BUFFALO – Il y a deux choses qu’on remarque immédiatement lorsqu’on pose son regard sur Matthew Strome sur une patinoire.

D’abord, le nom brodé à l’arrière de son chandail. Deux autres l’ont porté avant lui dans la Ligue junior de l’Ontario, ses frères Ryan et Dylan, et ils y ont plutôt bien fait. Ryan a été le choix de première ronde des Islanders de New York, le cinquième au total, après une saison de 106 points avec les IceDogs de Niagara en 2011. Dylan a fait encore mieux, séduisant les Coyotes de l’Arizona au troisième rang du repêchage de 2015 après une saison de 129 points pour les Otters d’Erie. C’est dans leurs traces que Matthew tente de faire son chemin depuis deux ans dans l’uniforme des Bulldogs de Hamilton.

Ensuite, il y a son coup de patin. C’est l’autre éléphant dans la pièce avec le cadet des Strome. Et c’est lorsqu’il nous tombe dans l’œil qu’on se dit que la Ligue nationale, ça ne sera peut-être pas pour lui, finalement.

Strome est immense. À 18 ans, il mesure 6 pieds 4 pouces et fait déjà osciller la balance bien au-delà de 200 livres. Ses 34 buts en 66 matchs la saison dernière démontrent aussi un flair offensif certain. Mais on ne peut s’empêcher de douter qu’il sera en mesure de rendre justice à ces attributs au niveau supérieur avec une foulée aussi peu naturelle.

Lui-même concède que sa fluidité sur deux lames risque de compliquer son ascension vers les ligues majeures. « Un peu, mais quand même pas trop », précise-t-il toutefois. Au cours de la dernière année, l’ailier gauche format géant a travaillé deux fois par semaine avec Barbara Underhill, une ancienne patineuse artistique qui a agi à titre de consultante en patinage auprès de plusieurs équipes de la LNH, plus récemment les Maple Leafs de Toronto. Il est aussi l’un des clients réguliers de Matt Nichol, un entraîneur personnel qui compte bon nombre de joueurs de la LNH parmi ses clients.

« Je vais continuer d’améliorer cet aspect de mon jeu jusqu’à ce que ça ne soit plus un problème », promet-il.

Quand le doute l’assaille, Matthew peut aussi se tourner vers son frère Dylan. Malgré ses atouts évidents, ce dernier a dû faire face à une certaine dose de scepticisme en raison de son jeu de pieds dans les rangs juniors.

« Je n’ai pas arrêté de lui parler au cours de la dernière année. Je voulais savoir comment il réagissait à certaines critiques, ce qu’il faisait pendant et après les entraînements pour s’améliorer. Chaque fois que j’avais une question, c’est lui que j’allais voir en premier. »

Dan Marr se porte sans réserve à la défense de Strome lorsqu’est soulevé son apparent point faible. Pour celui qui supervise l’équipe de dépisteurs de la Centrale de recrutement de la LNH, le coup de patin du jeune poids lourd ne devrait simplement pas être vu comme un handicap.

« Si vous l’observez dans des exercices de patinage ou dans une course en ligne droite, est-ce qu’il finira en première place? Non. Mais en situations de match, quand vous devez être au bon endroit au bon moment et être capable de finir un jeu, nous ne voyons rien qui devrait le limiter dans le futur », explique Marr.

Ce qui est clair pour l’instant, c’est que les équipes du circuit Bettman ne se bousculeront pas aux portes pour s’arracher Matthew comme elles l’ont fait pour ses frères. Peu de projections le voient partir avant la fin de la deuxième ronde. Dans son classement final, la Centrale de LNH le répertorie au 33e rang parmi les patineurs d’âge junior ayant évolué en Amérique du Nord au cours de la dernière année.

Le jeu des comparaisons n’est rien de nouveau pour Matthew Strome, qui a dû apprendre à un très jeune âge à faire sa place au sein d’un trio dont il n’était pas le plus doué.

« Je devais avoir 4 ans quand j’ai commencé à être assez vieux pour jouer au hockey avec mes frères dans la rue, racontait-il avec un grand sourire sincère lors de la semaine d’évaluation des espoirs de la LNH, début juin à Buffalo. Ils me lançaient une paire de jambières et un casque, me demandaient de me tenir debout au milieu du but et se mettaient à me bombarder de tous les angles. Je crois que ça a forgé le joueur que je suis devenu au fil des ans. »

Aujourd’hui le plus imposant des frangins, Matthew croit posséder ses propres atouts pour se distancer de ses deux prédécesseurs.

« J’utilise la reconnaissance qui vient avec mon nom comme une source de motivation, explique-t-il. Je crois qu’il y a certaines choses que je fais mieux qu’eux et d’autres qu’ils font mieux que moi., alors j’essaie simplement de faire mon propre nom. Ça ne me dérange pas d’être reconnu comme le Strome un peu plus combatif, celui qui termine ses mises en échec et qui aime mettre son nez dans le trafic. Je veux que les directeurs généraux et les recruteurs qui sont d’abord intrigués par mon nom sachent que je suis un joueur différent de mes frères. » 

« Si vous demandiez aux trois frères de former une ligne devant vous, vous ne verriez probablement même pas de lien de parenté, ajoute Dan Marr. Ils ont tous des styles différents et parfois, les joueurs plus costauds ont besoin de plus de temps pour se développer. [Matthew] n’est pas le meilleur patineur, mais ça ne l’empêche pas de mettre de l’avant ses qualités : il protège bien la rondelle, il est intelligent, possède une bonne vision du jeu, réagit bien dans le feu de l’action et son tir lui permet de remplir le filet adverse. Avec le temps, il polira tous ces aspects de son jeu. Je pense que le meilleur est à venir dans son cas. »