Phoenix est mort, vive Salt Lake!
SALT LAKE CITY - On se croirait à Phoenix lorsqu'on balaie du regard les montagnes qui ceinturent Salt Lake City.
Oui! Dans quelques semaines et pour quelques mois, ces montagnes seront couvertes de neige et redonneront ainsi à cette ville le statut de ville hivernale et olympique qu'elle revendique depuis la tenue des Jeux de 2002. Un statut que Salt Lake renouvellera en 2034.
Mais pour l'instant, les montagnes sont aussi désertiques qu'elles le sont autour de Phoenix et de ses banlieues.
Entraîneur-chef du Club de hockey de l'Utah, André Tourigny s'est même permis quelques randonnées sportives en vélo dans les sentiers abrupts, sablonneux et rocailleux de sa nouvelle ville d'adoption. Un peu comme il le faisait dans un passé encore récent autour de Phoenix qu'il a toujours considérée et considère toujours comme une ville magnifique; une ville où il fait très bon vivre.
C'est toutefois la seule et unique comparaison que l'entraîneur-chef québécois accepte de dresser entre les deux villes.
Et ce, même si Salt Lake City est un petit marché, un marché bien plus petit que ne l'était celui de Phoenix. Un marché beaucoup plus petit que bien des villes qui piaffent d'impatience d'obtenir une franchise de la LNH et ne comprennent pas s'être fait damer le pion par Salt Lake, après avoir vu la LNH s'installer à Seattle.
Ces comparaisons laissent Tourigny de marbre.
Après tout ce qu'il a vécu et enduré à Phoenix, il sait que l'avenir est meilleur à Salt Lake. Peu importe la grosseur du marché.
Le présent l'est d'ailleurs déjà.
« L'accueil des amateurs est formidable. Depuis le jour un de notre nouvelle aventure, on se sent appuyés. Désirés. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Oui je savais qu'il y avait déjà eu des clubs de la Ligue internationale et de la East Coast ici. Mais je me demandais s'il serait nécessaire de repartir à zéro pour les reconquérir. Pas du tout! Dès le premier match préparatoire, ils étaient dans le coup. Derrière nous », défile l'entraîneur-chef avec beaucoup de satisfaction.
Bien que l'équipe de l'Utah n'ait pas encore de vrai nom et qu'il n'ait pas encore de vraies couleurs, les amateurs ont profité de ce premier match préparatoire pour dépenser 160 000 $ en marchandises promotionnelles.
« C'est plus que tout ce qu'on a vendu lors des matchs du Jazz », a candidement reconnu Ashley Smith qui, en plus d'être l'épouse de Ryan Smith, est aussi sa partenaire d'affaires au sein du Smith Entertainment Group (SEG) qui est aussi propriétaire du club de basket de la NBA à Salt Lake City.
Confiant sur tous les fronts
Lundi, après avoir convié ses joueurs non seulement à une, mais bien à deux séances d'entraînement consécutives, Tourigny regardait autour de lui à l'intérieur de l'ovale olympique – là où ont été tenues les compétitions de patinage de vitesse sur longue piste – qui est devenu, et le sera pour quelques années, le centre d'entraînement de son équipe.
Le coach affichait une mine confiante. Non! Une mine de conquérant!
« C'est un miracle tout ce qui a été accompli ici en cinq mois et demi. Il n'y avait rien derrière nous », lance le Québécois en pointant de la main la structure de deux étages construite dans un coin de l'amphithéâtre. Maintenant, on a tout ce dont on a besoin pour non seulement faire notre travail, mais s'assurer que les joueurs soient satisfaits. Et ce n'est que le début. On a ce qu'il faut pour réussir sur la patinoire. Et on a enfin les moyens de réussir tout court », ajoute Tourigny.
Que l'entraîneur-chef du Club de hockey de l'Utah affiche une confiance certaine en son équipe, on peut comprendre.
Il compte sur 18 gars qui ont traversé, avec lui, des épreuves en séries à Phoenix. « Des épreuves qui nous ont fait grandir et qui nous aideront à traverser l'adversité avec laquelle nous devrons composer un moment donné. Car ça viendra, c'est sûr », indique-t-il.
Il compte aussi sur un défenseur de premier plan, un vrai de vrai, alors que Mikhail Sergachev deviendra la pierre d'assise de son unité défensive, mais aussi de son équipe.
Mais comment peut-il être aussi confiant des succès globaux d'une organisation qui a vu le jour le 18 avril dernier seulement et qui a encore tout à prouver?
