Le mois dernier Pavel Datsyuk a quitté les Red Wings de Detroit alors qu'il restait encore un an à son contrat et il a aujourd’hui signé un contrat de deux saisons avec le club russe SKA Saint-Pétersbourg. Ce club est l’un des plus fortunés en Russie et comprend notamment Slava Voynov et Ilya Kovalchuk.

La semaine dernière, le Canadien a surpris plusieurs en acceptant de signer Alexander Radulov au sein de sa formation. Rappelons qu'en 2008, il avait abandonné les Predators de Nashville alors qu'il était encore sous contrat avec cette équipe.

Bien que ces deux joueurs russes avaient des contrats valides avec la LNH, ils y ont mis fin pour retourner dans leur pays natal, la Russie. Pour mieux comprendre ces manœuvres, il importe d’analyser la relation existant entre la Russie et la LNH.

Mobilité des athlètes et entente de transfert

Comment s’opère la migration des joueurs européens vers la LNH? C’est la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) qui est responsable de l'organisation internationale du hockey et les transferts de joueurs européens ne sont permis que s’ils sont effectués entre les membres de l'IIHF seulement.Spécifions que la LNH n'est pas membre de l'IIHF, étant un organisme distinct.

Comme la LNH n’est pas membre de l’IIHF, comment fait-elle pour transiger avec des joueurs européens? Il a fallu créer un système de transfert international indépendant pour faciliter la circulation des hockeyeurs européens vers la LNH, lequel a été créé suivant la conclusion d’une entente en 2001 entre la LNH et l’IIHF. Cet accord fixait des paramètres précis quant aux frais, aux délais et aux limites de transfert. Or,les fédérations européennes ont rapidement signalé l'insuffisance de l'indemnité pour la perte de joueurs qualifiés au profit de la LNH (200 000 $ US). Malgré tout, la LNH et l’IIHF ont ratifié une nouvelle entente en 2005, mais la Russie s'en est exclue en raison de son insatisfaction.En l’absence de la Russie, l'IIHF et la LNH ont tout de même maintenu l’entente en vigueur jusqu’en décembre 2007. Toutefois, elle n’a jamais été renouvelée.

De telle que sorte que depuis 2008, il n’existe plus d’entente commune, mais la plupart des fédérations européennes ont négocié leur propre entente avec la LNH comme la Finlande, l'Allemagne et la Suède. Ceci étant, en mai 2013, la LNH et l'IIHF ont convenu d’une nouvelle entente commune, laquelle n’a pas été signée par la Russie. Cependant, cette entente n'a toujours pas été ratifiée par le Conseil des gouverneurs pour devenir juridiquement contraignante.

Russie

Depuis 2005, il n’existe aucune entente de transfert entre la Russie et la LNH. La principale préoccupation de la Russie est que les frais de transfert sous-estiment grossièrement les joueurs de haut niveau. L'absence d’une entente a fait en sorte que la Russie « donnait » ses joueurs au profit de la LNH, car il n’y avait pas de montant offert en contrepartie. À ce titre, il y a eu de nombreuses disputes relativement à la validité des contrats lors des transferts des joueurs de la Russie vers la LNH et vice versa depuis 2005.

Le cas Malkin

Evgeni Malkin avait été repêché par les Penguins de Pittsburgh en 2004 alors qu'il était sous contrat avec l'équipe russe Metallurg Magnetogorsk jusqu'à la saison 2007-2008. Cependant, son contrat comprenait une clause de transfert international qui, avec l'approbation du Metallurg, lui permettait de jouer à Pittsburgh. Cela dit, Malkin a joué la saison 2005-2006 en Russie durant laquelle il a informé Mettalurg de son désir d’être transféré à la LNH pour la saison suivante. En août 2006, Pittsburgh a donc entamé les négociations avec Malkin. Or, Metallurg était réticente à le laisser partir sans recevoir de compensation en échange, car il n’y avait plus d’entente de transfert en vigueur entre la Russie et la LNH. Le problème est que dans la nuit du 7 août 2006, Malkin a signé un nouveau contrat d’un an avec Metallurg, lequel excluait sa clause de transfert international jusqu’à ce qu’il devienne joueur autonome. Les circonstances entourant la signature de ce contrat sont nébuleuses alors que Malkin soutient avoir été forcé d’y consentir par Metallurg. Subséquemment, Metallurg aurait saisi le passeport de Malkin pour s’assurer qu’il ne quitte pas la Russie. Quand Metallurg a quitté vers la Finlande pour le camp d'entraînement en août 2006, Malkin en a profité pour reprendre son passeport et se réfugier dans un hôtel, à l'abri de son équipe. Il y a demeuré en cachette jusqu'à ce que son visa d'entrée pour les États-Unis soit émis. Le 16 août 2006, Malkin a transmis à Metallurg un préavis de deux semaines et à la fin du mois, il a quitté vers les États-Unis pour y signer un contrat avec la LNH. C’est alors que les Russes ont accusé la LNH de commettre un acte de «terrorisme sportif» et d’avoir «voler» Malkin. En octobre 2006, Metallurg a donc institué des procédures contre la LNH et les Penguins devant une cour de district à New York pour empêcher Malkin de jouer dans la LNH en soutenant qu’il était sous contrat valide avec la KHL . En l'absence d’une entente, la LNH maintenait que la loi russe permettait à Malkin de se libérer d'un contrat par le biais d’un préavis de deux semaines alors que Metallurg prétendait que le droit du travail ne s’appliquait pas aux athlètes et qu’un contrat à durée déterminée prenait fin seulement à sa date d’échéance. Le tribunal a finalement rejeté la demande de Metallurg.

