Les champions, la motivation et le temps qui passe
MONTRÉAL – La croyance voulant que les champions en titre de la coupe Stanley peinent à conserver leur superbe au début de la saison suivante en prend pour son rhume depuis quelques années.
En 2018, quelques mois après une conquête bien arrosée, les Capitals de Washington avaient complété leur premier bloc de 15 matchs avec une fiche de sept victoires et huit revers, dont trois en prolongation. C'est ce qui ressemble le plus à un faux départ parmi les détenteurs du grand calice argenté dans la dernière décennie.
Depuis, les équipes championnes ont plutôt tendance à reprendre où elles avaient laissé. Les Blues de St-Louis, le Lightning de Tampa Bay (deux fois) et l'Avalanche du Colorado ont peut-être toussoté un peu à la reprise, mais ont somme toute su conserver leur niveau d'excellence après leur parade.
Les Golden Knights de Vegas, toutefois, ont poussé la démonstration de constance à un autre niveau. Ils ont commencé la présente saison avec sept victoires consécutives et n'ont subi leur premier revers à la régulière qu'à leur treizième sortie. À la mi-novembre, les voilà qui arrivent au Centre Bell avec une fiche de 12-3-1 bonne pour le troisième rang du classement.
Leurs récents résultats peuvent laisser croire que la bête montre des signes d'essoufflement. Les Chevaliers ont en effet perdu trois de leurs quatre dernières parties. Leur seule victoire au cours de cette séquence a été célébrée aux dépens des pauvres Sharks de San Jose. Cet échantillon illustre-t-il le proverbial mur qui allait toujours les guetter après une courte trêve estivale? À l'interne, on n'y croit pas.
« Je ne pense pas que c'est la fatigue, Les gars, on est arrivés en pleine forme. Les tests physiques, ça n'a jamais été aussi bon. Je pense juste que dans une saison, toutes les équipes, même les meilleures, vivent une séquence où ça va moins bien. C'est normal. Je pense qu'on est là-dedans en ce moment, mais on va s'en sortir. On est trop bons pour que ça dure. »
« J'imagine qu'il y aura des moments dans l'année où ça va nous arriver, mais je ne l'ai pas encore senti, affirme pour sa part l'entraîneur-chef Bruce Cassidy. Nos récentes défaites ne m'indiquent rien en ce sens. On a bien joué à Washington, mais on s'est buté à un gardien qui a mérité son salaire. À Los Angeles, notre adversaire a profité de bonds favorables. Ça n'avait rien à voir avec une baisse d'énergie ou une mauvaise performance de notre part. »
« Comme toutes les équipes, même celles qui ne remportent pas la coupe Stanley, on vivra probablement un creux de vague à un moment donné. On gérera ça en temps et lieu », a désamorcé Cassidy.
Jonathan Marchessault, qui n'a pas l'habitude d'embellir la réalité, est allé dans le même sens. À ses yeux, malgré les résultats défavorables, les Knights jouent mieux en ce moment qu'ils ne le faisaient alors qu'ils empilaient les victoires. Pas de panique, donc.
Ça ne veut pas dire que le vainqueur du trophée Conn-Smythe a trouvé le retour au boulot facile.
« Le plus gros défi pour moi personnellement, c'est que j'aime jouer des matchs qui valent de quoi, a expliqué l'attaquant de Cap-Rouge. Tu joues pour la Coupe et tu reviens trois mois plus tard, tu joues un match hors-concours ou contre une équipe [moins bien nantie]... Maintenant, dans la Ligue, il y a un gros écart entre les meilleures équipes et les moins bonnes. Je nous considère parmi les meilleures équipes. Quand tu joues contre les équipes un peu moins talentueuses, c'est difficile de trouver de la motivation pour ça. »
Marchessault n'est probablement pas le seul à se sentir ainsi dans son vestiaire. Les deux premières défaites des Knights cette saison sont survenues contre les Blackhawks de Chicago et les Ducks d'Anaheim, deux équipes dans une phase de reconstruction assumée. « La nature humaine », a plaidé Cassidy au milieu d'une longue réponse.
Avenir incertain
La constance dans les résultats des Golden Knights n'est probablement pas étrangère à celle qui a caractérisé la saison morte des dirigeants du club. De tous les cadres qui ont participé à la conquête du printemps dernier, seul Reilly Smith a été perdu sur le marché des joueurs autonomes. Phil Kessel n'a pas non plus été réembauché, mais le vétéran avait été laissé de côté pour la majeure partie des dernières séries éliminatoires. Il est d'ailleurs toujours sans contrat.
Cette continuité, une rareté dans le sport professionnel, est précieuse aux yeux de Marchessault. Le Québécois est l'un des six membres originaux des Knights qui sont toujours à Vegas. Son attachement pour l'organisation qui lui a permis de s'établir à temps plein dans la LNH est évident. Mais on vous le disait plus haut, le natif de Cap-Rouge n'est pas du genre à embellir la réalité.
Les joueurs répètent souvent que leur travail se résume à ce qu'ils peuvent faire sur la patinoire et que le reste est hors de leur contrôle. Ça ne veut pas dire qu'ils ne suivent pas ce qui se trament dans les bureaux.
Jeudi, Marchessault s'est lancé dans l'énumération des joueurs des Golden Knights qui pourront toucher à leur autonomie complète à la fin de saison. Il n'en a oublié aucun. Il fait lui-même partie du lot avec Chandler Stephenson, William Carrier, Michael Amadio, Alec Martinez et Ben Hutton.
Marchessault a touché un salaire annuel moyen de 5 M$ au cours des six dernières saisons. Si on ne veut plus de lui à Vegas, sa feuille de route lui permettra assurément, à 33 ans, de séduire une équipe compétitive à la recherche d'un bon vétéran. Clairement, le scénario a commencé à lui trotter dans la tête.
« La réalité des choses, c'est que quand tu as une bonne équipe et que tu gagnes, ça parait bien dans la ligue. [...] La réalité, c'est qu'il y a pas mal de gars qui ne reviendront sûrement pas. Ils vont essayer, mais c'est juste comme ça que la ligue fonctionne. »
« Il ne faut pas trop regarder en avant, il faut vivre dans le moment présent. C'est une des qualités de notre équipe, on se concentre sur un match à la fois. »