BOCA RATON – Les directeurs généraux de la LNH profitent depuis quelques années de leur réunion printanière pour honorer un des leurs : sa carrière, sa contribution au hockey.

Habituellement, cet honneur est réservé à un DG à la retraite. Il y a deux ans, Pat Quinn était l’invité d’honneur. L’an dernier, le dîner était offert à l’honneur de Larry Pleau. La soirée hommage avait toutefois été court-circuitée par les ennuis cardiaques subis par Rich Peverley, des Stars de Dallas, au beau milieu de la rencontre qui les opposait aux Blues Jackets de Columbus.

Bien qu’il ne soit pas encore à la retraite et qu’il espère garder son emploi la saison prochaine même si ses Sénateurs n’accèdent aux séries, Bryan Murray est l’invité d’honneur au dîner des DG de la LNH à Boca Raton lundi soir.

« J’imagine qu’on me réserve cet honneur parce que je suis vieux et que j’ai fait le tour de la Ligue bien souvent. Peut-être qu’on veut me faire le message que le temps est venu de passer à autre chose. Je ne sais pas. Non honnêtement, être honoré par ses homologues est une source de fierté pour moi », a indiqué Bryan Murray dans un point de presse à sa sortie de la salle de réunion du Boca Raton Beach Club.

Âgé de 72 ans, natif de Shawville dans la région du Pontiac au nord-ouest de l’Outaouais, Murray a effectué son entrée dans la LNH en 1981 comme entraîneur-chef des Capitals de Washington. Exception faite des saisons amputées partiellement ou totalement par des conflits de travail, il n’a pas raté une année depuis 1981.

Murray a eu des contacts directs comme entraîneur-chef ou directeur général avec une vingtaine d’homologues qui ont joué sous ses ordres ou ont amorcé leur carrière comme dépisteur au sein d’organisation qu’il dirigeait.

« C’est peut-être ce qui me rend le plus fier de ce que j’ai accompli. De voir autant de gars que j’ai côtoyés pendant ces 34 années être encore associés au hockey de façon directe ou indirecte comme analystes aux différents réseaux de télévision me comble », a convenu Murray.

« Bryan a eu des impacts positifs et directs sur les carrières de tellement de monde qu’il me semble tout à fait à propos de lui rendre un tel hommage », a souligné Jim Nill directeur général des Stars de Dallas.

C’est à Washington, lors de son premier contact avec la LNH, que Bryan Murray a fait la connaissance de David Poile. L’actuel DG des Predators de Nashville est d’ailleurs le pilier de la soirée de ce soir. C’est lui qui a contacté la LNH pour que le dîner annuel soit consacré à Bryan Murray.

« Bryan est un très bon directeur général, mais j’ai toujours cru qu’il était un excellent entraîneur-chef. Tous les joueurs qui ont évolué sous ses ordres parlent de lui comme d’un très bon professeur. Il a toujours aimé ses joueurs, a toujours tenu à être près du groupe. Sa plus belle qualité à ses yeux est d’avoir su faire avancer toutes les équipes qu’il a dirigées que ce soit comme entraîneur-chef ou directeur général. Regardez son parcours : les Capitals, les Red Wings, les Panthers, les Ducks et les Sénateurs ont toujours été meilleurs après qu’il soit entré en scène. »

Quand les journalistes ont demandé à David Poile à quel point ce dîner serait émotif pour Bryan Murray et ses homologues, il a répliqué rapidement : « Bryan compose déjà avec une portion très émotive de sa vie. »

Cancer du colon

Depuis plus d’un an, Bryan Murray combat un cancer du colon. Un cancer qui avait atteint un stade très avancé (4) lorsque les médecins l’ont décelé.

Ancien employé et surtout neveu du directeur général des Sénateurs, Tim Murray sera chamboulé par toutes sortes d’émotions ce soir. Trop d’émotions pour que le directeur général des Sabres accepte l’invitation d’aller parler de son oncle et mentor à la table d’honneur.

« Je serais incapable de prendre la parole. Et il y aura bien assez d’un Murray en larmes à la table d’honneur. David Poile qui travaille avec et contre lui depuis tant d’années saura lui rendre un bien plus bel hommage que je ne l’aurais fait », a convenu avec émotion Tim Murray qui peinera à camoufler ses propres émotions plus loin dans la salle.

