« If you build it, he will come ». Alexandre Coulombe et Mark Jankowski n’étaient pas encore nés lorsque le personnage incarné par Kevin Costner a adhéré à cette phrase célèbre dans le film de baseball Field Of Dreams.

Tout de même, elle pourrait très bien s’appliquer à l’histoire du Collège Stanstead et au parcours intrigant de ces deux hockeyeurs. À l’image du terrain construit au cœur d’un champ de maïs dans ce film de 1989, le sublime Aréna Pat-Burns a été bâti dans ce joyau méconnu des Cantons de l’Est.

Alors que le petit coin de paradis orchestré a attiré d’anciens joueurs vedettes de baseball et le père de Ray Kinsella (Costner), le nouveau complexe érigé à la mémoire de l’entraîneur s’est avéré l’un des facteurs aidant à propulser ce programme de hockey à un autre niveau. L'Aréna Pat-Burns

Si les spectateurs ont commencé à affluer aux abords du pittoresque terrain de baseball, le collège, qui impressionne par son caractère et son histoire, a commencé à attirer les regards des recruteurs des équipes de la LNH. La consécration du programme est survenue en 2012 quand les Flames de Calgary n’ont pas hésité à repêcher Mark Jankowski en première ronde (21e au total). 

D’ailleurs, Jankowski a été remarqué par les Flames durant un tournoi en Nouvelle-Angleterre par leur dépisteur de cette région.

Cette institution académique, à laquelle on peut accéder notamment par la route 143 à la suite d’un trajet à travers de sublimes terres agricoles, renferme quelques autres diamants à polir dont Coulombe, un défenseur québécois, qui devrait voir sa persévérance récompensée au repêchage du 30 juin.

Ignoré à deux occasions au repêchage de la LHJMQ, Coulombe a trouvé l’endroit idéal pour faire ressortir la brillance dans son jeu et même révéler certaines facettes insoupçonnées, comme un potentiel offensif.

« C’était la meilleure décision que je pouvais prendre. Les entraîneurs avaient confiance en moi et ils m’ont donné beaucoup de temps de glace, ce qui m’a aidé à élever ma confiance et mon niveau de jeu, notamment offensivement », a raconté Coulombe lorsque rencontré avec son chic uniforme entre les vieux murs de cette école préparatoire anglophone (prep school).

Avant d’enfiler le gilet des Spartans, Coulombe avait abandonné son rêve de jeunesse d’accéder à LNH.

« Quand je n’ai pas été sélectionné une deuxième fois dans la LHJMQ, ce rêve était complètement parti. Je me disais que j’allais me concentrer sur mes études et que le hockey allait m’aider à en payer les frais. Finalement, ce fut le bon choix parce que j’ai recommencé à croire que je gagnerais ma vie avec le hockey », a-t-il confié avec un sourire évident malgré son caractère réservé.

Ce souhait a repris vie en début de saison quand son nom est apparu sur la liste de la LNH des joueurs à surveiller et il est devenu concret lorsqu’il a été répertorié au 91e rang du premier classement.

Alexandre Coulombe«J’ai ressenti tout un sentiment et des frissons! », s’est souvenu Coulombe, qui a grimpé jusqu’au 68e échelon sur le classement final grâce au raffinement de son travail offensif et à une meilleure fluidité dans son jeu de pieds. 

« Chaque fois que nous l’avons épié, il a reçu de très bonnes notes. Pour le moment, il est encore un peu à polir, mais on croit qu’il possède tous les éléments et le physique pour se développer comme un joueur de la LNH », a analysé Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH.

Ce résultat peut être perçu comme étonnant considérant que cet ancien des Cantonniers de Magog s’est développé tardivement.

« Plusieurs théories existent pour expliquer sa progression, mais je crois sincèrement qu’il a trouvé un plaisir à jouer et qu’il s’est développé avec un peu plus de liberté pour prendre des décisions dans un rôle moins défensif. Pour être honnête, c’est une très belle surprise de le voir aussi haut dans les classements, mais ça prouve que tout est possible », a vanté son entraîneur James Rioux à propos du défenseur gentilhomme.

Les « espions » de la LNH ont également considéré un autre facteur déterminant pour le positionner à ce rang.

« On a pris en compte que la suite de son développement devrait se faire à l’Université du Vermont, ce qui lui procurera un peu plus de temps », a fait remarquer Marr.

