La victime d'agression sexuelle de l'ancien entraîneur adjoint des Blackhawks de Chicago Bradley Aldrich est sortie de son mutisme, 24 heures après le dépôt du rapport de la firme Jenner & Block.

Kyle Beach, 31 ans, a été le premier choix des Blackhawks de Chicago en 2008. Il s'est confié à Rick Westhead à l'émission Sportscenter de TSN dans une entrevue émotive diffusée mercredi.

Blackhawks : Kyle Beach s'ouvre à Rick Westhead

Beach en veut au système qui ne l'a pas protégé et à une ligue qui lui semblait plus préoccupée par son image que par la protection de ses joueurs.

Les conclusions du rapport qui ont notamment entraîné la démission du directeur général des Blackhawks Stan Bowman ont provoqué diverses émotions en lui. L'examen indépendant par un cabinet d'avocats externe, commandé par l'équipe en réponse à deux poursuites, s'est étendu à plusieurs recoins de la LNH, qui a condamné les Blackhawks à une amende de 2 millions de dollars pour « les procédures internes inadéquates de l'organisation et la réponse insuffisante et inopportune ».

« J'ai pleuré, j'ai ri, j'ai pleuré. Moi et ma copine Bianca ne savions pas quoi penser.  Elle a été mon roc depuis le début de ce processus. J'ai été chanceux de l'avoir à mes côtés lors de mes jours difficiles. Je n'aurais jamais pu imaginer ce qui s'est passé hier en conférence de presse. »

Beach a révélé avoir prévenu la direction de l'équipe quand les événements se sont produits en mai 2010 et il avoue s'être senti bien seul.

« Je suis soulagé. Ce n'est plus ma parole contre la leur. Plusieurs personnes ont été interrogées dans les médias et bien des mensonges ont été racontés. C'était important pour moi que la vérité sorte hier. »

Les agissements d'Aldrich, ancien entraîneur vidéo, ont brisé son rêve, lui qui venait de terminer son stage junior à Spokane et qui a fait l'objet d'un rappel des Blackhawks après un passage à Rockford dans la LAH.

« C'était un moment spécial pour moi et ma famille de me retrouver dans l'entourage des Hawks pour la première fois de ma carrière. J'étais tout près de réaliser mon rêve de jouer dans la LNH. Malheureusement, quelques semaines plus tard, ma vie a été changée à jamais. »

L'agression d'Aldrich l'a plongé dans un long corridor de noirceur, qui l'ont éventuellement fait sombrer dans l'alcool et les drogues. Aujourd'hui, il poursuit sa carrière en Allemagne.

« J'avais peur. Ma carrière était menacée, je me sentais seul et dans la noirceur. C'est difficile de replonger dans ces souvenirs. Je me sentais seul avec personne vers qui me tourner pour demander de l'aide. J'avais 20 ans et je ne savais pas quoi faire. Je n'aurais jamais pensé me retrouver dans cette situation à cause d'une personne qui devait m'aider à devenir un meilleur joueur de hockey et une meilleure personne. Je ne savais pas quoi faire. »

Sa mère aussi a été bouleversée quelques mois plus tard quand il lui en a parlé.

« Ma mère a pleuré tout l'été parce qu'elle se sentait responsable et qu'elle ne m'avait pas protégé, mais il n’y a rien qu'elle ne pouvait y faire. Après cette première conversation, nous n'en avons jamais parlé jusqu'à tout récemment. »

Il n'a pas apprécié les commentaires qui ont été rapportés et attribués à l'entraîneur Joel Queneville. Il assure que ce dernier était au courant de l'agression. Avec le recul, il fait une lecture bien personnelle des déclarations de son ancien instructeur. 

« Ce que je comprends dans mes mots, c'est que la coupe Stanley était plus importante qu'une agression sexuelle. Je ne peux pas y croire comme être humain et je ne peux pas l'accepter. »

Beach a côtoyé son agresseur pendant la route qui a mené à la conquête de la coupe et ça l'a rendu malade de le voir célébrer comme si de rien n'était.

« Je me sentais malade. J'avais mal à l'estomac. J'ai parlé de ce qui était arrivé, mais rien n'a changé. Pour lui, rien n'avait changé. Sa vie était comme la veille. Le voir soulever la coupe Stanley à la parade, célébrer et être pris en photo m'a fait sentir comme un moins que rien, comme si je n'existais pas et que je n'étais pas important. C'était comme si c'était lui qui avait raison et que moi, j'étais dans le tort. Jim Gary (préparateur mental) m'a dit que c'était de ma faute parce que je m'étais placé dans cette situation. »

Après son départ de Chicago, Aldrich  a continué son chemin et il a fait une autre victime au Michigan où il travaillait. Beach a pris connaissance des événements via internet et il a ensuite développé un profond sentiment de culpabilité pour cette autre victime. Mais ce sont ces événements qui lui ont donné la force de dénoncer. 

« Je suis désolé de n'a pas avoir pu en faire plus que j'ai fait pour le protéger, pour éviter que ça lui arrive. Mais je veux aussi le remercier, car lorsque j'ai appris ce qui s'était passé à Michigan, ça m'a donné la force de prendre action. »

Beach a effectué sa propre traversée du désert. Il est encore marqué, mais il se sait sur le chemin de la guérison. 

« Je suis un survivant et je sais que je ne suis pas seul autant chez les hommes que les femmes. J'ai gardé ce secret pendant onze ans et ça m'a détruit. Je veux que les victimes sachent, dans le monde du sport ou dans le monde en général, qu'elles ne sont pas seules. Si une chose comme celle-là vous arrive,  vous devez savoir que vous n'êtes pas seul et vous devez en parler parce ce qu'il y a un système pour vous aider comme dans le cas de Sheldon Kennedy. »

L'entraîneur des Panthers de la Floride, Joel Quenneville, rencontrera jeudi le commissaire de la LNH, Gary Bettman, et le directeur général de Winnipeg, Kevin Cheveldayoff, prévoit également s'entretenir avec le commissaire. Les deux étaient avec les Blackhawks lorsque les allégations ont été signalées pour la première fois à la direction de l'équipe.

Selon le rapport, la rencontre entre Doe, 20 ans - maintenant auto-identifié comme Beach - et Aldrich, alors âgé de 27 ans, a eu lieu le 8 ou le 9 mai 2010.

Beach a déclaré aux enquêteurs qu'Aldrich l'avait menacé avec un bâton de baseball avant de lui faire une fellation de force et de se masturber sur le dos du joueur, allégations qu'il a également détaillées dans son procès.

Aldrich a dit aux enquêteurs que la rencontre était consensuelle. Interrogé mercredi au sujet du rapport du cabinet d'avocats, Aldrich a répondu : « Je n'ai rien à dire ».