Nous sommes dans le nord de la ville de Montréal, à Cartierville en mars 1971. Une tempête énorme vient de frapper le Québec. Elle portera un jour le surnom de «tempête du siècle». La rue Cousineau, dans laquelle j’habite est ensevelie sous la neige. Un homme tente désespérément de déneiger sa voiture, cachée sous cet épais manteau qui s’est abattu toute la nuit. Notre voisin possède une motoneige et il est le seul à pouvoir se déplacer avec facilité. Mon père a sorti les skis de fond et les raquettes. Aujourd’hui, il n’y aura ni école, ni travail. À part cet hurluberlu qui tente par tous les moyens de pousser sa voiture jusqu’à l’artère principale, le boulevard Gouin, le reste de mon quartier tentera de profiter de la journée.

Le 4 mars 1971, peu d’amateurs connaissent le nom de Ken Dryden qui joue avec l’équipe-école, les Voyageurs. Cet hiver là, le Canadien occupe le 3e rang de la section Est, derrière les Rangers de New York et les Bruins de Boston.

Boston; quel club de hockey fabuleux! Dix marqueurs de 20 buts et plus, 76 buts et 152 points pour Phil Esposito, 37 buts et 102 passes pour Bobby Orr. À Boston, il y a plusieurs grands joueurs; les Bucyk, Hodge, MacKenzie, Cashman et les autres. La machine des oursons semble inattaquable. Le meilleur pointeur du Canadien est Jean Béliveau qui compte 76 points, la moitié moins qu’Esposito. Et Béliveau achève. Le vétéran a 39 ans. Non, cette année, le CH n’aura aucune chance. Et pourtant!

La neige tombe encore mais comme les jeunes de mon quartier ont congé d’école, ce n’est certainement pas la neige qui va nous empêcher de jouer au hockey bottes. Armés de pelles et de notre désir, nous comme une trentaine à déneiger une largeur de la rue. Mêmes les plus jeunes, et j’en suis sont mis à contribution. Avant midi, tout est prêt. Les buts sont installés, les gardiens ont mis leurs jambières et nous avons trois balles oranges. Montréal affronte Chicago en grande finale de la Coupe Stanley. Faut bien rêver. Et pourtant!

La veille, le Canadien a subi un revers de 4-0 face aux Penguins au Forum devant un peu plus de huit mille spectateurs. Une maigre foule parce que la tempête était déjà commencée et qu’à la météo, on prévoit le pire.

Dans ce match de hockey bottes, joué dans la rue, sous la neige, commencé par les hymnes nationaux, disputé face aux Blackhawks dans le 7e match de la finale de la Coupe Stanley, le Canadien l’emportera 3 à 2. Ces jeunes de la rue Cousineau avaient tout, deux mois avant que ça se produise pour de vrai!

Ken Dryden

C’est avec plaisir que Ken Dryden sera l’invité de l’Antichambre. Grâce à lui, Montréal sortira Boston en sept matchs au premier tour des séries lors du printemps 1971. Dryden fera de même avec le Minnesota en six matchs et gagnera la Coupe Stanley en éliminant les Hawks de Chicago en sept matchs. Dryden remportera le trophée Conn Smythe, une saison entière avant de mettre aussi la main sur le trophée Calder, remis à la recrue de l’année.

Une nouvelle ère commencera alors chez le Canadien. Ken Dryden, avec son masque bizarre, sa position d’attente unique et ses performances exceptionnelles permettront au Tricolore de dominer les années 70 dans la LNH.

Pendant huit saisons, Dryden sera «LE» gardien dominant, remportant six Coupes Stanley et cinq trophées Vézina. Il a créé une nouvelle génération de gardiens, poussant les plus vieux à la retraite, les Glenn Hall, Gump Worsley et Jacques Plante.

La carrière de Dryden ne se terminera pas avec le hockey. Suivant une trop courte carrière, il poursuivra sa carrière d’avocat et d’auteur. Il a publié des livres sportifs qui sont devenus des ouvrages de référence comme «The Game» et «Home Game». Depuis 2004, il est député de la circonscription fédérale de York-Center, près de Toronto et il a été ministre du Développement social sous le gouvernement de Paul Martin en 2004 et 2005. Dryden écrit aussi dans le quotidien The Globe and Mail.

Dryden aura eu un impact énorme chez le Canadien. Ce sont cependant ses livres et ses textes qui apportent une nouvelle réflexion sur notre sport national, des réflexions souvent contestées mais qui servent à élever le débat.

Ken Dryden dans l’Antichambre, mercredi soir, une rencontre à ne pas manquer.

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