BUFFALO – Demander à des entraîneurs de hockey d’éliminer les critiques envers leurs joueurs, voilà l’essentiel de l’audacieux message qu’est venu proposer un conférencier lors du colloque des entraîneurs, jeudi dernier, à Buffalo.

Brian O’Reilly, qui prodigue des formations psychologiques à de nombreuses organisations sportives et entreprises, a tenté d’ébranler un peu les fondations des 600 entraîneurs réunis pour sa conférence.

Bien sûr, O’Reilly n’est pas dupe, il savait qu’il n’allait pas révolutionner les méthodes des centaines d’entraîneurs réunis dans la salle. Après tout, la critique du jeu et des comportements des joueurs est associé au métier d’entraîneur depuis des lunes.

Par contre, le conférencier avait l’intention d’ouvrir l’esprit à une partie de l’auditoire en proposant des approches moins négatives et plus inclusives. Si l’on se fie aux entraîneurs consultés, sa vision s’applique probablement mieux dans les rangs mineurs que ceux professionnels.

« Je ne veux pas contredire les gens qui sont venus parler, mais je crois que c’est avant tout une question d’équilibre. Si ton approche est rose sur toute la ligne, tu n’iras nulle part avec ça. De l’autre côté, ça ne se passera pas mieux si tu es toujours négatif. Le plus important, c’est d’être précis, honnête et transparent. Dans notre métier, on n’a pas juste de belles choses à dire ou à entendre », a jugé Guy Boucher, le nouvel entraîneur des Sénateurs d’Ottawa.

« Dans mon cas, j’ai appris bien des leçons dans des choses qui n’étaient pas positives qui me sont arrivées ou qu’on a pu me dire », a soulevé Boucher.

À la suite d’une première expérience qui s’est terminée relativement rapidement dans la LNH aux commandes du Lightning de Tampa Bay, Boucher modifiera probablement certaines de ses méthodes sans jamais changer son critère de base.

« Tu as des choses difficiles à entendre et à dire, mais il ne faut pas avoir peur de le faire. Par contre, il y a une façon de le faire, il faut que ce soit respectueux », a maintenu celui qui possède une formation en psychologie.

O’Reilly n’a peut-être pas convaincu tous les participants, mais son exposé provoquera des discussions intéressantes au sein de quelques formations de la LNH.

« J’ai trouvé ça intéressant même si j’admets que, dans ce genre de présentations, il y a toujours des choses que j’aime et d’autres un peu moins. Dans son cas, c’était parfois un peu extrême comme présentation. Disons que je ne réagirais pas toujours comme il l’a suggéré avec mes enfants. Ça n’empêche pas qu’on va discuter de certains points dans notre groupe d’entraîneurs. Je ne déteste pas l’idée de plus permettre au joueur de s’autoévaluer », a commenté Alain Nasreddine, l’adjoint de John Hynes avec les Devils du New Jersey.

C’était particulier de constater que le discours exprimé par O’Reilly est survenu peu de temps après une allocution d’ouverture de Scotty Bowman. Le vénérable entraîneur est parvenu à ses fins, mais il n’a pas toujours été le plus tendre envers ses protégés si on peut le dire ainsi.

Par contre, le milieu du hockey évolue constamment, que l’on pense au style de jeu qui s’est transformé depuis une dizaine d’années ou bien à l’influence grandissante des statistiques avancées. Dans le même sens, les entraîneurs n’ont pas eu le choix de modifier la gestion de leurs troupes au fil du temps.

La communication est devenue une priorité dans les sphères sportives et le véritable message prôné par O’Reilly visait justement à miser sur les relations humaines.

Marc CrawfordAux yeux de Marc Crawford, qui a commencé à diriger au hockey en 1989, les défis des entraîneurs n’ont pas tant changé depuis ses débuts ou même à l’époque de Bowman.

« C’est différent, mais aussi très semblable. Les entraîneurs ont toujours eu besoin d’évoluer sauf que c’est plus important d’entretenir de bonnes relations avec nos collègues surtout que les entraîneurs sont plus nombreux au sein d’une équipe. Par contre, au final, il faut encore s’assurer de captiver les joueurs et ses adjoints pour que la motivation soit à son plus haut niveau », a-t-il jugé.

Crawford, lui aussi, a souvent été décrit comme un entraîneur-chef intransigeant dans la LNH. Après un exil en Europe et en effectuant un retour en Amérique du Nord en tant qu’adjoint, Crawford présentera sûrement un style plus adouci.

« Il y avait beaucoup de vrai dans ses propos sur comment livrer et recevoir un message. Que tu sois un entraîneur, un mari ou un père, c’est important de réaliser l’impact produit par la manière dont un message est transmis », a remarqué Crawford qui possède tout de même la poigne pour encadrer au quotidien des joueurs de caractère.

L’un des imposants défis des entraîneurs d’aujourd’hui tourne autour des joueurs vedettes qui obtiennent des salaires faramineux. À ce propos, Boucher a été cité en exemple lors des conférences pour sa façon d’établir sa relation avec Erik Karlsson. L’entraîneur québécois s’est empressé de discuter avec son défenseur de grand talent pour apprendre à mieux le connaître.

Après avoir dirigé des joueurs comme Steven Stamkos, Martin St-Louis et Vincent Lecavalier avec le Lightning, Boucher ne considère pas que les salaires sont un facteur dans l’équation.

« Pour moi, tu gères des individus et ça n’a jamais changé. Je ne gère pas de l’argent. À mon avis, ce sont plus les médias et les partisans qui parlent de ça. Comme entraîneur, on dirige un individu qu’il ait 18 ans ou 38 ans. Je ne dirige pas des PME, mais plutôt des personnes avec des émotions, un passé et une façon de voir les choses. L’important, c’est de le comprendre pour activer les bons côtés », a conclu Boucher avec sa conviction habituelle.