Les séries éliminatoires de la coupe Stanley sont une véritable guerre de tranchées où tous les efforts sont déployés pour venir à bout de son adversaire. Devant vaincre à quatre occasions la même équipe, toutes les facettes du jeu sont décortiquées, les entraîneurs apportant sans cesse les ajustements nécessaires. C’est une partie d’échec, une bataille psychologique. Vraisemblablement, il semble que les Ducks aient fait leurs devoirs avant de se frotter aux Prédateurs, alors qu’ils auraient révélé au grand jour le talon d’Achille de Pekka Rinne.

En effet, depuis le début de la finale de l’association de l’Ouest, 20% des buts inscrits par Anaheim aux dépens de Rinne avaient pour provenance l’enclave. Pourtant, aujourd’hui dans la LNH, seulement 25% des buts sont marqués à l’aide de tirs décochés en périphérie, alors que 75% des buts ont l’enclave pour origine. Cet écart titanesque séparant ce 20% du 75% attendu a de quoi faire froncer les sourcils.

Comment expliquer cette différence marquée? Pekka Rinne est-il réellement plus faible que le gardien moyen face aux lancers de loin? S’agit-il plutôt d’une coïncidence insignifiante exacerbée par la guerre psychologique livrée en séries éliminatoires?

Tableau Pekka RinnePekka Rinne roule sa bosse dans la LNH depuis la saison 2008-09 et il a déjà signé 279 victoires dans le circuit Bettman. Être un cerbère inopérant face aux tirs décochés en périphérie, le grand Finlandais n’aurait jamais su inscrire ses succès dans la durée. Que Rinne soit mauvais face aux tirs de loin est en soi une explication simpliste, superficielle et surtout sensationnaliste. D’ailleurs, nous pouvons constater qu’il a affiché un meilleur pourcentage d’arrêts que le gardien moyen de la LNH face aux tirs décochés en périphérie cette saison, ceci étant valable pour chacune des cinq zones. De même, lors des deux rondes précédentes, douze des quatorze tirs ayant trompé la vigilance de Rinne provenaient de l’enclave. Autrement dit, 85% des buts marqués à ses dépens venaient de l’enclave. En somme, l’idée que Rinne soit médiocre face aux lancers de loin ne tient pas la route.

Il n’en demeure pas moins que seulement 20% des buts inscrits par Anaheim avaient l’enclave pour provenance. Alors, comment expliquer cette tendance?

Pekka Rinne est un gardien format géant très athlétique, mais il est loin d’être un grand technicien. Il est souvent mal positionné ou dans le mauvais axe, défaut technique qu’il parvient fréquemment à compenser avec sa vitesse et son gabarit. Ces qualités expliquent qu’il soit le gardien toujours dans la course au Saint Graal affichant le meilleur pourcentage d’arrêts face aux tirs décochés depuis l’enclave. Ces tirs sont les plus menaçants, comme le temps de réaction du cerbère est grandement réduit et que le tireur profite d’un angle optimal. En raison de sa stature, les ouvertures laissées par Rinne sont beaucoup moins importantes que dans le cas du gardien moyen, en plus de compter sur des réflexes aiguisés tels ceux d’un chat. Ceci explique que Rinne soit si bon pour enrayer les chances de marquer de l’adversaire.

Paradoxalement, comme Rinne n’excelle pas sur le plan technique, son positionnement douteux lui joue parfois des tours. C’est exactement ce qui se produit dans la présente série face aux Ducks.

Tout a commencé dès la sixième minute de jeu du premier duel, alors que Jakob Silfverberg a trompé Rinne depuis le haut du cercle des mises en jeu. Au fil des matchs, les buts marqués à la suite de lancers décochés en périphérie ont commencé à s’enchainer, quoique Rinne continue de briller face aux tirs de l’enclave.

À mon humble avis, il est plutôt question d’un élément psychologique, alors que toute confiance, même celle d’un athlète professionnel, est ébranlable. Les chiffres démontrent qu’à long terme, Rinne est meilleur que le gardien moyen face aux tirs de loin, mais que depuis le début de cette série, la réalité est toute autre. Il est par conséquent possible que, consciemment ou inconsciemment, Rinne ait commencé à appréhender ces lancers, que sa confiance soit quelque peu chambardée, lui qui a mal paru à quelques reprises.

Il faut dire que la chance n’a pas joué en faveur du Finlandais, alors que certains des buts alloués furent le pur produit du hasard. Le filet de Corey Perry inscrit en prolongation depuis le coin de la patinoire, lors de la dernière partie, en est le meilleur exemple, alors que la rondelle a sournoisement dévié sur le bâton de P.K. Subban. Par moments, tout va de travers et finit par s’embourber telle une spirale infernale. C’est exactement ce qui semble se produire dans le cas de Rinne, mais c’est un mal limité à la troisième ronde et aux tirs en périphérie, lui qui joue très bien globalement.

Pour leur part, les Ducks continuent d’envoyer le disque vers le filet, ce qui rapporte des dividendes. Il est peu probable que la formation californienne ait eu le temps de déceler une telle faiblesse dans le jeu de Rinne. Après tout, l’entraîneur-chef, Randy Carlyle, a mentionné que la fatigue était un facteur à prendre en compte, eux qui n’ont eu qu’une journée de repos après s’être défaits des fougueux Oilers.

La vérité est que seul Pekka Rinne saurait expliquer cette situation. Si l’aspect psychologique n’est pas en cause, les choses se replaceront d’elles-mêmes. Sinon, l’international finlandais doit se ressaisir et retrouver ses repères, car en accordant de mauvais buts, il finira inévitablement par casser les reins de son club.

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Tous les projecteurs de la planète hockey étant braqués sur lui, Rinne peut prouver qu’il ne s’agit que de bobards ou crouler sous la pression. C’est face à l’adversité que les légendes se forgent.