Si vous êtes partisans des Sénateurs d’Ottawa et qu’en prime vous croyez que Dion Phaneuf est toujours un solide défenseur dans la LNH à défaut d’être un arrière de premier plan, vous avez toutes les raisons au monde de vous réjouir de la mégatransaction qui a chassé l’ancien capitaine des Maple Leafs de Toronto.

Si vous êtes partisans des Maple Leafs, vous vous frottez les mains comme l’avare le faisait en comptant son pactole. Car maintenant que les Leafs se sont débarrassés du contrat gênant de Phaneuf – 49 millions $ pour sept ans avec une moyenne sous le plafond de 7 millions $ par année jusqu’en 2021, contrat que les Sens sont les seuls à assumer – après s’être débarrassés des contrats tout aussi gênants de Phil Kessel et David Clarkson, Toronto pourra, s’il est encore disponible, faire une offre mirobolante à Steven Stamkos le 1er juillet prochain. Ou avant si Toronto obtient le droit du prolifique marqueur une fois la saison terminée.

Mieux encore, les Leafs auront les moyens de se payer des joueurs, et des bons, pour l’entourer.

Pour toutes ces raisons, je crois qu’il est facile – et prudent – de dire que les Sénateurs ont gagné le volet hockey de la mégatransaction conclue entre les deux clubs mardi matin, mais que les Leafs gagnent, et ils gagnent haut la main, le volet financier de l’opération.

Avec Phaneuf sur le flanc droit de leur deuxième duo au sein duquel il rejoindre Cody Ceci, les Sénateurs sont un meilleur club de hockey après la transaction qu’avant.

C’est indéniable. Mais si les Leafs craignaient vraiment un éveil soudain de Phaneuf, ils ne l’auraient sans doute pas échangé à leurs voisins de l’Ontario. Surtout que Lou Lamoriello est loin d’avoir vidé le vestiaire des Sénateurs pour se départir de son défenseur vedette.

Oui, ils ont donné en échange le grand défenseur Jared Cowen. Mais attention, au-delà le fait qu’il soit encore jeune – il vient d’avoir 25 ans – et que les Sénateurs l’ont repêché en première ronde (9e sélection) en 2009, l’arrière de 6 pieds 5 pouces et près de 240 livres représentait une amère déception depuis deux ans. Ses quatre passes récoltées en 37 matchs cette année le démontrent d’ailleurs avec éloquence. À certains égards, on pourrait dresser une comparaison entre le développement raté de Cowen à Ottawa et celui tout aussi raté de Jarred Tinordi que le Canadien a repêché en première ronde (22e sélection) en 2010. Cela dit, l’avenir de Cowen dans la LNH est plus prometteur que celui de Tinordi. Et si Mike Babcock et ses adjoints trouvent le moyen de relancer Cowen, les Sénateurs regretteront son départ longtemps.

Mais bon! Qui ne risque rien n’a rien!

Outre Cowen, les Sens n’ont pas donné grand-chose aux Leafs. Oui, Milan Michalek est un bon vétéran. Mais il a subi une fracture à un doigt le 23 janvier dernier et il a été limité à trois buts et 10 points en 32 rencontres. Ses meilleurs jours sont passés et il coûte cher à 4 millions $ cette année et 4 millions $ l’an prochain.

Colin Greening est une autre déception en matière de développement à Ottawa. Il n’a disputé qu’un match cette année et c’est dans la Ligue américaine qu’il prolongera sa carrière. À moins que les Leafs aient vraiment besoin de lui en raison d’une épidémie de blessures.

Derrière, on retrouve un choix de deuxième ronde en 2017 et Tobias Lindberg, un ailier droit suédois que les Sénateurs ont repêché en troisième ronde en 2013. On dit le plus grand bien de ce prospect qui devra toutefois maintenir sa progression.

Dans son analyse de la transaction, Bryan Murray a reconnu le talent du jeune attaquant âgé de 20 ans. « Les Leafs l’aimaient et c’est normal, car nous l’aimions beaucoup nous aussi. Mais après avoir discuté avec nos recruteurs, nous avons convenu que nous avions plusieurs autres jeunes espoirs de même envergure. D’où la décision de le laisser partir », a indiqué le directeur général des Sénateurs d’Ottawa.

Les Sénateurs obtiennent aussi Matt Frattin et Casey Bailey qui, comme Greening, évoluent dans la Ligue américaine. Ils ont aussi mis la main sur l’attaquant Ryan Rupert, qui joue dans la Ligue de la Côte-Est, et le défenseur Cody Donaghey, qui défend les couleurs des Wilcats de Moncton dans la LHJMQ.

Transaction de hockey pour les Sens

Bryan Murray était visiblement heureux de la transaction majeure qu’il venait de conclure. « Une transaction de hockey », comme il s’est d’ailleurs assuré de mentionner dès les premières phrases de son point de presse.

Cette déclaration avait peut-être pour but d’atténuer un peu le tsunami de critiques qui a suivi l’annonce de la transaction. Car s’il est vrai que les Sénateurs obtiennent un défenseur qui sera en mesure d’aider l’équipe à court terme, ils obtiennent aussi son énorme contrat. Un contrat ridicule de 49 millions $ pour sept ans que les Leafs ont consenti à Phaneuf il y a deux ans.

Les Sénateurs devront donc payer ce qu’il reste du salaire de 8 millions $ que touche Phaneuf cette année. Ils devront aussi payer les 33 millions que l’arrière gaucher âgé qui aura 31 ans le 10 avril touchera d’ici la fin de son contrat en 2021.

