Section Repêchage 2020

Alexis Lafrenière : l'ascension d'un exceptionnel

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MONTRÉAL – Quand, à 17 ans, on a dominé tous les défenseurs de la LHJMQ au chapitre des points, on ne s’attend pas à être sous-estimé en vue du repêchage de la LNH. Voici la réalité avec laquelle doit composer William Villeneuve et on a tenté d’y voir un peu plus en vue de l’encan virtuel. 

La réplique est lancée sans arrogance, mais avec conviction par l’arrière droitier qui a célébré son 18e anniversaire le 20 mars. 

« Je me vois comme un vol au prochain repêchage », a prononcé le défenseur des Sea Dogs de Saint John qui a récolté 9 buts et 49 aides (58 points) en 64 rencontres tout en faisant passer son différentiel de -52 à -5 de sa première à sa deuxième saison. Son rendement lui a d’ailleurs valu une place sur la deuxième équipe d’étoiles de la LHJMQ et une nomination pour le titre de meilleur défenseur défensif, un titre qui a été décerné à Jordan Spence. 

Malgré tout, sur le dernier classement de la Centrale de recrutement de la LNH, Villeneuve a eu le temps de sentir sa frustration grimper en devant se rendre jusqu’au 99e rang pour apercevoir son nom. C’était déjà mieux que lors de la liste précédente alors qu’il avait été inscrit au 108e échelon, mais ce n’était pas suffisant pour le soulager. 

« C’est sûr que ce n’est pas facile. Certains joueurs disent qu’ils ne regardent pas les classements, mais ce n’est pas vraiment vrai. On les voit tous et on voit pas mal tout ce que les gens disent sur nous. C’est vrai que c’est parfois frustrant », a-t-il avoué. 

« Il y a encore certaines personnes qui doutent de mon jeu offensif. Je ne pense pas être le défenseur le plus flamboyant qui va transporter la rondelle d’un bout à l’autre, mais je pense que je suis très efficace. J’ai été capable de produire à tous les niveaux, je pense que quand tu as 58 points à 17 ans et que tu mènes les défenseurs pour les points à 17 ans, ce n’est pas un hasard », a plaidé Villeneuve qui reçoit moins de reconnaissance que son ami et partenaire à la ligne bleue, Jérémie Poirier. 

Nul doute, il confirme qu’il se sent comme Nathan Légaré qui avait décrié son classement l’an dernier. 

« Depuis le début de l’année, la Centrale et certains classements ne me placent pas haut. Mais, dans ma tête, c’est clair que je vaux plus que ça. J’ai connu une deuxième moitié assez difficile l’an passé, j’ai été ralenti par une mononucléose et je n’ai pas été capable de revenir à mon meilleur niveau de jeu. C’était important pour moi de revenir fort cette année et ça s’est bien passé. Je n’hésite pas à dire aux équipes que si elles croient en moi, elles vont être bien récompensées », a témoigné le patineur de Sherbrooke qui travaille, ces jours-ci, pour une entreprise du coin qui a ajusté ses services en lien avec la pandémie.  

Cette confiance de Villeneuve a de quoi charmer quelques recruteurs et dirigeants de la LNH sauf que ça ne veut pas dire qu’ils se rallient tous à sa cause. Pour le bien de cet article, on a sondé deux dépisteurs de manière anonyme et leur vision diverge.

« Je ne comprends pas pourquoi il passe sous le radar comme ça, j’ai de la misère à saisir. C’est parce qu’il n’est pas flashy, c’est la seule raison. Il n’est pas spectaculaire, mais il fait tout bien. Il est appliqué dans ce qu’il fait. Il faut définitivement qu’il devienne plus fort et il le sait. 

« Il n’est pas explosif et il n’est pas un super patineur, mais je pense que c’est un bon choix disons de quatrième ronde. C’est un beau projet, c’est un défenseur avec du potentiel », a analysé une source de l’Ouest qui a remarqué une évolution défensive de sa part. 

L’autre recruteur rejoint par le RDS.ca n’a pas échappé de juron en le voyant à cet échelon sur la liste fournie par la LNH. 

« Oui, je comprends. Quand tu le regardes jouer, avec ses outils, on dirait que ses stats ne cadrent pas avec ce que tu vois. Il n’est pas fort physiquement, il n’a pas le gros tir de la pointe ni les mains pour déjouer des adversaires. Défensivement, c’est un joueur, et je suis généreux, moyen. Tu regardes ses chiffres et il a l’air d’un choix de deuxième ronde. Mais, si tu vas le voir jouer souvent, on dirait que ce n’est pas ça que tu vois », a plutôt prononcé cet observateur. 

William Villeneuve« Mais je vais lui donner le crédit, il est extrêmement confiant. Il fait des erreurs et il ne lâche pas. Sauf que quand tu essaies de le projeter dans la LNH, c’est parfois difficile de le voir s’imposer », a poursuivi celui qui comprenait davantage Légaré de se plaindre. 

Après avoir été retranché de la formation canadienne U18 et avoir été ignoré pour le Match des meilleurs espoirs, Villeneuve se fiait sur la semaine d’évaluation (Combine) de la LNH – un événement qui a été annulé - pour rehausser sa valeur. 

La Centrale de la LNH ne détient pas la science infuse, mais son directeur, Dan Marr, a justifié cette évaluation au RDS.ca. 

« C’est clair que ses chiffres sont très bons, mais il s’agit plus d’une projection de sa carrière. Une chose qui le fait reculer dans les classements, c’est qu’on ne le voit pas comme un patineur élite. Ceci dit, il n’est pas encore totalement développé physiquement. L’autre élément, c’est à propos de sa constance qui n’est pas assez élevée de match en match pour pouvoir le placer plus haut », a résumé Marr. 

Moins recroquevillé sur patins et plus éduqué en défense

Son entraîneur avec les Sea Dogs, Jeff Cowan, a disputé plus de 400 matchs dans la LNH dans un rôle de soutien. Il tient à souligner que Villeneuve et les autres jeunes de l’organisation n’ont pas eu la vie facile dans les dernières années alors que la pente de la reconstruction a été abrupte. 

N’étant pas du style à faire dans la dentelle durant sa carrière, Cowan admet également que Villeneuve devait modifier son style « recroquevillé » sur patins. 

« Il a fait des progrès à ce sujet, notamment parce que son corps devient plus fort. Il a réussi à se relever sur patins en devenant plus fort et ça lui permet d’ailleurs de jouer plus physiquement », a-t-il noté. 

L’autre chantier a été consacré à son jeu défensif et Villeneuve ne peut que remercier Cowan qui a multiplié les enseignements du niveau LNH au sujet de son positionnement, ses angles d’attaque vers l’adversaire, les petits détails pour mieux utiliser son bâton et comment avoir le dessus devant le filet.

« Les lundis, on regardait des vidéos et ça durait 45 minutes ou une heure. J’ai toujours voulu travailler sur ma zone défensive et je veux le faire encore », a précisé Villeneuve dont la famille a hébergé Dominic Talbot-Tassi quand il a évolué avec le Phoenix. 

On peut facilement comprendre la déception ressentie par le jeune défenseur à propos des classements, mais, à bien y penser, il devrait sans doute se rallier à conclusion de son entraîneur.  

« Je sais que bien des recruteurs ont démontré de l’intérêt à son sujet récemment. Je suis persuadé qu’il sera repêché assez haut, peut-être pas aussi haut qu’il le souhaiterait, mais ça peut devenir un avantage. Il ne devra pas composer avec autant d’attentes dans les premières années de son développement. »