LNH à Québec : personne ne frappe à la porte
Il y a tout juste une semaine, Gary Bettman a confirmé que le sérieux affiché par Ashley et Ryan Smith l'avait convaincu de recommander aux gouverneurs de la LNH la migration des Coyotes de l'Arizona vers Salt Lake City où ils sont devenus le Utah Hockey Club.
« Je dansais avec Ryan depuis un certain temps et il faut croire qu'il était meilleur danseur que les autres », a illustré le commissaire de la LNH quand est venu le temps d'expliquer pourquoi Salt Lake avait devancé d'autres marchés qui attendent l'arrivée de la LNH... ou son retour.
De passage à Montréal, lundi, Bettman a confirmé que personne ne danse avec lui dans la valse visant à ramener les Nordiques à Québec. Qu'il n'y a pas d'interlocuteurs sérieux dans la Capitale pour imiter Ryan et Ashley Smith qui ont réussi le tour de force de lancer une franchise de la LNH en moins de six mois.
Habituellement très vague dans ses commentaires sur Québec et les autres villes ayant signifié de l'intérêt « robuste » à l'endroit de la LNH, Bettman a été beaucoup plus ouvert et direct quand il a été questionné sur son apparente réticence à l'endroit de Québec.
« Plusieurs facteurs qui ne dépendent pas de la Ligue doivent être pris en cause. Cela inclut un groupe qui a les moyens financiers suffisants pour être pris en considération. Et ce n'est pas encore arrivé », a assuré Bettman d'abord dans une mêlée de presse avant la rencontre et ensuite au premier entracte du match Canadien-Penguins sur les ondes de RDS.
Cette remarque de Gary Bettman est importante. Car elle rappelle que, bien que la vétusté de l'ancien Colisée et le refus des Gouvernements de s'impliquer dans la construction d'un nouvel amphithéâtre ont fait migrer les Nordiques vers Denver, la question de l'amphithéâtre est loin d'être suffisante pour militer en faveur d'un retour des Nordiques au Centre Vidéotron.
Dans le film « Field of Dreams », une voix divine répète à Ray Kinsella – un fermier personnifié par l'acteur Kevin Costner – de construire un terrain de baseball et que les fantômes des grandes vedettes du passé sortiront des champs de maïs qui le ceinturent pour venir le prendre d'assaut.
Québec a fait sa part avec la construction du Centre Vidéotron qui a remplacé le Colisée. Mais l'amphithéâtre et l'appui du Gouvernemenent et du ministre des Finances Éric Girard ne suffiront pas à faire apparaître les fantômes des frères Stastny, de Michel Goulet, de Dale Hunter, Joe Sakic, Peter Forsberg et qui encore...
Pas plus que deux matchs préparatoires des Kings de Los Angeles à qui le « ministre des Nordiques » a fait cadeau de 6,5 millions $ et la ville a donné les clefs du Centre Vidéotron pour les inviter dans la capitale.
« Je suis prêt à rencontrer les élus quand ils veulent. Mais le Gouvernement du Québec ne sera pas propriétaire de la franchise », avait assuré Bettman lors de l'annonce de l'arrivée de la LNH à Salt Lake City.
Avoir les moyens de ses ambitions
Est-ce que Pierre-Karl Péladeau est toujours le porte-étendard du retour des Nordiques à Québec?
À la lumière des commentaires du commissaire de la LNH, il est permis de poser les questions suivantes :
A-t-il encore vraiment l'ambition de ramener le hockey de la LNH à Québec?
A-t-il vraiment les moyens de ses ambitions dans sa quête de faire revivre les Nordiques? Les moyens suffisants pour faire tourner le vent en sa faveur comme ont su le faire Ashley et Ryan Smith à Salt Lake City?
Rappelons que les mots « moyens suffisants » se transforment dans le temps de le dire en somme colossale dépassant le milliard de dollars selon la progression économique de la LNH depuis les années difficiles des saisons COVID.
C'est énorme.
Salt Lake City est un marché plus petit que celui de Québec. Et bien que Bettman, le couple Smith et tous les membres du Utah HC aient souligné l'accueil sensationnel offert par les amateurs de hockey et ceux qui sont susceptibles de le devenir, ça n'avait rien à voir avec l'accueil que Québec réserverait aux Nordiques s'ils devaient renaître.
Publiquement et en privé, les dirigeants de la LNH ne remettent jamais en question l'intérêt des partisans. Pas plus que leur passion.
Mais la survie d'une franchise de la LNH dans des marchés comme Salt Lake, comme Winnipeg, comme Ottawa et comme Québec, n'est pas entre les mains des partisans. Ou pas seulement.
Bon! Ils doivent bien sûr remplir les gradins.
Mais même avec des gradins remplis, ou à peu près, il faut d'abord et avant tout qu'un propriétaire, ou groupe de propriétaires, soient en mesure d'encaisser des pertes financières importantes lorsque les choses se mettent à mal aller.