Parce que les Sénateurs n’ont pas le nez rivé sur le plafond salarial, ils peuvent se permettre ce genre de contrat. Du moins ils le peuvent tant que leur propriétaire Eugene Melnyk le peut. Tant qu’il n’appellera pas Bryan Murray pour ordonner à son DG de ne pas améliorer son club, ou pire de larguer des joueurs de talent, afin d’équilibrer un budget que le contrat de Phaneuf déséquilibre grandement.

« J’ai eu l’appui d’Eugene », a assuré Murray mardi midi. On verra combien de temps cet appui durera.

Sur le plan financier, les Sénateurs font toutefois un bon coup à court terme. Car une fois les échanges de contrats complétés, on se rend compte que les Sens économiseront autour de 2 millions $ d’ici deux ans.

« Je suis très à l’aise avec les considérations économiques du contrat. Comme je l’ai dit tantôt, ce sont des considérations hockey et rien d’autre qui m’ont poussé à lancer le nom de Dion lors d’une récente conversation (samedi dernier) avec Lou (Lamoriello). Nous avons connu plus que notre part d’ennuis à la ligne bleue cette année. Dion représente un ajout important qui viendra solidifier notre groupe de défenseurs. C’est un bon leader, un gars d’expérience, un gars qui se donne tous les soirs. C’est un joueur solide qui pourra nous aider sur l’aspect physique et avec la qualité de son tir. Il nous aidera aussi dans le vestiaire », assurait Bryan Murray.

Pour le bien des Sens et leurs partisans, je souhaite que Murray ait raison. Mais Phaneuf, qui traîne depuis longtemps la réputation de joueur le plus surévalué de la LNH – un titre que les joueurs eux-mêmes lui ont décerné par le biais d’un vote secret – a connu plus que sa part d’ennuis avec les Leafs. Autant sur la glace où il n’est plus le joueur qu’il a déjà été et dans le vestiaire où son leadership était loin d’être évident considérant tous les ennuis qui ont miné cette équipe depuis quelques années. On se souviendra de lui à Toronto comme l’un des responsables du « salute-gate » qui a généré une tempête médiatique énorme après que les joueurs eurent refusé de saluer les partisans après une victoire en guise de représailles aux critiques et traitements injustes dont les joueurs se plaignaient.

Un nouveau départ pour Phaneuf lui fera le plus grand bien. J’en conviens. Surtout qu’une fois à Ottawa – il devrait disputer son premier match mercredi face aux Wings à Detroit – Phaneuf ne sera plus le capitaine et la prétendue pierre d’assise de la défensive, voire du club. Le capitaine et joueur phare des Sens est Erik Karlsson. Derrière le gagnant du trophée Norris, Phaneuf n’aura qu’à se contenter d’être un joueur solide, parmi les autres. La pression devrait être beaucoup moins étouffante qu’elle ne l’était à Toronto.

Est-ce que ça assurera Phaneuf de connaître des succès immédiats à Ottawa? D’aider cette équipe à poursuivre son ascension en vue de se tailler une place en séries?

Certainement pas. Mais ça ne devrait pas nuire.

Plus de place pour Stamkos… et les autres

Comme je l’ai écrit plus haut, les Maple Leafs ramassent plus d’argent qu’ils en ont donné aux Sénateurs dans le cadre de la transaction Dion Phaneuf.

Mais ça ne les dérange pas du tout.

De un, ils ont les moyens de se payer cette dépense superflue. De deux, les contrats de Milan Michalek, Jarred Cowen et Colin Greening viennent à échéance dans deux ans. D’ici là, s’ils le désirent, les Leafs pourront cacher l’un ou l’autre – c’est déjà le cas avec Greening – de ces contrats dans la Ligue américaine. Ou le refiler à une autre équipe.

Ce qui est le plus important pour les Leafs, c’est qu’après avoir pu refiler le contrat de David Clarkson aux Blue Jackets de Columbus – 36,75 Millions $ avec une moyenne sous le plafond de 5,25 jusqu’en 2020 – et celui de Phil Kessel aux Penguins – 64 millions $ pour 8 ans, avec 1,2 million $ défrayé annuellement par Toronto sous le plafond – cette équipe a maintenant une marge de mavoeuvre imposante sous le plafond.

Les Maple Leafs comptent parmi les clubs les plus riches de la LNH. C’est pour cette raison qu’ils acceptent de payer Nathan Horton 5,3 millions $ jusqu’en 2020 – ce salaire n’est pas comptabilisé sous le plafond en raison de la blessure à long terme (blessure dégénérative au dos) de Horton – même s’il ne jouera plus jamais.

Ce dont les Leafs avaient cruellement besoin, c’est d’espace sous le plafond pour dépenser cet argent. Lou Lamoriello a maintenant les deux.

Si les Sénateurs assurent vouloir grimper en séries d’ici la fin de la saison en faisant l’acquisition de Dion Phaneuf, les Leafs démontrent eux qu’ils veulent plonger au classement. Ils devraient donner d’autres indications en ce sens d’ici la date limite des transactions.

Ce plongeon les rapprochera d’un choix au repêchage de premier plan ce qui les aidera dans le cadre de la reconstruction qui s’amorce. Et ils seront en mesure de courtiser des joueurs autonomes de premier plan – Stamkos, Eric Staal ou d’autres – voire de conclure d’autres transactions importantes.

C’est pour toutes ces raisons que je considère que les Maple Leafs seront les grands gagnants à long terme de la transaction conclue mardi avec les Sénateurs.