Certains parlent d'un nuage noir, d'autres d'une tache au dossier de la Ligue nationale de hockey. Je crois personnellement que la LNH vient plutôt de s'enliser dans une véritable mare de boue au cours des derniers jours! Car en plus des révélations émouvantes et troublantes de Kyle Beach, deux acteurs importants ont quitté leurs fonctions respectives en marge de cette triste histoire, deux noms de famille qui ne sont pas les moindres dans l'univers du hockey : Bowman et Quenneville!

Le nom Bowman représente l'un des symboles les plus forts du hockey moderne, à commencer par Scotty et son parcours prolifique avec différentes organisations. Stan, son fils, a été au coeur d'un segment glorieux pour les Blackhawks de Chicago, segment marqué par la conquête de trois Coupes Stanley au cours des années 2010. Un homme à la réputation telle, qu'on lui avait confié la commande de l'équipe des États-Unis aux prochains Jeux de Pékin!

Quant à Quenneville, on parle de celui qui a mené les Hawks à ces trois conquêtes, d'un entraîneur qui est deuxième derrière Scotty Bowman (ironiquement) dans l'histoire de la Ligue pour le nombre de victoires. Ce n'est quand même pas rien! On parle donc, ici, de rien de moins que la rupture du « lien de confiance », de la fin d'une certaine « innocence » envers ces têtes d'affiche qui font partie du quotidien de la LNH et qui génèrent une grande influence dans leurs cercles respectifs. On parle de gens d'influence qui ont fermé les yeux sur l'inacceptable, sur l'horreur sur le plan humain, pour privilégier égoïstement le succès sur le plan sportif.

D'autres « coupables »?

Mais, vraisemblablement, les choses ne s'arrêteront pas à ces deux sacrifices. Déjà, l'Association des joueurs de la LNH et par ricochet, la LNH, se retrouvent dans l'eau chaude pour avoir supposément laissé tomber Beach après que lui et son agent Ross Gurney eurent sonné l'alerte envers Brad Aldrich, en 2011, alors qu'il se retrouvait à l'emploi de l'équipe américaine féminine des moins de 18 ans. L'un des médecins du programme d'assistance conjoint de l'Association des joueurs et de la LNH n'aurait pas donné suite aux consultations avec Beach et semble maintenant souffrir de troubles de mémoire lorsque appelé à commenter les allégations de l'ancien joueur des Blackhawks et de son agent.

Cette ébullition a provoqué une vive réaction du directeur général de l'AJLNH, Donald Fehr.

« Il ne fait aucun doute que le système a failli à la tâche au niveau du support dont il avait besoin et nous faisons partie de ce support », a-t-il dit, en promettant qu'une telle inertie de la part du personnel médical du programme conjoint « ne se reproduirait jamais! »

Au moins, Fehr ne se met pas la tête dans le sable! La LNH ne devrait-elle pas aussi faire publiquement son mea culpa en plus de lancer les enquêtes appropriées et de mettre à l'amende l'organisation des Blackhawks de Chicago?

Chose certaine, il faut absolument que le terrain soit bien nettoyé, de façon honnête et limpide, d'un côté comme de l'autre. Les auteurs d'agissements illégaux et immoraux doivent être dénoncés, bien sûr, mais le laxisme des structures doit l'être tout autant! Et il est clair que nous assistons présentement à un triste mélange des deux. D'où cette mare de boue, dont je faisais référence dans le titre de cette chronique!

Ne pas oublier Sheldon Kennedy

Lui-même victime des agressions répétées de son entraîneur alors qu'il était mineur, Sheldon Kennedy a joué un grand rôle en tant que premier véritable dénonciateur de tels actes dégradants. L'ancien joueur a eu aussi beaucoup de courage dans sa démarche publique, particulièrement à une époque (milieu et fin des années 1990) où les moyens de communications n'étaient pas les mêmes, où les mécanismes de support étaient moins structurés et où la société en général, surtout, ne prenait pas autant position contre de tels agissements.

Je me rappelle, d'ailleurs, avoir moi-même entendu des remarques désobligeantes ou à tout le moins irrespectueuses quant à sa démarche ou quant à son « rôle » dans ses propres agressions et ce, de la part de personnes influentes dans le milieu du hockey. Autres temps, autres moeurs, pourrait-on dire, il s'agit néanmoins de signes démontrant à quel point les choses ne pourront jamais changées si elles ne sont pas révélées au grand jour.

Cela dit, le processus sera long, les changements de « culture » dans le sport ou autres secteurs ne se feront pas du jour au lendemain et d'ici à ce que les structures soient correctement adaptées et les comportements de certains radicalement modifiés, il faudra passer par une phase de grande vigilance.

Vigilance des parents, d'abord, qui devront de plus en plus avoir l'oeil bien ouvert. Vigilance des amis ou coéquipiers, qui ne devront plus avoir peur ou honte de dénoncer s'ils voient des choses inacceptables. Vigilance des entraîneurs et dirigeants d'équipes sportives, qui doivent plus que jamais faire passer l'humain avant la performance. Vigilance des grands circuits, qui doivent mettre le pied au plancher pour éviter que les systèmes soient aussi « laxistes » comme dans le cas de Kris Beach!

La mare de boue actuelle doit servir de base à des changements profonds et ce, à tous les niveaux. Ceux qui ont le courage et la bravoure de raconter leur triste histoire méritent rien de moins!