par toutes les équipes de la LNH alors qu’il était disponible au repêchage.

 

Les comparaisons ne s’arrêtent pas là. Martel a lui aussi connu une belle carrière dans les rangs juniors. À sa dernière saison à Blainville-Boisbriand, il a marqué 48 buts et récolté 102 points en 124 matchs. Gourde avait récolté 124 points (37 buts) à sa dernière saison à Victoriaville en 2011-2012.

 

Comme Yanni Gourde, Danick Martel est un joueur de petit gabarit à 5’8’’ et 162 livres. Un pouce de moins et 10 livres de moins que son «mentor».

 

Bourreau de travail

 

Comme Gourde, Martel est aussi un monstre de travail. Une qualité qui lui vaut les louanges de son entraîneur-chef et qui lui permet de rester dans l’entourage de l’équipe malgré une utilisation très limitée.

 

« Il est infatigable. Il n’y a pas d’autre mot pour le décrire. Sur la patinoire, au gymnase, il travaille tout le temps. Et il travaille fort », a lancé Jon Cooper lorsqu’on lui a demandé de parler de son 14e attaquant.

 

« On le place dans des situations difficiles alors qu’on fait appel à lui peu souvent et parfois en lui faisant signe à la dernière minute. Je crois qu’on lui a annoncé sa présence dans un match plus tôt cette année alors qu’il était en train de souper. Il s’est amené en vitesse et a très bien rempli son rôle. C’est un rôle ingrat, mais il semble aimer tout ce qu’on lui faire endurer », a ajouté l’entraîneur-chef.

 

En guise de cadeau ou tout simplement de récompense pour tout le travail qu’il abat dans l’ombre, Cooper a fait appel aux services de Martel, le 19 février dernier, alors que le Lightning a fait escale à Philadelphie. « Je voulais lui donner l’occasion de jouer contre son ancienne organisation. »

 

Au sein d’un quatrième trio, Martel a été blanchi de la feuille de pointage. Il a toutefois obtenu trois tirs au but en 10:27 d’utilisation dans le cadre d’une victoire de 5-1 aux dépens des Flyers.

 

Croisé dans le vestiaire du Lightning mercredi matin, Danick Martel était bien plus enclin de parler du plaisir qu’il ressent au sein de sa nouvelle équipe que des difficultés associées à son utilisation parcimonieuse.

 

« C’est dur, mais c’est le fun », lance-t-il d’ailleurs d’emblée en guise de première réponse.

 

« L’important pour moi est de faire ma place au sein de l’organisation. Je travaille fort afin de m’habituer aux gars et au système de manière à pouvoir sauter dans l’action peu importe les besoins. Je ne me compte pas d’histoire. Je sais que pour l’instant je suis un gars de quatrième trio. Mais je sais que je peux produire aussi. Sauf que si j’enfile un tour du chapeau un soir, je serai encore le 14e attaquant le lendemain », image celui qui se bat avec le Québécois Mathieu Joseph et le vétéran Ryan Callahan pour une place au sein de la formation.

 

« Je ne considère pas que je suis en lutte avec personne. J’ai encore bien des choses à prouver mais je tiens à développer ma confiance tout en développement la confiance du reste de l’équipe à mon endroit. C’est mon principal objectif pour le moment. »

 

Bien préparer l’avenir

 

La patience du Lightning qui garde Martel avec le grand club malgré le peu de matchs disputés s’inscrit justement dans la philosophie d’entreprise de l’équipe.

 

En maximisant le développement de Martel, comme on l’a fait avec les Johnson et Gourde qui ont été acquis sur le bord du chemin et comme on l’a fait avec les jeunes espoirs repêchés, Julien Brisebois pourra compter sur le Québécois l’an prochain ou dans deux ans pour remplacer, à très bon prix, un joueur qui partira parce qu’une équipe lui offre plus d’argent sur le marché des joueurs autonomes ou parce que le Lightning devra le laisser partir en raison des contraintes associées au plafond salarial.

 

C’est d’ailleurs parce qu’ils avaient déjà des jeunes prêts à remplacer Jonathan Drouin au sein de leur formation que le Lightning a pu échanger le Québécois au Canadien sans craindre les conséquences négatives en matière de production offensive afin de mettre la main sur le jeune défenseur surdoué Mikhail Sergachev.

 

Si l’état-major du Lightning et l’équipe d’entraîneurs investissent autant de temps sur Martel c’est qu’ils le croient en mesure de venir aider leur club sur une base régulière un jour. On saura dans un an ou deux s’ils ont encore eu raison.