Bertrand Raymond a commencé à couvrir les activités du Canadien de Montréal sur une base régulière en 1971, à une époque où les Bruins, menés par Bobby Orr et Phil Esposito, venaient tout juste de remporter la coupe Stanley.

Dès le premier tour de ce printemps 1971, Raymond a vécu ce qu’il qualifie de fait saillant de sa carrière au chapitre de la rivalité Canadien-Bruins. « C’est mon numéro un et ça demeurera toujours mon numéro un, affirme celui qui était alors à l’emploi du Journal de Montréal. Il faut replacer les gens dans le contexte. En 1970-1971, les Bruins étaient les champions en titre de la coupe Stanley et avaient terminé la saison avec 121 points, loin devant toutes les autres équipes de la Ligue nationale. Ils avaient raflé pas mal tous les honneurs individuels et avaient établi un record avec 399 buts marqués. Les quatre meilleurs marqueurs de la LNH et six des huit premiers étaient des Bruins! Vraiment, tout le monde leur donnait la coupe! »

Ces quatre premiers marqueurs étaient Phil Esposito (152 points), Bobby Orr (139), Johnny Bucyk (116) et Ken Hodge (105). Ce quatuor était censé permettre aux Bruins de compléter le doublé, jusqu’au rocambolesque match numéro 2 de leur série contre le Tricolore, disputé au vieux Garden de Boston. « Les Bruins menaient 5-1 après deux périodes quand le Canadien s’est mis en marche pour finalement l’emporter 7-5, raconte Raymond, aujourd’hui chroniqueur à RDS. À Boston, on parle encore de ce match comme de la plus grande défaite dans l’histoire de l’équipe! Surtout que les Bruins ne s’en sont pas remis et que le Canadien a réussi à l’éliminer en sept matchs. C’était la consternation, à Boston. »

Dryden, le cauchemar des Bruins

Non seulement les Bruins étaient-ils les grands favoris pour gagner la coupe, mais ils étaient censés ne faire qu’une bouchée du Canadien, qui avait récolté 24 points de moins qu’eux en saison régulière. D’autant plus que le CH avait décidé de faire confiance à un illustre inconnu devant le filet, la recrue Ken Dryden.

« Dryden n’avait joué que six matchs en saison régulière avant ça, précise le journaliste de 70 ans. Rogatien Vachon et Phil Myre ne faisaient pas le travail, alors on avait décidé d’y aller avec Dryden. Finalement, Dryden a fini par remporter le trophée Conn-Smythe à l’issue des séries, puis, la saison suivante, il a mis la main sur le trophée Calder. Il est le dernier joueur du CH à avoir mérité pareil honneur. »

Bertrand Raymond croit d’ailleurs que Ken Dryden a été le principal bourreau des Bruins au cours des années 70. « Dryden a gagné la coupe Stanley six fois en huit ans et là-dessus, il a affronté les Bruins quatre fois en finale, l’emportant chaque fois. Il était pratiquement imbattable contre les Bruins! »

Ironiquement, ce sont les Bruins qui avaient repêché Dryden au 14e rang en 1964, avant de l’échanger bêtement au Canadien en juin de la même année, en retour de Guy Allen et Paul Reid. Pas la meilleure du directeur général Lynn Patrick! « Les Bruins n’étaient pas contents que Dryden veuille poursuivre ses études [en droit] à Cornell, alors ils l’ont échangé au Canadien, se souvient Raymond. Les échanges Montréal-Boston ont toujours été rares, mais celui-ci a vraiment été un coup de génie du DG du Canadien, Sam Pollock. »

C’est sans doute pour se venger de son ancienne équipe que Dryden a souvent offert des performances mémorables face aux Bruins, lors de sa courte carrière qui s’est échelonnée de 1971 à 1979.

En outre, en 1978, Dryden et le Canadien ont battu les Bruins pour la 13e de 18 fois de suite en séries (séquence comprise entre 1946 et 1987!), pour remporter la coupe Stanley pour la 21e fois de son histoire.

« Quand le Canadien jouait à Boston, le truc des Bruins était d’intimider le Montréal en partant. En première période, tout le monde frappait et les joueurs du Canadien se faisaient étamper dans la bande. Souvent, l’équipe était débordée, mais Ken Dryden tenait le fort pour ensuite permettre aux siens de se mettre en marche en deuxième et en troisième période. Sans Dryden, le Canadien n’aurait jamais battu les Bruins aussi souvent dans les années 70 », souligne Raymond, qui croit que les nombreuses confrontations Canadien-Bruins en séries placent cette rivalité dans une classe à part dans la Ligue nationale. Très loin devant Montréal-Toronto ou Calgary-Edmonton.

« Boston, tu sens que c’est viscéral : les deux équipes se haïssent, estime Raymond. Ils se détestaient à mes débuts dans le domaine et ils se haïssent encore aujourd’hui. Je me souviens notamment d’une bagarre générale au vieux Garden de Boston, où Don Awrey a pris Marc Tardif par le collet et l’a serré si fort que Tardif s’est évanoui et est tombé sur la glace comme une poche! C’était la première et la dernière fois de ma vie que je voyais ça. »

Les Bruins dominés en séries

Espérons qu’il n’y en aura pas d’autres, des scènes du genre. Car la ligne est mince entre une belle et grande rivalité et un incident disgracieux. On en a eu la preuve en mars 2011, quand Max Pacioretty a failli se faire arracher la tête par le grand Zdeno Chara.

Un incident qui, à sa façon, a marqué la belle rivalité Canadien-Bruins, qui semble avoir pris racine en 1929, lors du premier duel éliminatoire entre les deux équipes. Depuis, Montréal a remporté 25 des 34 séries contre Boston, dont les 7 qui ont eu lieu en finale de la Coupe Stanley.

De quoi créer un profond sentiment d’animosité et de rancœur chez les partisans des Big Bad Bruins.

 

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