Culotté le chroniqueur, pour annoncer d’avance qui sera le joueur par excellence du Super Bowl de dimanche? Un joueur défensif par dessus le marché? Et pourquoi Jason Pierre-Paul avant Osi Umenyiora?

Allons, allons, du calme mes amis et laissez-moi élaborer le véritable contenu de cette chronique.

D’abord, sur le strict point de vue du football, choisir l’un des deux excellents ailiers défensifs des Giants de New York n’est peut-être pas si bête, après tout. Ils ont été à la base même des maux de tête d’Aaron Rogers tout au long du match éliminatoire contre les Packers. Contre les 49ers, Pierre-Paul a été un pilier sur la ligne de front avec 5 plaqués. Si Tom Brady est aussi vulnérable que lors de la finale d’association contre les Ravens, il risque de trouver le temps bien long dimanche soir. Cela dit, il faut remonter au Super Bowl de 1986 et à cette formidable défense des Bears de Chicago pour retrouver un ailier défensif en tant que joueur du match, soit Richard Dent. La tendance n’est donc pas vraiment favorable à mon grand titre d’aujourd’hui!

Mais vous vous doutez bien que ce n’est pas purement sur la base du football que j’exprime d’avance ce coup de cœur envers le jeune joueur des Giants. C’est surtout sur le plan humain. Ce qu’il vivra en fin de semaine, tel que superbement raconté par le chroniqueur Mike Lopresti du quotidien USA Today dans l’édition de jeudi, a de quoi émouvoir même les plus insensibles.

C’est que, voyez-vous, Jason Pierre-Paul jouera le match de dimanche devant son père Jean, qui sera assis quelque part dans un coin spécialement choisi pour lui au Lucas Oil Stadium d’Indianapolis. Rien de bien spécial jusqu’ici, dites-vous? Vrai. Mais c’est en apprenant que Jean Pierre-Paul est aveugle que l’histoire prend une toute autre tournure!

Jean Pierre-Paul a quitté Haïti, son pays natal, pour s’installer dans le sud de la Floride et le 1er janvier 1989, son épouse Marie Celiana donna naissance à un garçon, Jason. Ce qui s’annonçait comme une année extraordinaire tourna rapidement au drame, au cauchemar. Sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi encore aujourd’hui, Jean perdit complètement la vue, 9 mois à peine après la naissance de Jason. La dernière image de son fils, qui fait aujourd’hui 6’5 et 278 livres, est donc celle d’un poupon qu’il tenait aisément dans le creux de son bras…

La vie de Jean prit alors une allure d’affaissement total. Pendant plus d’un an, il s’enfonça dans une déprime profonde, perdant au passage une quarantaine de livres, incapable de trouver le moindre sens à cette nouvelle vie accablée d’un des pires handicaps qui soit. C’est un séjour dans sa terre natale, auprès de sa famille et de ses amis qui lui redonna le courage de s’engager sur une nouvelle piste. Petit à petit, il trouva la force d’accepter sa condition et il redevint un mari complice et aimant, un père présent et supporteur.

Il apprit à cuisiner et à exécuter toutes les tâches quotidiennes du foyer, dans l’obscurité la plus complète. Dès lors, il se fit aussi un devoir de transmettre à son fils Jason des valeurs humaines qui allaient si bien le servir dans le développement de sa carrière de joueur de football : persévérance, ambition, amour et respect de la vie.

Parce qu’un proche lui a dit un jour que Jason était le portrait de son grand-père, Jean Pierre-Paul voit donc l’image de son père (alors qu’il était jeune) dans sa tête lorsqu’il cherche à définir physiquement son propre fils. Et même s’il ne peut le voir à l’œuvre, sur un terrain de football, il affirme pouvoir ressentir exactement, presque par magie, ce qu’il vit lors d’un match.

Jean Pierre-Paul n’a jamais mis les pieds dans un stade de football. C’est Jason qui eut l’idée de partager ce grand weekend du Super Bowl avec ses parents, en prenant soin de trouver pour son père une section du stade où le bruit sera atténué, le protégeant ainsi contre les soudains soubresauts de la foule.

« Mon fils tient vraiment à ce que je sois dans la foule, même si je ne peux le voir », confia Jean Pierre-Paul à Lopresti. « C’est tout ce qui compte. J’ai dit à Jason que s’il gagnait, j’allais me rouler par terre… »

Imaginez un seul instant les émotions qui vont envahir le jeune ailier défensif des Giants lorsqu’il sautera sur le terrain lors de la présentation des joueurs. Imaginez comment se sentira cet athlète de 23 ans lorsqu’il participera à son premier jeu, son premier plaqué. Imaginez s’il se retrouve du côté des gagnants, à la fin du match…

« Ce sera un véritable cadeau du ciel, je serai si heureux…J’ai 60 ans et même si je meurs maintenant, je serai heureux. Je suis si fier de mon fils », lance le papa, via un interprète créole, au chroniqueur du USA Today.

Voilà donc pourquoi je choisis Jason Pierre-Paul comme le joueur du match, 48 heures à l’avance. Parce que, quoi qu’il advienne sur le terrain, on sait déjà qu’il poussera encore plus haut son talent remarquable. Il le fera pour Jean, qu’il regardera souvent, dans les gradins. Il le fera pour Jean qui le suivra avec son cœur, à chacune de ses présences…