« Je suis heureux pour lui. Je sais que ça le touche beaucoup. Souvent, on attend trop longtemps avant de rendre hommage à des personnes qui le méritent vraiment. Ce sera une soirée magnifique pour lui et je considère que des gars qui sont dans la LNH depuis toujours, comme Glen Sather et David Poile mériteraient eux aussi d’être honorés alors qu’ils sont encore actifs », a souligné le plus jeune des Murray.

Bien que personne n’ait ouvertement dressé de parallèle, il semble évident que l’état de santé de Bryan Murray, qui répond très bien aux traitements et semble en fait en bien meilleure forme que l’été dernier au repêchage qui se tenait à Philadelphie, ait milité en faveur d’un hommage hâtif.

« Je me sens bien. J’aimerais bien profiter du soleil un peu plus que d’être enfermé dans la salle de réunion, mais les choses vont relativement bien. Je n’ai pas l’intention d’arrêter si c’est ce que vous me demandez », a insisté Murray.

Dans l’entourage des Sénateurs, il semble acquis que le travail est l’une des principales planches de salut de Bryan Murray. Il s’investit tellement dans son travail, que les membres de son entourage se demandent si le fait de tomber inactif ne serait pas plus négatif que positif.

En plus du travail, Bryan Murray trouve un immense réconfort dans sa quête d’inciter les hommes à subir des colonoscopies. « C’est la seule et unique raison pour laquelle j’ai accepté l’offre de TSN de partager ce qui m’arrivait. Je l’ai d’ailleurs fait avec un homme – le collègue Michael Farber – qui a dû passer par le même chemin que le mien et celui de bien d’autres. Les témoignages de gens qui soutiennent avoir décelé un début de cancer facilement traitable parce que déceler à temps par les médecins est une immense source de réconfort », a témoigné Bryan Murray.

« Je suis tellement fier de lui. Ce n’est pas facile pour la famille d’entendre parler aussi ouvertement de sa maladie, mais les témoignages que nous recevons tous compensent largement. J’ai subi ma colonoscopie le 21 janvier. Ce n’est pas agréable du tout. Mais c’est nécessaire. Si ce n’était pas de Bryan et de ce qui lui arrive, je ne l’aurais pas fait. Sauver une vie c’est énorme. C’est gratifiant. Combien en sauvera-t-il avec cette campagne? Des centaines? Des milliers? Je ne sais pas. Ce que je sais c’est que le fait qu’il soit si connu et reconnu autour de la LNH pousse et poussera bien des amateurs à écouter son message et à aller subir le test», a conclu Tim Murray.

Ses Sénateurs s’accrochent

Bien qu’il soit au centre de l’attention de ses homologues dans la cadre de la réunion qui se poursuivra mardi et mercredi, Bryan Murray s’est bien gardé d’esquiver les questions reliées aux Sénateurs qui s’accrochent à leurs minces chances d’accéder aux séries.

Quand les journalistes lui ont demandé s’il avait amorcé des discussions reliées aux renégociations des contrats d’Andrew Hammond, Mike Zibanejad, Mark Stone et Mike Hoffman, Bryan Murray a d’abord souri. « Hammond? Dites-lui de stopper les rondelles d’ici la fin de la saison et les choses iront bien. Honnêtement, je n’ai parlé avec aucun des joueurs autonomes qu’ils soient avec ou sans restriction. Ce serait injuste de le faire. Nous sommes dans une lutte de tous les instants pour faire les séries. Je serais bien mal venu d’aller déconcentrer nos jeunes qui prennent les bouchées doubles en ce moment et qui n’avoir que le hockey dans la tête. Nous parlerons de contrats une fois la saison terminée. »

Avec 14 matchs à disputer, un de plus que les Bruins de Boston qui les devancent et les Panthers de la Floride qui leur soufflent dans le cou, les Sénateurs d’Ottawa occupent le neuvième rang dans l’Est avec 77 points. Cinq de moins que les Bruins contre qui ils joueront une dernière fois jeudi à Ottawa. Un de plus que les Panthers qu’ils croiseront une fois encore d’ici la fin du calendrier régulier.

Les Sénateurs disputeront leur prochain match mardi soir en Caroline contre les Hurricanes.

Bryan Murray sent-il que sa maladie contribue de près ou de loin aux récents succès d’une équipe qui s’est ralliée derrière lui? « Je ne sais pas. Le fait que j’en parle ouvertement depuis l’automne et que je sois près des joueurs a ouvert la porte à beaucoup de discussions avec eux sur mon état de santé et ma lutte contre le cancer. Disons que ces discussions nous aident peut-être à être meilleurs tous les deux, moi et le club. On verra. Ce que je sais, c’est que ça ne peut certainement pas nuire. »