OTTAWA - Considérant tout ce que Marc-André Fleury a fait pour lui et les Penguins depuis le début des séries, Mike Sullivan a pris une décision un brin injuste en laissant de côté Marc-André Fleury vendredi à Ottawa.

L’ennui pour Fleury, c’est que cette décision de l’entraîneur-chef des Penguins était également justifiée.

Est-ce qu’elle l’a blessé? Certainement! Est-ce qu’elle l’a mis en colère ? Sans l’ombre d’un doute. Est-ce que cette décision devrait inciter Fleury à crier à l’injustice ? Bien sûr!

Visiblement blessé, voire frustré, Marc-André Fleury se mordait d’ailleurs les lèvres pour éviter des réponses teintées de colère et des commentaires trop acerbes lorsque les journalistes l’ont croisé dans le coin du vestiaire occupé par les clubs qui font escale au Centre Canadian Tire.

« Je ne veux pas en faire une histoire personnelle. C’était la même chose l’an dernier. Je place les intérêts de l’équipe en premier. Nous avons gagné. C’est ce qui compte. Matt a bien joué. Il a gagné. Je n’étais pas inquiet pour lui, c’est un bon gardien », que Fleury a défilé laconiquement avant de quitter le vestiaire promptement.

Une fois dans le corridor adjacent au vestiaire, Fleury a croisé son coéquipier et ami Kristopher Letang avec qui il a passé de longues minutes. Trop loin pour entendre leur échange animé, on n’avait pas besoin d’entendre ce qui se disait pour comprendre que le premier se vidait le cœur et que le deuxième le calmait.

Bien qu’il se soit refusé à dévoiler ne serait-ce qu’une bribe de la conversation qu’il a eue avec son entraîneur-chef, Marc-André Fleury a aussi ajouté un petit bout de phrase qui en disait long sur son état d’esprit : « On a marqué des buts », que le gardien sorelois a simplement lancé.

Pourquoi ce bout de phrase est important?

Parce que le plus injuste dans la décision de Sullivan et de l’état-major des Penguins n’est pas d’avoir confiné Fleury au banc dès son premier signe de faiblesse en finale de l’Est, mais bien de lui avoir préféré Matt Murray dans un contexte largement favorable au gardien qui retrouve son filet en finale de l’Est.

Après la partie affreuse qu’ils ont disputée mercredi alors qu’ils ont abandonné Fleury devant son filet en début de rencontre, un début de match catastrophique au cours duquel les Penguins ont accordé pas un, pas deux, pas trois, mais bien quatre buts sans riposte aux Sénateurs, il était clair qu’ils réagiraient en offrant une bien meilleure performance.

« C’est très dommage pour Marc-André. On se sent tous mal pour lui, mais ce soir nous avons affiché une intensité qui faisait défaut lors du dernier match. Nous nous devions d’amorcer la rencontre avec plus de force que mercredi. Il faudra jouer de la même façon lors du prochain match », a d’ailleurs indiqué Sidney Crosby.

Le capitaine des Penguins n’a jamais associé le changement de gardien à un survoltage nécessaire orchestré par son entraîneur-chef.

Mike Sullivan a également refusé de décrire sa décision de changer de gardien comme un simple électrochoc servi à son club : « Les décisions prises dans le cadre de l’élaboration de notre formation ne sont pas prises à la légère. On ne fait pas des changements simplement pour faire des changements. Que ce soit pour les gardiens ou tous les autres joueurs, nous nous demandons qui sont les candidats les plus susceptibles de nous donner une chance de gagner », a insisté l’entraîneur-chef des Penguins.

En stoppant 24 des 26 tirs des Sénateurs, Matt Murray a donc signé sa première victoire des séries. Il a ainsi permis aux Penguins de niveler les chances 2-2 dans la série. Et il a bien sûr donné raison à son entraîneur-chef.

Ça veut dire quoi?

Ça veut dire qu’à moins qu’il ne se blesse d’ici la mise en jeu du cinquième match de la série qui se poursuivra dimanche à Pittsburgh, Matt Murray sera devant le filet des Penguins et Marc-André Fleury sera au bout du banc prêt à lui venir en relève en cas de besoin.

Est-ce vraiment injuste?

Pas vraiment. C’est dommage pour Fleury. C’est «poche» même, car cela met encore plus en évidence le fait qu’il en soit à ses derniers moments avec le club qu’il a aidé à gagner la coupe Stanley en 2009 après l’avoir perdue l’année précédente aux mains des Red Wings de Detroit.

Mais c’est le reflet d’une réalité toute simple. Matt Murray est le gardien du présent et du futur pour les Penguins. Et c’est pour cette raison qu’une fois remis de la blessure qui l’a chassé du premier match de la série opposant les Penguins aux Blue Jackets en première ronde, ce n’était qu’une question de temps avant que Sullivan revienne avec « son » gardien.

Sullivan n’avait donc besoin que d’un prétexte. Et ce prétexte est venu mercredi.

Marc-André Fleury n’est pas l’unique responsable du revers qui a permis aux Sénateurs de prendre les devants 2-1 dans la série. Ça non. Il faudrait être tordu sans bon sens pour mettre tout le poids de cette défaite sur les seules jambières du gardien québécois.

Mais en saisissant au vol le prétexte que le revers de mercredi lui a offert sur une belle patinoire toute lice, Sullivan a confirmé que Murray est son gardien numéro un de Sullivan.

Ce qui ne devrait pas être une grande surprise cela dit puisqu’il ne faudrait pas oublier que n’eût été cette blessure qui a ouvert la porte à Fleury en lever de rideau des séries, c’est le gardien québécois qui aurait attendu une mauvaise séquence de Murray pour se retrouver devant le filet.

Matt Murray n’a pas fait de miracles vendredi soir. Il a réalisé un très bel arrêt aux dépens de Derick Brassard tôt dans le match. Il s’est dressé devant trois tirs décochés coup sur coup à la porte de son filet prouvant ainsi qu’il était bel et bien remis de sa blessure et prêt à reprendre son filet.

« Les gars m’ont beaucoup aidé ce soir en bloquant un grand nombre de rondelles (13) et en s’emparant des rondelles libres autour de mon but. C’était toujours valorisant de savoir que tu bénéficies de la confiance de ton coach. Je suis content d’avoir récompensé cette confiance en donnant une chance de gagner à mon équipe », a commenté Murray qui a aussi rendu hommage à Fleury.

« Il m’a simplifié la vie en évitant les discussions sur le sujet et en maintenant son attitude décontractée. Nous connaissons tous les deux la réalité de notre équipe. Il m’a offert l’appui qu’il m’offre depuis l’an dernier. Je lui dois beaucoup. »

Solide devant sa cage, Matt Murray n’a rien fait que Marc-André Fleury n’aurait pas pu faire à sa place devant la cage des Penguins. Surtout qu’en disputant des première et deuxième périodes bien ordinaires, les Sénateurs ont contribué à hausser le niveau de confiance de Murray au lieu de le miner avec un ou des buts rapides en début de rencontre.

Mais voilà. Parce que l’élève a maintenant devancé le maître, c’est lui qui a profité des circonstances optimales en se retrouvant derrière une équipe qui a beaucoup mieux joué devant lui vendredi qu’elle ne l’avait fait devant Fleury mercredi.

Injuste vous dites?

Oui un peu. Mais une injustice justifiée que je vous réponds.

Est-ce réellement discutable d'envoyer Murray dans la mêlée?
ContentId(3.1233040):Des Sénateurs qui ont manqué de temps et d'opportunisme
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