MONTRÉAL – Pendant qu’une vague de consolidation frappe le milieu des agences de représentation d’athlètes, quelques petites firmes s’accrochent pour ne pas disparaître. Alors que certains craignent pour leur survie, elles sont prêtes à clamer qu’elles méritent encore leur place.
 
Les acquisitions et les fusions ont été nombreuses au cours des dernières années si bien que d’immenses et puissantes agences règnent dans cet univers de plus en plus compétitif et lucratif.
 
L’envergure de ces entreprises, celles où des agents influents comme Pat Brisson et Don Meehan opèrent, leur permet de repousser les limites quant aux services offerts aux joueurs et d’imposer une pression sur les rivaux moins imposants.

Paul Corbeil

« C’est un peu moins stressant pour ceux qui représentent trois ou quatre clients d’envergure, mais tu finis par devenir un valet ou un concierge pour eux plus que d’être un agent. C’est une approche impossible quand tu veux avoir une plus grande quantité de clients », a exprimé Allain Roy qui a permis à son entreprise, RSG Hockey, de connaître une grande ascension.
 
« Je pense qu’on s’en va dans une direction où ils devront se joindre à une agence. C’est trop difficile. Je connais quelques-uns de ces agents et je peux voir la nervosité ou la panique quand l’un de leurs joueurs est approché par une autre agence plus grosse », a enchaîné Roy qui avait dû se résoudre à acheter une agence il y a près de 20 ans devant la complexité de se tailler une place dans ce milieu en partant de zéro.
 
Philippe Lecavalier, l’un des agents de Quartexx, une autre firme qui grandit à vue d’œil, pèse ses mots lorsqu’on lui demande s’il existe encore une place à long terme pour les petites agences.
 
« Oui, il y a des joueurs qui vont rechercher ça, une attention qui sera tout le temps sur eux. Mais au niveau des services offerts aux joueurs, si on met l’attention individuelle de côté, je pense que ça s’en va vers les grosses agences. Les petites agences n’ont pas l’expertise ou les contacts pour fournir des services aussi complets », a-t-il cerné.
 
« La seule façon pour eux de se démarquer est de dire ‘T’es l’un de mes seuls joueurs et on va pouvoir se parler 10 fois par semaine. Parce que sinon, c’est impossible. Disons plutôt très, très difficile », a ensuite lancé Lecavalier.
 
Ce tourbillon de ressources - qui passe par des fiscalistes, des entraîneurs de développement et bien plus - les petites agences doivent s’efforcer de l’offrir et elles se targuent d’y parvenir malgré des moyens plus limités.
 
« Moi aussi j’offre l’équivalent d’un fiscaliste. C’est simple, j’ai un comptable agréé de l’une des plus grosses firmes au Canada qui s’occupe des impôts et c’est très facile également pour des planificateurs financiers », a répondu du tac au tac Samuel Perreault, un agent à l’autre bout du spectre des Brisson, Meehan et compagnie.
 
Paul Corbeil, qui tire bien son épingle du jeu parmi les agences plus petites, tient un discours similaire.
 
« Ce genre de services, je les offre. Je suis une personne de contact, j’ai une multitude de contacts. Le travail d’un agent, c’est de pouvoir résoudre des problèmes. Dans mon iPhone, j’ai des milliers de contacts pour vendre des joueurs aux équipes et résoudre des problèmes de toutes sortes », a-t-il avancé.  
 
L’agent québécois, qui est également notaire, utilise une formule efficace pour imager son offre.
 
