MONTRÉAL – Six buts au point médian de la saison. Certains joueurs s’en réjouiraient, d’autres s’en contenteraient. Chacun son rôle. Mais quand on est un joueur de centre de premier trio qui s’est fixé comme objectif d’être sélectionné parmi les dix premiers au prochain repêchage de la Ligue nationale, ça devient un peu problématique.

Logan Brown appartient à cette dernière catégorie. Et six buts, c’était tout ce qu’il avait à son actif après 35 matchs l’hiver dernier. À ce rythme, il n’allait même pas s’approcher des 17 qu’il avait réussis à son année recrue dans la Ligue junior de l’Ontario.

Et pendant que Brown peinait à trouver le fond du filet pour les Spitfires de Windsor, la source de son problème se trouvait derrière le banc… des 67’s d’Ottawa.

« C’est complètement ma faute », confesse son père Jeff, l’ancien choix de deuxième ronde des Nordiques de Québec, qui occupe aujourd’hui le poste d’entraîneur longtemps associé au légendaire Brian Kilrea.

Logan Brown« Quand il était jeune, je ne voulais pas qu’il devienne un joueur égoïste comme j’en vois tant au hockey mineur. Il avait tout le temps la rondelle sur sa palette, mais j’insistais pour qu’il la passe et qu’il essaie d’en faire profiter ses coéquipiers. Il n’était encore qu’un bambin et je lui faisais la vie dure quand il lançait trop souvent. Comprenez-moi bien, il est devenu un très bon passeur! Mais parfois je me dis que j’aurais peut-être dû le laisser faire à sa guise. »

Parce qu’il était là, le problème. Le tir de Logan Brown n’a rien à envier à celui des meilleurs joueurs de son âge. Il est puissant et précis. Il devait seulement apprendre à s’en servir.

« Quand nous nous sommes réunis pour établir notre liste de mi-saison, on disait tous la même chose au sujet de Logan Brown, se souvient le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, Dan Marr. Ses habiletés de fabricant de jeu et son intelligence lui permettaient d’obtenir beaucoup de chances de marquer. À chacun de ses matchs, il avait une ou deux présences où son talent nous laissait complètement bouche bée. Mais il ne lançait jamais. Et conséquemment, il n’amassait pas énormément de points… »

En janvier, quand la Centrale a publié son avant-dernier classement des espoirs nord-américains, le nom de Logan Brown y apparaissait au 14e rang, derrière celui de huit autres attaquants. Trois mois plus tard, il avait bondi de sept positions, une amélioration comparable à celle, beaucoup plus médiatisée, du Québécois Pierre-Luc Dubois.

Brown n’est pas capable d’expliquer ce qui a provoqué le déclic, mais après avoir enduré une sécheresse de treize matchs sans but, ceux-ci ont commencé à tomber du ciel. Il en a marqué 15 à ses 22 derniers matchs de saison régulière pour clôturer le calendrier avec 74 points en 59 matchs. Blanchi en cinq matchs de séries éliminatoires, il s’est repris au Championnat du monde des moins de 18 ans en amassant douze points, dont trois buts, en sept rencontres.

« C’est une question de mentalité, avance Brown. Je savais que j’avais un bon lancer et j’ai fini par me dire que j’avais le droit de marquer, moi aussi! Tous les jeunes joueurs ont une faiblesse sur laquelle ils doivent travailler. Pour ma part, j’ai dû développer cette confiance en mon tir et apprendre à choisir le bon moment pour passer. »

« La ligne est mince entre la volonté de rendre les gars autour de soi meilleurs et le risque de faire mal à son équipe en recherchant trop le jeu parfait, expose son père. Il sera toujours le genre de joueur qui préfère servir une passe décisive à un coéquipier – j’étais comme lui! Mais il doit également reconnaître les moments où la meilleure option, c’est lui. »

Élevé à St Louis, bâti pour Montréal

La fille ainée de la famille Brown est née au printemps 1994 au moment où le paternel, un défenseur qui a joué pendant treize ans dans la LNH, prenait part à la finale de la coupe Stanley dans l’uniforme des Canucks de Vancouver.

Quatre ans plus tard, Jeff Brown pouvait de nouveau sentir le champagne – il participait cette fois à la grande finale avec les Capitals de Washington – quand Logan a vu le jour à Raleigh, où son géniteur avait commencé ce qui allait être sa dernière saison dans la LNH.

