Il n'est pas impossible que les Remparts soient les seuls occupants sportifs du nouvel amphithéâtre de Québec durant quelques années encore.

Le doute subsiste toujours sur les chances de Québec d'effectuer un retour à moyen terme dans la Ligue nationale, si jamais ils reviennent un jour, évidemment. On ne sent pas une très grande volonté de la Ligue nationale d'effectuer un retour au Québec. Les Coyotes de l'Arizona, qui engloutissent des sommes faramineuses dans une équipe dont peu de gens sont entichés, auraient pu s'avérer des candidats de choix pour un déménagement à Québec depuis deux ans. Gary Bettman s'est opposé farouchement à leur départ. Comme il le fera aussi dans le cas des Panthers de la Floride qui évoluent pourtant devant des foules ridicules.

Québec possèdera très bientôt un édifice répondant à tous les critères de modernisme exigés par la ligue, mais on n'entend parler que de Las Vegas ou de Seattle comme de la prochaine destination rêvée.

Peut-être que Gary Bettman ne veut pas ou ne peut pas révéler ses réelles objections au sujet de Québec. Peut-être que des études de marché lui indiquent des risques logiques sur la capacité de payer des amateurs. Peut-être a-t-il la conviction que Québec ne représente pas un marché économiquement viable dans le hockey professionnel d'aujourd'hui. Enfin, peut-être craint-il aussi de devoir annoncer un jour que les Nordiques étouffent une nouvelle fois à l'intérieur d'un plafond salarial beaucoup trop élevé pour leurs moyens.

Mais peut-être y a-t-il un irritant beaucoup plus sérieux encore que ceux-là. La situation politique que prône l'éventuel propriétaire de l'équipe risque-t-elle de devenir un bon sac de sable dans l'engrenage des futurs Nordiques? La question qui tue est la suivante: Bettman osera-t-il accorder une concession à un homme dont l'objectif ultime est de briser le pays? Les sept partenaires canadiens actuels, de Vancouver à Montréal, qui permettent à la ligue d'engranger la plus grosse part de ses revenus, sont loin d'approuver les ambitions politiques de Pierre Karl Péladeau. Partant de là, voilà sept équipes qui, le moment venu, pourront difficilement appuyer sa démarche pour ramener le hockey à Québec.

Quand Québec a perdu sa concession au profit de Denver, la masse salariale de l'équipe était de 15 millions $. Pour pouvoir se battre d'égal à égal avec les puissances de la ligue, les Nordiques devraient aujourd'hui verser 70 millions uniquement en salaires à leurs joueurs. Si jamais l'équipe effectuait un retour dans cinq ans, le plafond se situerait peut-être à 80 ou 85 millions de dollars.

Que le Colisée actuel reçoive encore de bonnes foules à l'occasion des matchs des Remparts n'est pas vraiment étonnant. C'est une organisation solide qui offre généralement un bon spectacle à prix modique. Malgré tout, les assistances sont en baisse cette saison.

Le billet le plus cher est fixé à 15 $. Les abonnements de saison varient entre 350 $ et 390 $. On est loin des ligues majeures. Sachez qu'il en coûte 1 148 $ juste pour stationner à l'intérieur du Centre Bell pour les 41 matchs de la saison. Une seule soirée pour un couple à un match du Canadien est une expérience qui frôle les 400 $. Comment les amateurs de hockey de Québec réagiront-ils quand le calendrier dictera la présentation de trois parties locales dans la même semaine?

Une vieille connaissance de Québec, dont l'entreprise est impliquée dans le domaine de la restauration, me précise que plusieurs propriétaires de restaurants traversent une période difficile. Ailleurs, on s'inquiète sur les répercussions que l'arrivée d'une équipe pourraient avoir sur le volet culturel de la ville. En d'autres termes, le dollar loisir qu'on investira dans le prochain Colisée sera passablement grugé quand viendra le temps d'aller s'asseoir au Capitole, au Grand Théâtre, à la salle Albert-Rousseau ou au Palais Montcalm.

Une équipe d'expansion ne serait pas de tout repos

On imagine que les dirigeants de l'équipe n'accèderaient pas à la Ligue nationale avec l'intention de se montrer patients durant des années avant de pouvoir offrir un haut niveau de compétition, surtout dans un marché qu'ils devraient partager avec Montréal.

Gilles Léger, qui a contribué à bâtir les défunts Nordiques et qui a été un maître d'oeuvre avec Marcel Aubut dans la défection des frères Peter et Anton Stastny, croit que les choses seraient très difficiles si jamais Québec héritait d'une formation de l'expansion.

« Nous avons eu de la chance quand nous sommes entrés dans la Ligue nationale en 1979, après la dissolution de l'Association mondiale, rappelle-t-il. Nous sommes devenus tout de suite compétitifs. Au repêchage de 1979, nous avons réclamé, dans l'ordre, Michel Goulet, Dale Hunter, Anton Stastny et le défenseur Pierre Lacroix. Durant la deuxième année, les deux Stastny sont arrivés et nous avons effectué une transaction pour obtenir le gardien Daniel Bouchard. Nous possédions déjà Réal Cloutier (qui a obtenu 42 buts et 89 points dès la première saison) et Marc Tardif (33 buts). À 19 ans, Michel Goulet était le troisième marqueur de l'équipe. À l'intérieur d'une période de deux ans, nous avions déjà une bonne équipe. »

Malgré tout, les Nordiques, après avoir ajouté au repêchage des joueurs aussi talentueux que Joe Sakic, Mats Sundin, Adam Foote, Owen Nolan et Eric Lindros (ce qui a valu d'obtenir en échange une grande star comme Peter Forsberg), ne sont même jamais allés en finale de la coupe Stanley.

« Par contre, c'est nous qui avons bâti l'équipe qui a gagné la coupe au Colorado dès sa première saison là-bas », s'empresse de préciser Léger, un peu avec raison.

Tout serait à refaire si jamais Québec se voyait offrir une formation de l'expansion, un scénario qu'elle ne pourrait refuser si jamais le commissaire changeait son fusil d'épaule.

« Quand tu pars de rien, il faut logiquement attendre 15 à 20 ans avant de devenir un candidat à la coupe, ajoute Léger, aujourd'hui un recruteur professionnel avec les Rangers de New York. De nos jours, c'est déjà très difficile de rivaliser avec la compétition, encore plus de gagner la coupe. Même si nous avons eu une bonne équipe dès le départ en 1979-80, il nous a fallu patienter deux ou trois ans ans avant de pouvoir rivaliser avec le Canadien. Si la même situation se reproduisait, je leur souhaiterais bonne chance », dit-il sur un timbre de voix qui en dit long sur son manque d'optimisme.

Essayons juste d'imaginer la situation quand Las Vegas héritera d'une formation tirée de l'expansion. Si on croit que ce serait difficile pour Québec de patienter pendant plusieurs années avant de pouvoir jouir d'une formation respectable, on n'a pas de mal à entrevoir des gradins dégarnis à Vegas pour voir jouer les rejets des 30 équipes actuelles dans une ville qui n'a pas le moindre attachement pour le hockey.

Au moins, à Québec, ce ne sont pas les amateurs de hockey qui manquent.