J'ai eu une intéressante conversation avec le directeur général adjoint du Lightning de Tampa Bay, Julien Brisebois, au sujet de Martin Saint-Louis, il y a quelques semaines.

Nous n'avons pas parlé de sa participation possible aux Jeux olympiques. C'était trop loin encore comme événement. On a plutôt discuté tout bonnement du genre d'athlète qu'il est et du rythme étonnant qu'il maintient, à 38 ans, au sein d'une ligue qui ne voulait pas de lui il y a 15 ans.

Personne ne l'avait réclamé au repêchage. Les Flames de Calgary, qui lui avaient offert un contrat à titre de joueur autonome, ne l'avaient pas regardé très longtemps. Après l'avoir offert au ballottage, le Lightning, qui venait de rater les séries pour la septième fois en huit ans, n'avait pas risqué grand-chose en le réclamant. À Tampa, on avait surtout besoin de joueurs pour remplir des chandails à l'époque.

Saint-Louis a rempli le sien avec brio. Son parcours, qui est loin d'être terminé, est phénoménal. Il a joué un rôle déterminant dans la conquête d'une coupe Stanley. Il a remporté deux championnats des marqueurs et mérité le trophée Hart, le trophée Ted-Lindsay (qui détermine le meilleur joueur de la ligue voté par les joueurs), trois trophées Lady-Bing, une première équipe d'étoiles et quatre deuxièmes.

Il lui a fallu trimer très dur pour se forger une telle feuille de route. Les exploits qu'il a réussis ont fait écarquiller les yeux des plus sceptiques, surtout ceux des directeurs généraux qui ont déjà eu la chance de l'obtenir pour une chanson. Quand il a mérité son premier titre des marqueurs, il a devancé Ilya Kovalchuk et Joe Sakic. Rien de moins. Le printemps dernier, il est devenu le champion compteur le plus âgé dans l'histoire de la ligue en coiffant des joueurs étoiles comme Steve Stamkos, Alexander Ovechkin et Patrick Kane, trois gars qui seront bientôt identifiés comme des olympiens.

Il a battu le record de Gordie Howe qui avait mérité le titre des marqueurs à 34 ans, il y a 50 ans. Ses 953 points font de lui le meilleur marqueur de tous les temps parmi les Québécois qui n'ont jamais été repêchés.

Je reviens donc à ma conversation avec Brisebois. C'est précisément du bilan extraordinaire de Saint-Louis dont il a été question. J'ai demandé au jeune dirigeant du Lightning si Saint-Louis, dont le contrat prendra fin l'an prochain, aura la chance de s'en voir offrir un autre d'un an ou deux à 39 ans?

Le bras droit d'Yzerman n'a pas valsé avec les mots. « Il en obtiendra un autre, je n'en doute pas, a-t-il dit. Et pourquoi pas s'il produit toujours avec la même régularité? »

Brisebois, qui a l'oreille de son patron, est bien placé pour savoir ce genre de chose. Sans compter qu'à la suite du coup dur qu'on a fait subir à Saint-Louis cette semaine, il est permis de croire que son directeur général lui en devra une. Peut-être que le fait qu'on l'ait banni des Olympiques pour des raisons totalement inexplicables contribuera à faciliter ses prochaines négociations de contrat. Yzerman est actuellement dans ses petits souliers avec son capitaine. Il est fort possible qu'il vive une situation tendue avec lui d'ici la fin de la saison. Souhaitons qu'il se souvienne éventuellement que le rejet de son joueur étoile, encore une fois jugé trop petit pour évoluer dans la cour des grands, ne l'aura pas empêché de continuer à tout donner pour faire gagner l'équipe.

Car Saint-Louis, n'en doutez pas, continuera d'être ce qu'il a toujours été, c'est-à-dire un joueur dynamique, honnête et productif. Il est fâché, mais son jeu ne s'en ressentira pas. La force de caractère qui lui a permis d'abattre tous les obstacles durant sa carrière l'aidera à traverser cette autre difficulté.