Le cas Radulov

Ceci étant, le conflit va également dans le sens contraire en ce que la LNH a perdu certains de ses joueurs au profit de la KHL et ce, bien que ces derniers étaient sous contrat avec un club de la LNH. Alexander Radulov a causé bien des émois lorsqu’il a décidé le 11 juillet 2008 de retourner en Russie et de signer un contrat avec le club Salavat Ufa alors qu’il restait encore une année à son contrat avec les Predators de Nashville. Curieusement, le 10 juillet 2008, la Russie et la LNH avaient négocié un mémorandumd'accordpour que les contrats domestiques soient mutuellement respectés, lequel devait être signé avant le 1er août 2008. Le 19 août 2008, les Predators ont demandé à Radulov de les informer de ses intentions pour la saison 2008-2009 au plus tard le 1er septembre 2008, mais il a omis de le faire. En conséquence, les Predators l’ont suspendu indéfiniment sans solde.

Memoradum d'accord

Le 30 juin 2011, la Fédération russe et la LNH ont finalement signé un mémorandum d'accord visant à respecter mutuellement les contrats des joueurs, lequel ne prévoit pas l’attribution d’un montant compensatoire pour la perte d’un joueur. Il était en vigueur jusqu'au 30 juin 2015. À son échéance, ils ont tenté de conclure une entente de transfert, mais il y a eu échec des négociations et le mémorandum a été reconduit pour une année, soit jusqu'au 30 juin 2016.

Le «Russian Factor»

Sans aucun doute, il existe une grande méfiance entre la LNH et la Russie. Leur relation a été ternie quand Malkin a été transféré de la Russie à la LNH et lorsque Radulov a quitté la LNH pour la Russie.

Un accord est donc nécessaire pour définir les paramètres des échanges internationaux en incitant à la concurrence loyale et au développement de la jeunesse. L'absence d'une entente commune démontre que moins de joueurs européens joignent la LNH. Mis à part la Suède, la plupart des pays ont constaté une baisse des participants dans la LNH, en particulier de la Russie. Avec l'arrivée de la KHL en 2008, la Russie tend à maintenir de plus en plus de ses meilleurs joueurs à la maison. La progression de la KHL comme une alternative viable pour les meilleurs talents a certainement eu un impact sur le repêchage de la LNH au cours des dernières années. Les équipes de la KHL ont la capacité financière de payer les salaires et les Russes peuvent jouer dans leur pays d'origine sans éprouver un choc culturel en allant en Amérique du Nord.

La LNH doit maintenant tenir compte du « Russian factor », lequel fait référence au risque associé de contracter avec un joueur russe qui pourrait opter pour la KHL plutôt que pour la LNH. D’ailleurs, certains Russes très talentueux n'ont pas été repêchés en raison de leurs intentions incertaines à jouer en Amérique du Nord. À titre illustratif, Alexander Burmistrov était un choix de première ronde lors du repêchage de 2010. Il a joué deux saisons avec les Jets de Winnipeg et suivant la saison 2012-2013, il a rejoint Ak-Bars Kazan de la KHL alors que les Jets avaient toujours ses droits. Il est un exemple de l'échec du développement et de la façon dont l’acquisition d'un Russe peut parfois être problématique. Un autre exemple est survenu en juillet 2013, lorsque la KHL a attiré Ilya Kovalchuk loin de Devils du New Jersey. De façon inattendue, Kovalchuk a choisi de se retirer de la LNH et de retourner en Russie. Depuis 2008, le « Russian Factor » a contribué au déclin du nombre de joueurs russes vers la LNH alors que de plus en plus restent à la maison pour jouer dans la KHL.

Développements depuis 2014

En 2012, 12 joueurs russes ont été repêchés alors qu'au repêchage de 2013, seulement 8 joueurs de la Russie l'ont été. Cependant, en 2014, les équipes de la LNH ont repêché un total de 13 joueurs d'origine russe, le plus grand nombre depuis 2006. Puis, en 2015 et en 2016, 17 joueurs russes ont été repêchés. 

Une explication possible est la stabilité financière de la KHL, le conflit entre la Russie et l'Ukraine et le déclin de l'économie russe en raison de la baisse des prix du pétrole. Comme de nombreuses équipes de la KHL sont détenues par des compagnies pétrolières, elles ont rencontré des difficultés financières pour supporter les salaires des joueurs. En 2014, le Lev Prague, le Spartak Moscou et le Donbass Donetsk ont ​​cessé leurs activités, remettant ainsi en question la viabilité économique de la KHL. En outre, le récent exode des joueurs de la KHL vers la LNH est certainement rassurant pour la LNH. Par exemple, Evgeny Kuznetsov et Andrei Vasilevsky ont joint la LNH en dépit d'avoir des contrats dans la KHL alors que Burmistrov est de retour chez les Jets depuis 2015.

Par ailleurs, spécifions que le 13 juin dernier l’Alliance européenne des clubs de hockey a été créée, devenant la troisième plus grande organisation avec l’ECA et la FCH en Europe. Au total, 72 clubs européens sont signataires de cette alliance, dont ceux de la KHL. Sa création avait pour objectif d'offrir plus de pouvoir aux clubs dans les négociations avec les fédérations nationales et internationales, notamment dans le cadre des transferts des joueurs avec les ligues nord-américaines. L'arrivée de cette alliance pourrait avoir un impact sur la conclusion d'une entente éventuelle de transfert