« Les succès et insuccès d'une organisation partent d'en haut. Quand c'est mené tout croche, c'est impossible de réussir. On l'a vécu à Phoenix. Ici, Ryan et Ashley s'impliquent pleinement dans l'aventure. Ils donnent le ton. L'exemple. Ils nous donnent ce dont on a besoin pour réussir », ajoute celui qui deviendra mardi soir le premier entraîneur-chef de l'histoire de l'« Utah HC ».
Un maillon faible : le Delta Center
Les miracles, petits et gros, multipliés au cours des cinq derniers mois ont conduit le Club de l'Utah jusqu'au match d'ouverture qu'il livrera aux Blackhawks venus de Chicago mardi soir.
Mais ces miracles sont loin d'être venus à bout des problèmes, petits et gros, qui terniront l'entrée en scène de la nouvelle organisation de la LNH.
Ryan Smith le sait très bien.
Il sait que le Delta Center est loin de répondre aux besoins de la LNH. D'ailleurs, l'amphithéâtre représente le maillon le plus faible de son organisation.
« Il y a encore beaucoup trop de sièges avec vue obstruée. Les billets sont chers malgré tout et on tente de composer comme on peut avec cette réalité. On a adopté la politique du Augusta National alors que les amateurs de hockey qui viendront nous encourager paieront des prix très bas dans les concessions comme c'est le cas lors du Tournoi des Maîtres. On sait qu'on a beaucoup de travail à faire. Une grue sera installée au centre de la patinoire le lendemain de la fin de notre première saison. Elle y restera le plus longtemps possible avant notre retour sur la glace. Car on va changer l'angle de la patinoire pour adoucir les pentes des gradins et améliorer l'expérience de nos fans », a indiqué le nouveau propriétaire, qui se donne un minimum de trois ans pour mettre le Delta Center à niveau.
Mais trois ans ce n'est rien dans les projections de Ryan Smith, qui pourra profiter du retour des JO en 2034 pour peut-être voir un amphithéâtre tout neuf sortir de terre.
« Nous avons pris des engagements importants avec la ville et notre communauté. Des engagements qui s'étaleront sur les 30 prochaines années parce que nous tenons à ce que Salt Lake et sa communauté grandissent avec son équipe de hockey... et son équipe de basketball », a indiqué Ryan Smith qui est aussi, avec son épouse, propriétaire du Jazz, le club de la NBA qui occupait toute la place à Salt Lake.
Le Delta Center est d'ailleurs ceinturé par les avenues John Stockton et Karl Malone. Les deux plus grands joueurs de l'histoire du Jazz qui sont d'ailleurs immortalisés par deux statuts à l'avant de l'amphithéâtre.
Du temps et le droit à l'erreur
Dans le cadre d'un long point de presse au cours duquel lui et sa femme ont répondu à toutes les questions des collègues de Salt Lake, dont certaines reliées aux protestations de citoyens en marge de baisses de taxes consenties par la ville pour aider la réalisation du projet, Ryan Smith a réclamé du temps. Il a aussi réclamé le droit à l'erreur.
« Je sais que nous serons critiqués. Et nous prendrons ces critiques en considération afin de voir si elles peuvent nous aider à régler des problèmes. Je suis un gars d'action. Un gars qui n'a pas peur de prendre des risques. De miser gros pour atteindre ses objectifs. Si je n'avais pas misé gros au cours de la dernière année, je n'aurais pas hérité d'un club de la LNH le 18 avril dernier. Mais quand tu mises gros, quand tu multiplies les décisions et les actions, tu peux te tromper. Tu peux faire des erreurs. Nous en ferons en cours de route. Mais ce sera toujours pour mieux corriger le tir ensuite », a défilé Ryan Smith qui balaie du revers de la main le qualificatif de petit marché associé à Salt Lake City.
« Salt Lake n'est pas un petit marché. Nous avons des vols directs vers de grandes villes d'Asie et d'Europe. Tu ne voles pas directement à Séoul ou Londres d'un petit marché. En plus, c'est la ville où on retrouve le plus de jeunes entrepreneurs actifs et qui connaissent beaucoup de succès. Nous nous sommes installés ici, Ashley et moi, et élevons nos enfants – ils en ont cinq âgés de huit et 16 ans – en raison de la qualité des gens qui vivent à Salt Lake. Ce n'est pas un marché traditionnel, mais Salt Lake n'est pas un petit marché. On va le démontrer à compter de demain », a conclu Ryan Smith.
Sans surprise, le premier match de l'histoire sera disputé à guichets fermés. Le commissaire Gary Bettman sera bien sûr présent pour l'occasion. Les célébrations menant à cette partie historique débuteront à 14 h autour du Delta Center, alors que les rues qui ceinturent l'amphithéâtre sont fermées à la circulation depuis quelques jours déjà.