La griserie de la victoire, l'agonie de la défaite
WASHINGTON - Pendant que je patiente, avec pas un, pas deux, mais trois brins d'impatience, en attendant un vol qui me permettra de finalement arriver dans le sud de la Floride, c'est la crainte de rater un grand rendez-vous avec l'Histoire et non le fait d'être à la merci de United Airlines qui me ronge par en dedans.
Car c'est bel et bien à un grand rendez-vous avec l'Histoire que les Oilers et les Panthers sont conviés lundi soir au Amerant Arena.
Un très grand même.
Bien sûr, ils réaliseront un rêve chéri par tous ceux et celles qui se sont imaginé, que ce soit dans la rue, dans une cour d'école, sur la patinoire (extérieure) du quartier, celle confectionnée dans la cour du voisin avec des bancs de neige à la place des bandes ou simplement alors qu'ils dormaient à poings fermés dans leur pyjama aux couleurs de leur club favori, le rêve de marquer le but gagnant dans le septième et dernier match d'une finale de la coupe Stanley.
Ceux et celles plus difficiles à contenter se voyaient même enfiler ce but gagnant en prolongation... avant de se réveiller!
Mais que ce soit par le biais d'une victoire ou d'un revers, les Panthers et les Oilers marqueront l'Histoire dans le cadre de ce septième match. Un match qui, avant même que la première mise en jeu soit déposée, est déjà qualifié de plus important des cinq, dix, vingt dernières années.
Ou des Trente-et-une dernières années en fait puisque cela fait déjà 31 ans que Jacques Demers a su motiver son équipe pour qu'elle renverse la série de première ronde que les Nordiques semblaient en voie de gagner pour finalement guider le Canadien jusqu'à sa 24e coupe Stanley.
Est-ce que l'appui d'un pays tout entier fera contrepoids à la quête collective d'arracher la coupe Stanley des mains de l'Oncle Sam?
La réponse viendra bien assez vite.
En passant, Oilers et Panthers se croiseront lundi soir dans le cadre de la 18e finale de la coupe Stanley à se rendre à la limite depuis l'instauration des séries quatre de sept en 1939.
Les Blues de St. Louis et les Bruins de Boston, en 2019, étaient les derniers, avant les Oilers et les Panthers, à avoir poussé la finale jusqu'à une septième partie.
L'avantage de la patinoire a déjà eu une certaine valeur comme le confirment les 12 victoires contre cinq revers encaissés par les équipes évoluant devant leurs partisans. Mais lors des trois derniers rendez-vous ultimes, les Blues ont battu les Bruins à Boston en 2019; les Bruins ont battu les Canucks, à Vancouver, en 2011; les Penguins de Pittsburgh ont battu les Red Wings, à Detroit, en 2009.
Oilers : vent de dos
À l'aube de ce match ultime, un match qui pourrait devenir l'un des plus regardés de l'histoire même si la LNH a eu la bien vilaine idée de le présenter un lundi soir, il me semble que les Oilers sont dans une bien meilleure position que leurs adversaires.
Qu'ils ont le vent dans les voiles!
Un bon vent soulevé et soutenu par les trois victoires qu'ils viennent de signer. Un qui les assure déjà d'un fort capital de sympathie.
Si la Floride gagne, personne n'en voudra vraiment aux Oilers.
Bon! La déception sera vive, c'est sûr. On pourra même leur en vouloir un peu d'avoir ravivé les espoirs après avoir perdu les trois premiers matchs. Mais cette remontée historique assure déjà Connor McDavid, son entraîneur-chef Kris Knoblauch, le gardien Stuart Skinner et tous les membres de l'organisation d'être auréolés pour toujours des souvenirs heureux associés au fait d'avoir forcé, contre toute attente, la tenue d'un match ultime.
Panthers : vent de face
Les Panthers? Malgré toutes leurs belles paroles et prétentions d'être là où ils se voyaient en début de série finale relayées par mes collègues – plus chanceux ou plus avisés que moi dans la gestion de leurs itinéraires de voyage – qui ont assisté aux entraînements dominicaux des deux clubs, un fait demeure : ils ont le vent en pleine face.