À la retraite, Jeff Brown est retourné à St Louis. Il y avait connu les meilleures années de sa carrière et c’est là qu’il avait décidé de fonder sa famille. Comme plusieurs autres anciens joueurs, il s’est aussitôt impliqué dans l’association de hockey mineur de la ville. Son fils allait rapidement y devenir son élève le plus assidu… et le plus imposant!

« Logan a toujours été l’un des plus grands, même quand il jouait avec les gars nés en 97 », se souvient Jeff Brown.

À partir du niveau atome, Logan Brown a évolué au sein d’une véritable petite équipe d’étoiles qui comptait notamment dans ses rangs Matthew Tkachuk et Clayton Keller, deux autres attaquants qui seront, comme lui, repêchés en première ronde à la fin du mois.

« Seulement dans la formation américaine qui était récemment à Grand Forks, il y avait cinq jeunes qui ont grandi ensemble à St Louis. Cinq! », s’exclame Jeff Brown. C’est d’ailleurs pour suivre ses inséparables frères d’armes que son fils, qui possède aussi la citoyenneté canadienne, a choisi de se ranger derrière le drapeau étoilé quand est venu le temps de faire serment d’allégeance sur la scène internationale. Question de tourner le fer dans la plaie, il a marqué deux buts dans une victoire de 10-3 contre le Canada lors du match pour la médaille de bronze aux Mondiaux U18.

En 2013, Brown est allé jouer une saison midget en Indiana pour rejoindre son père qui avait obtenu un poste d’entraîneur dans la USHL. L’année suivante, le duo est déménagé en Ontario : Jeff à Ottawa et Logan à l’autre extrémité de la province, à Windsor. L’an prochain, à 18 ans, le grand pivot disputera sa troisième saison avec les Spitfires et devrait être la pièce maîtresse de l’équipe hôtesse du tournoi de la Coupe Memorial.

Logan Brown possède tous les atouts qui font rêver les directeurs généraux de la Ligue nationale. Il mesure 6 pieds 6 pouces et même s’il n’est pas le plus costaud, il a appris à utiliser son gabarit pour se créer de l’espace et bien protéger la rondelle. Son coup de patin est d’une fluidité remarquable pour un joueur aussi imposant et sa vision du jeu n’a d’égal que la créativité avec laquelle il l’exploite.

Auston Matthews est universellement décrit comme le prototype parfait du grand joueur de centre qui peut altérer à lui seul l’avenir d’une franchise. À moins d’un imprévu, c’est lui qui sera le prochain joueur de concession des Maple Leafs de Toronto. Mais à la même position, Brown est probablement celui qui s’approche le plus du favori pour être le tout premier choix du prochain repêchage de la LNH. Et il pourrait bien être disponible lorsque le Canadien montera sur l’estrade pour prendre la parole au neuvième rang.

« Logan veut jouer dans un endroit où le hockey est une religion, assure Jeff Brown. Où les gens parlent de hockey, où les gens connaissent le hockey. Avec lui, c’est "hockey, hockey, hockey!". Il ne veut pas aller jouer sous le soleil dans une ville où les gens ne connaissent rien. Il veut vivre l’expérience de la LNH à son plus haut niveau comme j’ai eu la chance de le faire quand j’étais à Québec. Alors Montréal serait une destination parfaite pour lui. Si le Canadien devait le repêcher, il serait fou comme un balai. »

« Ça serait incroyable, confirme le vieil ado avec un peu plus de retenue. C’est l’une des plus grandes organisations de la Ligue, une équipe avec tellement d’histoire. Ça va être fantastique d’être repêché, peu importe par qui, mais par Montréal, ça serait très cool. »

Jeff Brown, qui a passé la moitié de sa carrière dans trois marchés canadiens, ne craint pas la pression à laquelle son fils pourrait être exposé en suivant ses traces.

« C’est bien la pression, c’est même excellent. Il faut savoir ce que c’est, jouer sous pression. Les choses qui sont trop faciles dans la vie ne valent pas la peine d’être faites. Un athlète professionnel doit rechercher la pression et Logan, il en veut. Il veut que son jeu soit scruté à la loupe à chaque match, à chaque présence. Je sais que sa mère préférerait qu’il aille jouer dans le sud pour pouvoir parfaire son bronzage! Mais pour lui et moi, Montréal serait un endroit idéal. »