Comment expliquer qu'un joueur constamment négligé, qui aurait fort bien pu ne jamais obtenir une vraie chance de prouver son talent dans la Ligue nationale, soit devenu l'unique athlète dans l'histoire du hockey à avoir mérité un championnat des marqueurs et le prestigieux trophée Hart sans avoir été repêché? Comment expliquer qu'il ait toujours un tel impact à l'aube de ses 40 ans.

Julien Brisebois a son explication. « C'est simple, il ne vieillit pas. Martin est un joueur sans âge. Il est convaincu qu'il a encore quelque chose à prouver. C'est un avant-gardiste qui s'entraînait à ses premières années comme le font les joueurs d'aujourd'hui. Il sue sang et eau dans le gymnase durant l'été. Il constitue toute une inspiration pour nos jeunes joueurs. Stamkos s'est sûrement inspiré de sa conduite à ses premières saisons dans la ligue. »

C'est ce joueur intense qu'on vient de bouder en vue des prochains Jeux. Si on croit qu'il n'aurait pu faire une différence dans la victoire, on est au moins certain d'une chose. Il n'aurait jamais placé dans l'embarras cette formation bondée de supervedettes, dont plusieurs n'ont pas réussi la moitié de ses exploits.

Un autre Scott Gomez

Un mot sur la décision de Michel Therrien de garder son as P.K. Subban sur le banc en troisième période alors que le Canadien se devait d'effacer un recul de deux buts à Philadelphie.

On comprend ce qu'il a tenté de faire, mais dans sa volonté de faire respecter son concept d'équipe et d'implanter une discipline de fer dans son équipe, Therrien joue très gros. Subban est son meilleur joueur. Il va lui faire gagner plus de matchs qu'il va lui en faire perdre. Subban n'est pas Ryan White. Quand tu places ton meilleur homme dans une position embarrassante pour une simple pénalité mineure écopée au mauvais moment, tu joues inutilement avec l’emploi le plus fragile dans le hockey. Un coach ne gagnera jamais en faisant mal paraître l'athlète le plus populaire de l'équipe.

Subban n'a pas engueulé un entraîneur sur le banc. Il n'a pas marqué dans son propre filet. Il a été puni pour deux minutes. Deux minutes sur lesquelles les Flyers n'ont pas capitalisé. Est-ce que ça valait pareil esclandre? Un coach peut jouer des bras de cette façon pour faire passer son message dans les rangs juniors, mais la tactique n'est pas recommandée chez les pros.

C'est totalement faux que la loi est la même pour tout le monde chez le Canadien. Si c'était le cas, un paresseux de la pire espèce comme Rene Bourque aurait passé une bonne partie de l'hiver dans les gradins. Or, Bourque n'a jamais eu à subir quoi que ce soit. C'était beaucoup plus facile de punir deux petits joueurs comme David Desharnais et Daniel Brière parce qu'on savait qu'ils prendraient leur trou sans rechigner, mais certains vétérans, dont Bourque, jouissent d'une grande immunité dans cette équipe.

Bourque était reconnu comme un joueur prometteur après des productions de 21, 27 et 27 buts, trois saisons qui lui avaient valu de parapher un contrat de six ans totalisant 20 millions $. Il s'est vite assis sur son magot. Rien ne le dérange. Rien ne l'affecte. Son histoire ne commence-t-elle pas à ressembler à celle de Scott Gomez?

Au moment de la transaction qui l'a amené à Montréal, l'ex-gardien de but et analyste Kelly Hrudey nous avait prévenus que Bourque jouait un match sur quatre. Hrudey était dans l'erreur. Il se présente un soir sur 10 et quand il le fait, il ne casse rien.

Les deux prochaines années de son contrat feront passer son salaire de 4  millions à 2.5 millions, ce qui devrait aider Marc Bergevin à s'en départir plus facilement.

Dans un moment où Bergevin cherche un remplaçant à Alex Galchenyuk, Bourque est celui qui devrait constituer la solution la plus facile puisqu'il est là tout près. Un gros bonhomme, il est beaucoup plus expérimenté que le jeune ailier du Canadien. S'il laissait parler son talent, sa production serait actuellement supérieure à celle de Galchenyuk.

N'est-ce pas sur lui que Therrien devrait jeter sa frustration en ce moment? Ne devrait-il pas l'avoir fait depuis longtemps?