« Je prends souvent l’image de la grosse agence qui serait la très belle Ferrari qui cause l’effet wow et qui attire l’œil, mais tu ne peux pas aller beaucoup plus vite que 100 km/h sur l’autoroute. Je me définis plus comme un gros pick-up F-350 qui va partout. Je peux rouler à 100 km/h, mais aussi prendre la route de gravier, grimper la montagne, prendre le chemin de terre et revenir sur l’autoroute. Je sors des sentiers battus et je vais aller à la guerre pour mes clients. Si on doit prendre le chemin de campagne, on va le faire et on retournera sur l’autoroute plus tard », a raconté Corbeil qui a été l’agent d’Alex Burrows et qui représente notamment Yanni Gourde, Samuel Montembeault, Alex Barré-Boulet et Danick Martel.
 
Une réponse à un besoin?

L’enjeu ultime demeure de savoir si les agences moins imposantes parviendront à survivre.
 
Afin d’obtenir un point de vue diversifié, on a voulu sonder des agents moins présents dans le paysage médiatique sportif au Québec comme le Franco-Ontarien Serge Payer qui s’est installé en Floride. Après une carrière professionnelle d’une dizaine d’années incluant 124 matchs dans la LNH, il a fait son ascension auprès de l’agence Unlimited Sports Management qui encadre 64 joueurs. Il dirige le volet nord-américain de ce groupe qui a vu le jour en Europe via Patrick Pilloni et où son influence demeure considérable.
 
À son avis, les agents ne conseillant qu’une poignée de joueurs peuvent conserver leur place.
 
« Sûrement, s’ils ont un plan et qu’il est bien établi. Leur vision sera différente d’une grande agence et c’est sans doute plus difficile, mais rien n’empêche une petite agence d’avoir du succès », a déterminé Payer.Serge Payer
 
Plus connu dans le milieu sportif de la Belle Province, Gilles Lupien n’accorde plus souvent d’entrevues. Ne se disant pas « le chum des journalistes comme d’autres agents », Lupien a accepté de livrer quelques commentaires sur la question. Il faut dire que l’ancien défenseur du Canadien a déjà représenté plus d’une vingtaine de joueurs dont quelques vedettes québécoises de la LNH.
 
Pour lui, c’est clair que la qualité d’un agent n’affiche pas de corrélation avec le nombre de joueurs représentés par celui-ci.
 
« J’en ai déjà eu 27 et je n’étais pas meilleur que lorsque j’en représente 3 », a lancé avec aplomb celui qui est nullement impressionné par les firmes qui ont la cote présentement.

 
« Les athlètes travaillants ne vont pas avoir peur de rester avec de petites agences », a ensuite soutenu Lupien qui représente encore Corey Crawford et Sean Couturier.
 
Que ce soit Corbeil, Lupien ou Perreault, ceux qui tiennent les agences moins influentes à bout de bras ont véritablement l’impression de répondre à un besoin criant qui favorise leur pérennité.
 
« Je pense que les petites agences peuvent survivre parce que notre métier, c’est avant tout de bâtir une relation avec la famille et le joueur. Quand les deux côtés ont une grande confiance, je ne vois pas de problème même si les grosses agences attirent les gros noms », a proposé Perreault.
 
Comme le dit Corbeil, « ça peut parfois paraître sexy d’être avec une grosse agence », mais la qualité du service n’augmente pas pour autant.Gilles Lupien
 
« Ce n’est pas vrai que la grosse agence va obtenir un gros contrat et la petite agence, un plus petit. C’est peut-être même le contraire, tu investis toutes tes énergies pour avoir le meilleur pour ton client », a avancé le notaire de formation qui a déniché l’entente désirée à Gourde.
 
Si leur statut plus limité leur permet plus difficilement d’attirer les Connor McDavid et Jack Hughes de ce monde, plusieurs autres joueurs bénéficient de leur présence.
 
« Bien sûr, tous les agents veulent le futur choix de première ronde et tout le monde offre une multitude de services pour se rendre attrayant. Cependant, beaucoup d’autres joueurs méritent qu’on les vende auprès des dirigeants et qu’on prenne soin d’eux », a conclu Corbeil qui prétend faire un excellent travail dans ce créneau.

Les offres hostiles, un concept trop peu utilisé selon les agents