MONTRÉAL – Tandis que les rumeurs affluent et que la pression monte alors que le compte à rebours de la date limite des transactions est entamé, les nombreux recruteurs multiplient leurs rapports pour fournir à leur directeur général respectif les informations nécessaires pour boucler la transaction recherchée.

Pendant que cette frénésie anime le monde du hockey et que les amateurs s’enflamment, les recruteurs redoublent d’ardeur et ils espèrent que leur travail éliminera les doutes dans l’esprit des dirigeants de leur organisation.

Dotés de leur cahier de notes, de leur ordinateur portable ou de leur tablette électronique, ils sont envoyés en mission aux quatre coins de l’Amérique du Nord pour déceler tous les filons pertinents et éviter les pièges dissimulés. Ils représentent les acteurs de l’arrière-scène aux yeux des amateurs, mais leur travail méthodique influence souvent la décision finale.

Chose certaine, leur agenda ne manque pas de requêtes à cette période de l’année durant laquelle ils procurent une multitude d’informations à la base de données de leur équipe et leur rôle prend toute leur importance.

« En ce moment, on surveille surtout les gars qui pourraient devenir joueurs autonomes après la saison. C’est toujours bon de rafraîchir les rapports que nous avons dans le contexte où certains pourraient être échangés », a expliqué un dépisteur professionnel d’une équipe de l’Association Est.

Quand ils se présentent à un match, leur œil averti se concentre parfois sur un seul joueur, mais il est plus fréquent que leur mandat concerne une poignée d’athlètes.

« Ça varie, mais je ne crois pas que tu puisses faire une bonne évaluation si tu dois suivre trop de joueurs. Quand tu te limites entre cinq à dix, tu peux bien faire ton travail et quand on reçoit une assignation précise du directeur général, on peut se concentrer à 100 % sur celui-ci », a noté ce recruteur d’une équipe américaine.

Par contre, il n’est pas rare que les recruteurs doivent modifier leurs plans à la dernière minute pour aller confirmer ou infirmer une évaluation sur un hockeyeur susceptible d’être impliqué dans une transaction.

« Si un dossier se développe, le directeur général, son adjoint ou le directeur du personnel peuvent me contacter. Par exemple, ça peut arriver que je doive changer mon horaire pour assister à deux matchs de suite d’une équipe pour surveiller un joueur en particulier », a confirmé un autre dépisteur qui est attitré au recrutement amateur (les joueurs qui aspirent à la LNH).

Cela dit, plus que jamais, les équipes de la LNH ont accès à une quantité étonnante de rapports d’évaluation pour trancher et cet élément peut s’avérer crucial quand il faut agir avec empressement.

« Ils ont aussi déjà une bonne partie des réponses dans notre système », a tenu à insister celui-ci en soulignant l’impact des téléphones intelligents dans sa profession.

La tâche demeure complexe puisque plusieurs facteurs sont à considérer, mais les recruteurs doivent s’assurer d’être le plus précis possible. Cette exigence s’impose davantage quand un joueur est ciblé.

« Si je sais que mon équipe a besoin d’un gaucher comme sixième ou septième défenseur, je vais aller voir des matchs pour suggérer des options. Donc si mon DG me soumet cette demande, je vais arriver avec des rapports de cinq, six ou sept joueurs que je vais classer en ordre selon mes préférences », a dévoilé le dépisteur qui se consacre surtout au niveau professionnel.

« Plus tu es précis et plus tu aides ton dirigeant, moins je dois expliquer pourquoi j’ai placé un tel devant l’autre », a poursuivi le dépisteur en se tournant vers un exemple concret.

« Mais chaque dépisteur a des préférences. C’est un peu comme si on devait comparer Nathan Beaulieu à Jarred Tinordi. Si on demande à huit dépisteurs d'évaluer la question, ils ne pencheront pas tous pour Beaulieu ou Tinordi. Évidemment, chaque dépisteur a des préférences pour les styles des joueurs sauf qu’on doit d’abord se fier sur les besoins de l’équipe. »

Dans une ère durant laquelle même de minuscules informations deviennent publiques, les recruteurs ne lésinent certainement pas sur la transmission de leurs observations.

« On produit aussi des rapports sur des joueurs qui nous intéressent moins. Advenant qu’un nom soit nommé dans des discussions, les dirigeants peuvent consulter certaines données », a souligné celui qui multiplie les passages dans les arénas de la LHJMQ.

Le hic, c’est que le recrutement ne représente pas une science exacte et loin de là. C’est pourquoi les équipes préfèrent miser sur de nombreuses évaluations pour établir leur opinion et ils doivent parfois convaincre leurs collègues.

« D’autres personnes dans l’organisation peuvent avoir une idée différente de la mienne et ça peut mener à des discussions, un petit débat sain », a convenu cet intervenant.

Sollicités très souvent, mais parfois à l’écart

Même si certaines équipes préfèrent agir dans les journées précédentes, tout ce travail culminera à la date butoir des transactions. Ce n’est donc pas étonnant que la plupart des équipes réunissent tous leurs recruteurs pour élaborer le portrait de la situation avec l’état-major.

« Bien sûr, on va se réunir le dernier week-end en vue de la date limite. Les DG ont déjà fait des tractations avec des homologues et certains pourparlers sont déjà avancés donc on est là pour fournir le reste de l’information nécessaire », a déclaré le recruteur professionnel associé à une équipe de la division Métropolitaine. Des joueurs des Olympiques de Gatineau

Autant ils sont sollicités pour leur expertise, les recruteurs doivent parfois se retirer de quelques dossiers quand un petit conflit d’intérêts se dessine.

« Je me souviens d’un joueur pour lequel j’avais poussé et que nous avions repêché. Finalement, il a été échangé quelques années plus tard. Je n’étais pas pour arriver et dire que je ne l’aimais plus », a relaté le dépisteur professionnel.

Au fil du temps, et selon les dirigeants en poste, les équipes du circuit Bettman ont élaboré des organigrammes et des méthodes qui varient pour repérer le talent. Les différentes organisations redoutent notamment des gaffes à la Ryan McDonagh ou à la Reilly Smith qui sont devenus des rouages importants après avoir été échangés par le Canadien et les Stars.

En tant qu’observateur du hockey amateur, le dépisteur doit donc s’assurer de surveiller les joueurs qui ont déjà été repêchés pour bien aiguiller ses supérieurs.

« Les joueurs qu’on surveille le plus, ce sont eux qui sont admissibles au prochain repêchage, ça demeure mon rôle principal. Ensuite, en deuxième lieu, ce sont les joueurs déjà repêchés », a raconté celui qui essaie de produire un rapport sur presque tous les joueurs de la LHJMQ pendant une saison.

« Le fait d’ajouter un jeune joueur dans une transaction peut faire qu’elle a réussi ou non à long terme », a-t-il rappelé avec justesse.

En plus de ces espoirs qui peuvent donner la victoire à un camp dans une transaction, l’ajout d’un choix au repêchage peut avoir un impact semblable et même parfois plus important. Bien sûr, le recruteur n’a aucun rôle à jouer quand un directeur général pige dans sa banque de sélections ou hérite d’un choix supplémentaire, mais il peut se reprendre avec ses recommandations au repêchage suivant.

D’intrigantes surprises peuvent alors survenir comme celle de Jacob de la Rose (choix de 2e ronde acquis dans la transaction d’Andrei Kostitsyn) ou celle de Zachary Fucale (choix de 2e ronde obtenu dans l’échange de Michael Cammalleri) et les dépisteurs auront aussi joué un rôle dans cette équation.