Et ce n'est pas vrai qu'en gagnant le septième et dernier match, qu'ils balaieront du revers de la main les doutes soulevés par les performances décevantes offertes après s'être donné une avance de 3-0.
J'ajouterais même que s'ils gagnent, les membres de l'organisation des Panthers devront partager leur conquête avec leurs rivaux des Oilers. Tkachuk, Bobrovsky et Barkov seront condamnés à entendre autant parler de McDavid, Skinner et Draisaitl et de leur remontée que du fait qu'ils ont finalement gagné la coupe.
Car cette finale, ce sont les Oilers qui lui ont vraiment donné vie. Sans les cinquième, sixième et septième parties, les Panthers auraient gagné dans l'indifférence la plus complète.
Et si les Panthers devaient perdre ce septième match?
Eh bien là! Ils n'auront jamais au grand jamais droit au capital de sympathie que les Oilers obtiendront en cas de revers. S'ils encaissent un quatrième revers de suite, la réputation de « perdants » associée au fait qu'ils ont gaspillé une avance de 3-0 en grande finale leur collera à la peau pour toujours. De Sergeï Bobrovsky, à Matthew Tkachuk, à Sacha Barkov sans oublier l'entraîneur-chef Paul Maurice, les Panthers seront couverts de goudron et de plumes.
Et il serait surprenant qu'ils obtiennent la chance de nettoyer ce goudron et ces plumes dès l'an prochain dans le cadre d'une éventuelle troisième présence consécutive en finale de la coupe Stanley.
McDavid sera finalement champion. Il obtiendra le Conn-Smythe en prime et son nom sera associé à ceux de Wayne Gretzky et Mario Lemieux pour toujours. Méchant beau podium pour confirmer sa place parmi les plus grands des grands du hockey, en attendant d'aller les rejoindre au Temple de la renommée.
Bon! Je sais très bien que dans les faits, Oilers et Panthers ont autant à gagner et à perdre dans le cadre du septième match tant attendu.
Une victoire leur permettra de soulever la coupe Stanley.
Un revers les condamnera à regarder l'adversaire plonger dans la griserie de la victoire alors qu'ils s'étoufferont dans l'agonie de la défaite.
Mais à tort ou à raison, j'ai vraiment l'impression que la griserie de la victoire sera bien plus enivrante pour les Oilers que pour les Panthers, alors que l'agonie de la défaite sera bien plus sombre pour les Panthers que les Oilers.
Retour au Canada
D'ici à ce que les deux équipes confirment ou non cette impression, souhaitons-nous un septième match à la hauteur de la place que cette finale Oilers-Panthers pourrait prendre dans l'Histoire de la LNH.
J'avais opté pour une prédiction favorisant les Panthers en six matchs. Je tendais même à les favoriser en cinq. Une décision que je regrettais d'avoir écartée lorsque la Floride était en avant 3-0.
Mais maintenant que la série est égale, je suis dans la vase. Je crois bien sûr les Panthers capables de l'emporter. Et j'aimerais beaucoup que Paul Maurice puisse réaliser son vœu candidement admis en début de finale de gagner la coupe Stanley.
Mais avec un match seulement à disputer, avec le vent qui pousse les Oilers et qui ralentit les Panthers, avec McDavid et Skinner qui sont sur des lancées alors que Tkachuk et Bobrovsky sont en plongée, il est difficile d'aller contre Edmonton.
Et si je n'ai jamais considéré qu'il était patriotiquement obligatoire de favoriser les Oilers au détriment des Panthers, on ne peut qu'être en faveur d'un retour de la coupe Stanley au Canada.
Surtout qu'elle n'y vient plus souvent et que ce n'est pas comme si les sept clubs canadiens pouvaient prétendre aux grands honneurs tous les ans pour rivaliser avec les prétendants américains qui partent favoris simplement en raison du poids des nombres.
Et on va se le dire, l'histoire sera bien meilleure et bien plus mémorable, si les Oilers brandissent la coupe Stanley ce soir.
Bon match!