En janvier 2016, le Canadien abandonnait dans le dossier Jarred Tinordi. Six ans après l'avoir sélectionné au 22e rang au total au repêchage, Marc Bergevin échangeait le colosse de 6 pieds 6 pouces aux Coyotes de l'Arizona.

 

La suite des choses n'aura pas été de tout repos pour Tinordi. Après avoir disputé 7 matchs avec sa nouvelle équipe, la LNH lui a imposé une suspension de 20 matchs après avoir échoué à un contrôle antidopage. Tinordi a finalement dû attendre quatre longues années avant de disputer à nouveau un match dans la LNH, cette fois dans l'uniforme des Predators de Nashville. Entre les Coyotes et les Preds, il aura porté les couleurs de Roadrunners de Tucson, des Penguins de Wilkes-Barre et des Admirals de Milwaukee, dans la Ligue américaine. 

 

Quand il repense à son parcours, le grand défenseur avoue que son séjour à Montréal a été difficile, alors que la pression était forte en tant que choix de premier tour. Il a également dû surmonter plusieurs épreuves sur le plan mental qui lui permettent de savourer davantage le moment présent.

 

« Ce fut un long parcours pour revenir à Montréal, souligne Tinordi. C'est bien d'être ici aujourd'hui. J'ai traversé des périodes difficiles, mais j'ai eu droit à beaucoup de soutien de la part de ma femme et des membres de ma famille. C'est facile de perdre le cap quand les choses sont difficiles. Je me mettais probablement trop de pression et je me suis parfois égaré. »

 

Alors qu'il parcourait les différentes villes de la Ligue américaine, Tinordi n'a jamais abandonné son rêve de jouer à nouveau dans la LNH, malgré toute l'adversité qu'il vivait. 

 

« À travers les hauts et les bas, c'était clair dans ma tête que je pouvais jouer dans la LNH. J'ai réussi à y revenir cette année et je ne tiens rien pour acquis. »

 

Outre les défis sur le plan psychologique, Tinordi était bien conscient qu'il devait peaufiner plusieurs aspects de son jeu pour développer un rendement constant, qui lui permettrait de rebâtir sa confiance et de gagner celle d'un entraîneur de la LNH.

 

« La chose la plus importante était d'apprendre à déplacer la rondelle plus rapidement, en jouant plus simplement. Une fois que j'ai réussi à me faire confiance, j'ai été en mesure de voir les options de jeu se développer plus facilement et d'accomplir de meilleurs jeux. Je suis satisfait de mon jeu présentement. »

 

L'entraîneur-chef des Predators, John Hynes, qui a lui-même vécu un défi cette saison en passant des Devils aux Preds en l'espace d'un peu plus d'un mois, apprécie grandement le travail que Tinordi effectue, dans l'ombre des Roman Josi, Ryan Ellis et Mattias Ekholm. Il frappe dans le mile pour identifier ce qui a pu représenter un problème pour Tinordi dans le passé.

 

« Le défi pour un joueur qui passe d'un niveau à l'autre (de la LAH à la LNH), c'est de se trouver un rôle et de comprendre le style de jeu qu'il doit préconiser pour demeurer au plus haut niveau, souligne le pilote des Predators. Dans son cas, il a un physique imposant, il est efficace avec son bâton pour fermer le jeu et représente un joueur difficile à affronter pour ses adversaires. Puis, en possession de la rondelle, il garde son jeu simple en optant souvent pour la première option de jeu. C'est ce qu'il doit faire sur une base constante et il l'a fait pour nous depuis son rappel. »

 

Tinordi a gagné le respect de son entraîneur, mais également celui de ses coéquipiers. Ryan Ellis se dit impressionné par le jeu de pieds d'un joueur aussi imposant physiquement, alors que Roman Josi souligne son efficacité avec la rondelle et sa présence appréciée dans le vestiaire de l'équipe.

 

Mais c'est aussi un événement en particulier qui a permis à Tinordi de faire monter le niveau de respect de ses coéquipiers dans le vestiaire.

 

En novembre dernier, Viktor Arvidsson a été victime de deux violents coups de bâton de la part de Robert Bortuzzo, des Blues de St Louis. Résultat : une absence de quatre semaines pour Arvidsson et une suspension de quatre matchs pour Bortuzzo. À ce moment, Tinordi évoluait dans les rangs mineurs, avec les Admirals de Milwaukee.

 

Le 15 février dernier, Bortuzzo affrontait les Predators pour la première fois depuis l'incident. Bortuzzo savait qu'il devrait probablement faire face à la musique et c'est finalement Tinordi qui l'a invité à régler ses comptes. Cette façon de faire ne fait certainement pas l'unanimité dans l'opinion publique, mais dans un vestiaire de hockey, c'est le genre de « sacrifice » qui fait en sorte que le niveau de respect monte d'un cran. Les commentaires des joueurs et de l'entraîneur vont en ce sens.

 

« C'est excellent de voir cela. Il nous a démontré qu'il était prêt à se lever pour nous, souligne Ryan Ellis. Je n'ai que de bonnes choses à dire à son sujet. »

 

« C'est dans son ADN, c'est le genre de joueur qu'il est, raconte John Hynes. Il défend ses coéquipiers et démontre qu'il est prêt à se sacrifier pour eux. Une grande part de l'esprit d'équipe est quand on est en mesure de se forger une identité et c'est le genre de joueur qu'il est dans notre vestiaire, un joueur qui a une identité propre. »

 

Sur le plan offensif, Tinordi ne casse rien, alors qu'il totalise 5 points en 27 matchs. Il a toutefois vécu un moment bien spécial le 29 janvier dernier, en marquant le premier but de sa carrière dans la LNH, à son 61e match et 10 ans après sa sélection au repêchage!

 

« C'était un beau moment et c'était spécial de le marquer à Washington puisque des membres de ma famille assistaient au match. Ils savent ce par quoi je suis passé pour en arriver là. »

 

Tinordi est conscient de son rôle dans une brigade défensive qui peut générer de l'attaque à outrance. Sa persévérance et son travail accompli au fil des ans lui ont permis de réaliser comment il pouvait trouver sa place dans la LNH. L'expérience actuelle n'est vieille que de 27 matchs, mais le géant a su établir une façon de travailler qui pourrait lui permettre de s'établir à long terme.