Si tout se déroule comme prévu, Coulombe fera le saut avec les Catamounts, l’alma mater de Martin St-Louis et Tim Thomas, au terme de la prochaine saison. Son cheminement universitaire deviendrait ainsi similaire au joueur duquel il aime s’inspirer.

« J’aimerais devenir un joueur semblable à Ryan McDonagh. Il n’est pas le plus connu ou la grande vedette, mais il réussit les bons jeux autant défensivement qu’offensivement, notamment en se servant de son physique », a souhaité le gaucher originaire de Granby.

Confondre les sceptiques

Si la réputation académique ne fait aucun doute au Collège Stanstead, dont le campus peut se comparer à une version miniature de celui de l’Université Harvard, les critiques visent parfois le programme de hockey.

En raison de son niveau moins homogène, les observateurs hésitent à le comparer au Junior AAA ou à la LHJMQ. Les parcours de Jankowski et Coulombe vont sans doute redorer son blason. 

Alexandre Coulombe« C’est sûr que j’entends certaines critiques, dont celle que le niveau n’est pas comparable à la LHJMQ.  Mais les gens ne connaissent pas assez bien notre Collège, notre programme et nos adversaires. Ce serait bien que ça devienne plus connu puisque c’est vraiment l’expérience d’une vie », a jugé Coulombe. 

« Ce ne sont pas les critiques qui ont manqué sur notre Collège. Les gens ont droit à leur opinion, mais il existe plusieurs belles petites histoires de nos jeunes qui passent encore inaperçues », a exprimé Rioux en faisant aussi référence aux joueurs qui ont accédé à de prestigieuses universités américaines et ceux repêchés dans la LHJMQ.

Rioux admet que la tâche de faire la promotion des athlètes revient souvent aux entraîneurs de ce lieu académique.

Nul doute, les efforts déployés par les joueurs et les dirigeants suscitent l’intérêt puisque Marr ne s’est pas gêné pour affirmer que le Collège Stanstead emprunte la bonne voie pour se comparer un jour aux programmes de hockey de référence des écoles Shattuck-St.Mary’s (Sidney Crosby, Jonathan Toews, Zach Parise) et Notre-Dame en Saskatchewan (Rod Brind’Amour, Jordan Eberle, Brad Richards).

« Voilà des commentaires très flatteurs! Si on veut nous comparer à ces endroits, je vais prendre ces compliments avec joie; il faut commencer quelque part. Ce sont des modèles parfaits pour nous sans sacrifier le côté académique. On vise avant tout les meilleures performances dans les classes et cette philosophie se transmet dans le sport. On aimerait placer tous nos athlètes à un niveau supérieur, mais ce n’est pas ce que l’on vise absolument », a expliqué l’entraîneur bilingue originaire de Baie-Comeau, qui est aussi enseignant de littérature, d’histoire et de politique.

« Stanstead possède un excellent programme sportif même s’il ne fournit pas les rangs professionnels à profusion. Les exemples de Jankowski et Coulombe le font découvrir, mais les joueurs les plus talentueux devraient continuer d’opter pour les programmes plus renommés », a évalué Tod Button, le directeur du recrutement des Flames.

En plus de ces motivations, les joueurs des Spartans savourent le privilège de grandir sur la patinoire qui porte le nom de Burns.

L'Aréna Pat-Burns« C’est à 100% une source de fierté comme endroit. Maurice Richard avait inauguré notre ancien aréna et son frère Henri a fait celui-ci avec Line, la femme de Pat, si bien que ce fut très émotif. C’était un homme passionné et un gagnant. Voilà exactement le genre de nom auquel on veut être associé », a détaillé Rioux. 

En mars 2010, huit mois avant de rendre l’âme, l’ancien entraîneur réputé avait livré un touchant discours quand la ville de Stanstead a annoncé que le nouvel aréna porterait son nom. Tombé en amour avec ce coin de pays, Burns avait émis le souhait de regarder, probablement à partir du ciel, un joueur atteindre la LNH après avoir foulé cette patinoire.

Voilà où se trouve la différence avec le film culte de baseball puisque la voix entendue du ciel provenait directement de la bouche – et du cœur – de Burns.

« Seulement deux ans plus tard, Jankowski a été repêché par les Flames en première ronde; c’est touchant de penser à cela », s’est souvenu l’entraîneur de Coulombe, qui espère poursuivre sur cette voie.