Si jamais Bob Hartley atterrit à Ottawa prochainement, il y sera arrivé huit ans plus tard que prévu.

J'ignore s'il se croit un incontournable pour les Sénateurs en ce moment, mais à l'été 2008, quand il avait eu un long entretien avec l'ex-directeur général Bryan Murray, c'était quasi dans le sac, avait-il cru.

Quand il avait appris que Murray lui avait finalement préféré Craig Hartsburg, un entraîneur qui n'avait pas la moitié de son envergure, la secousse qu'il avait ressentie à la suite de cette amère déception avait été aussi forte que celle que les Flames de Calgary lui ont fait subir cette semaine.

Il avait eu toutes les raisons d'y croire. Quand Murray lui avait tracé le profil de l'entraîneur qu'il recherchait, Hartley avait cru qu'il avait déjà écrit son nom au bas de la feuille.

Mieux encore, leur rencontre de quelques heures s'était si bien déroulée que Murray avait suggéré un souper au resto avec leurs femmes deux semaines plus tard. Ils s'étaient parfaitement compris sur plusieurs aspects du métier. À son retour à la maison, Hartley avait fait part de la bonne nouvelle à son épouse. Elle pouvait faire ses valises car il avait le job.

Ce qui n'était rien pour nuire à ses chances, il avait grandi entre Montréal et Ottawa, à Hawkesbury. Les Sénateurs, qui devaient constamment courtiser leur clientèle de l'autre côté de la rivière, à Gatineau, avait particulièrement besoin d'un élément francophone aussi visible dans leur organisation.

On ne sait toujours pas d'une façon certaine pourquoi Murray avait fait cette spectaculaire volte-face. Ce ne fut probablement pas le seul élément, mais il est clair que les services de Hartsburg étaient moins coûteux que ceux de Hartley qui avait tout gagné dans le hockey, y compris une coupe Stanley.

« J'ignore s'il a tranché pour une question d'argent, mais j'ai travaillé pour Jean-Claude Morissette et pour Pierre Lacroix, deux hommes qui auraient résumé la situation en quelques mots: "Ça coûte combien pour gagner" », m'avait-il dit à l'époque.

Quand il habitait Hawkesbury, les Sénateurs jouaient dans sa cour arrière. Il était purement un gars de la place. Quand il a progressé dans le hockey organisé, il aurait fait des bassesses pour diriger le Canadien ou les Sénateurs. Pour différentes raisons, les deux organisations lui ont échappé. Cette fois, les Sénateurs ont une occasion unique de faire oublier l'erreur qu'ils ont commise dans son cas. Assez facile d'affirmer que ce fut une erreur puisque Hartsburg a été remercié après 48 parties.

On dit que Murray l'a regretté. Si c'est vrai, il est bien placé, à titre de conseiller spécial de l'organisation, pour souffler une recommandation à l'oreille de Pierre Dorion, son jeune successeur. Dorion n'a pas encore un match d'expérience à titre de directeur général dans la Ligue nationale. Quand on a de la maturité – et je crois qu'il en a – on n'hésite pas à demander conseil à un homme qui a une longue feuille de route avant de prendre une première décision majeure.

On dira ce qu'on voudra, mais Ottawa a l'occasion d'embaucher l'entraîneur numéro un de la ligue puisque le trophée Jack-Adams est actuellement la propriété de Hartley. Jusqu'à ce qu'on détermine le prochain gagnant de ce trophée, le meilleur de sa profession, c'est lui.

Son ami Michel Therrien pourrait le lui dire, tout entraîneur qui se voit offrir la chance de diriger une équipe dans son patelin y trouve une motivation additionnelle. Le connaissant, Hartley en ferait toujours un peu plus pour que les gens de chez lui soient fiers de ses réalisations.

Qui sait, avant longtemps, peut-être que Hartley pourra une nouvelle fois dire à sa femme de préparer le déménagement dans la capitale nationale. Ce qui serait une merveilleuse façon d'oublier son récent congédiement, faut-il le préciser. Connaissant Hartley, il y a fort à parier qu'il a déjà évalué le personnel des Sénateurs et celui de la filiale.

Il y a loin de la coupe aux lièvres, comme l'a déjà dit un ex-entraîneur, mais Hartley ne penserait à rien d'autre qu'à la coupe Stanley si son prochain arrêt était Ottawa. En 2008, je lui avais fait remarquer que cet exploit lui avait peut-être échappé quand Bryan Murray lui avait tourné le dos. Il m'avait fait une réponse typique de son riche vocabulaire sportif.

« Je peux te dire que si je l'avais gagnée, j'aurais descendu la rivière des Outaouais avec la coupe Stanley dans mon canot », avait-il dit, sans rire.

Peut-être un jour, Bob.