Sans l'appui financier de la famille Thompson, les Jets seraient condamnés à Winnipeg. Ils le sont peut-être même déjà alors que cette franchise est loin d'être solide.
Michael Andlauer a allongé plus d'un milliard en devises canadiennes pour acquérir les Sénateurs... et les ennuis qui venaient avec eux. L'entente qui permettra de sauver la mise financièrement avec le déménagement du domicile de son équipe sur les plaines Lebreton et le développement commercial et résidentiel qui suivra aidera Andlauer au fil des prochaines années. Mais son équipe demeurera un club éternellement menacé par le fait qu'Ottawa est un marché aussi fragile que ne l'est Winnipeg et que le serait Québec.
D'où l'importance pour la LNH de s'assurer que ces équipes soient un « jouet » très dispendieux que quelques richissimes propriétaires aux poches pleines, des fortunés qui craignent plus la fin du monde que la fin du mois.
Et pour l'instant, comme l'a confirmé Bettman lors de son escale au Centre Bell, lundi, ce ou ces propriétaires potentiels ne frappent pas à sa porte pour danser avec lui et mousser leur chance d'obtenir un jour une équipe.
La stagnation du dossier de Québec dans les bureaux de la LNH n'a donc rien à voir avec une éventuelle objection du Canadien et son propriétaire Geoff Molson.
Le commissaire a d'ailleurs insisté sur le fait que Geoff Molson, qui est membre du comité exécutif en passant, lui a maintes fois indiqué qu'il était non seulement favorable au retour du hockey de la LNH à Québec, mais qu'il voterait en faveur de ce projet si les gouverneurs étaient un jour appelés à prendre une telle décision.
Amazon Prime
Gery Bettman n'a pas visité le Centre Bell pour parler du dossier du retour des Nordiques à Québec; d'une expansion à laquelle la LNH réfléchit sans pour autant y accorder une attention active; de changements à apporter au calendrier préparatoire, à celui de la saison régulière ou au format des séries éliminatoires.
Non!
Il était au Centre Bell pour être témoin du bourdonnement entourant le premier match « exclusif » offert par la LNH à Amazon Prime.
Lundi soir, au Canada et en anglais, le match Canadien-Penguins était disponible sur Prime et seulement sur Prime.
Un message clair à tous les diffuseurs qui détiennent les droits sur les matchs nationaux et régionaux qu'un gros envahisseur pourrait venir compliquer les négociations entourant le prochain contrat de télé.
Le contrat actuel est valide jusqu'en 2026.
Si Rogers/Sportsnet ne s'entend pas avec la LNH au cours de la période de négociations exclusives avec la LNH – en janvier et février prochain – BellMedia pourra s'inviter à la table.
Amazon aussi.
Et comme Gary Bettman a indiqué à quel point la télé traditionnelle – lire ici la télé câblée qui rejoint une majorité de Québécois et de Canadiens – s'étiole à la faveur des plates-formes numériques, on doit accorder beaucoup d'importance à l'expérience tentée par la LNH cette saison avec Amazon.
Le hockey est plus qu'un sport au Canadien. Il occupe une part importante de la culture – au sens large – québécoise et canadienne.
Comme la NFL aux États-Unis – la comparaison vient de Bettman et non de moi – le hockey de la LNH n'a pas à se « contenter » du numérique au Canada.
Mais Bettman voit plus loin que 2027 lors de l'entrée en vigueur du prochain contrat. Il voit en 2030, 2040. Il tente de visualiser, avec ses conseillers, le portrait qu'aura la télé dans 5, 10, 20 ans. Il tente de déterminer le meilleur vaisseau médiatique qui lui permettra d'aller rejoindre les partisans acquis et ceux qui s'ajoutent chaque jour par le biais de l'immigration et qu'il veut attirer vers le hockey.
Amazon est débarqué avec ses gros sabots et ses grands moyens au Centre Bell lundi. Des très grands moyens. Avec de l'équipement tout neuf et le double de caméras normalement utilisées dans le cadre d'un match « normal » produit par RDS ou nos amis de TVA Sports.
Ce nouveau joueur est imposant. Et il aura le moyen de ses ambitions s'il décide de sauter dans la mêlée une fois l'exercice de 2024-2025 complété. En plus, il semble déjà avoir l'appui de la LNH. Ce qui pourrait lui permettre de prendre le contrôle de la diffusion du hockey au pays dès l'automne 2026.
Les obligations canadiennes en matière de langues officielles obligeront Amazon – comme c'est le cas avec tous les diffuseurs – à offrir du contenu francophone. Que ce soit par sa propre production ou par le biais de partenariat.
Ce qui permettra aux amateurs francophones de continuer de suivre les matchs des « Glorieux » dans la langue de René Lecavalier et de Pierre Houde qui ira bientôt le rejoindre au Temple de la renommée du hockey.
Il ne reste qu'à savoir si ce sera à la télé conventionnelle ou par le biais du numérique que les partisans francophones suivront les montées des « flying frenchmen »!