Qu'ont vu les Canadiens en repêchant l'attaquant Sam Harris en 5e ronde?
Entre les 101e et 133e échelons du repêchage de 2023 de la LNH, les Canadiens ont sélectionné trois patineurs admissibles pour une deuxième fois.
Florian Xhekaj (101e), Bogdan Konyushkov (110e) et Samuel Harris (133e) ont tous charmé d'une façon ou d'une autre le personnel de recruteurs des Montréalais.
Du lot, Xhekaj était le seul espoir présent au traditionnel camp des recrues du CH, à la mi-septembre.
L'état-major du Tricolore et son personnel de recruteurs amateurs n'avaient peut-être pas amorcé la deuxième journée avec la ferme intention d'opter pour cette stratégie pour cette deuxième moitié de repêchage.
Le bilan des codirecteurs du recrutement Martin Lapointe et Nick Bobrov nous a néanmoins permis de déduire que ce n'était pas qu'une simple coïncidence, à ce stade de la cuvée, si le CH s'est tourné à répétition vers des joueurs ayant connu un déclic tardif, à leur saison de 19 ans.
Montréal a d'ailleurs employé la même formule en réclamant le défenseur Luke Mittelstadt, qui n'avait pas trouvé preneur en 2021 et 2022, avec son dernier choix, le 197e au total.
Le CH cherche invariablement à assembler un groupe capable de performer lors des grands rendez-vous, auxquels il espère être convié vers la saison 2026-2027.
Le fait d'avoir repéré en juin dernier des hockeyeurs dont le développement est légèrement plus avancé s'inscrit parfaitement dans la volonté exprimée par Hughes et Jeff Gorton.
« Ces joueurs [admissibles une deuxième ou troisième fois] un peu plus âgés ont un peu plus de runway devant eux, et c'est important pour nous. Souvent, ils jouent déjà dans les rangs collégiaux ou en Europe. Aussi, il y a des chances qu'ils puissent nous aider un peu plus vite », avait résumé Lapointe.
Penchons-nous aujourd'hui sur ce que fait bien et moins bien Sam Harris, un attaquant qui aura 20 ans ce samedi, et s'alignera pour les Pioneers de l'Université de Denver cette saison.
Trois saisons à Shattuck St. Mary's
Il y a fort à parier que le CH était familier avec Harris, un ailier gauche ayant oeuvré pendant deux saisons pour le Stampede de Sioux Falls dans l'USHL, étant donné qu'il est un attaquant américain du même groupe d'âge que Jack Hughes, le plus jeune des fils de Kent Hughes. En fait, à peine deux semaines séparent les deux espoirs, tous deux nés à l'automne 2003.
Recruté par le réputé programme de Shattuck St. Mary's au Minnesota, Harris a totalisé 130 matchs dans les rangs high school entre 2018-2019 et 2020-2021, passant de l'équipe U15 à l'U16, puis finalement à l'U18, équipe avec laquelle il a enfilé 21 buts et ajouté 16 aides en 36 matchs. Sa production offensive a contribué à ce qu'il se fasse courtiser par quelques formations de la NCAA, et c'est finalement l'offre de l'Université de Denver qui a retenu son attention.
Les Pioneers sont des abonnés au haut du classement de la conférence NCHC, et ont triomphé au Frozen Four de 2022 sous les ordres de l'entraîneur-chef David Carle, qui est lui aussi, ironiquement, un ancien de Shattuck.
Peu appuyé à Sioux Falls
Fondamentalement, Harris est un joueur dont la dimension première est sans contredit de générer de l'offensive grâce à de bons instincts et une capacité à déstabiliser la couverture défensive adverse lorsqu'il transporte la rondelle.
Meilleur buteur et pointeur de Sioux Falls en 2022-2023 (par une marge considérable de 9 points), Harris a débuté en trombe sa deuxième campagne dans l'USHL avec 5 buts à ses 5 premières parties, avant de compléter le calendrier avec 30 filets en 56 matchs, 8 de plus que quiconque chez le Stampede.
De ces statistiques se dégagent un constat assez frappant : en deux saisons avec Sioux Falls, Harris n'a pas eu le luxe d'être entouré d'un effectif bien menaçant en zone adverse. À son année recrue, le Stampede a terminé bon dernier pour les buts marqués, et ce fut à peine mieux en 2022-2023, avec le troisième pire total du circuit.
Cela s'annonce intrigant de le voir à l'oeuvre avec des partenaires de trio plus talentueux, maintenant qu'il a atteint les rangs collégiaux.
Capacité à ralentir le jeu
Particulièrement apte en ce qui a trait aux entrées de zone offensive, Harris génère suffisamment de vitesse en territoire neutre.
À sa saison de 19 ans dans l'USHL, il se montrait assez imprévisible pour manipuler l'adversaire et amener la rondelle avec aisance à l'intérieur de la ligne bleue offensive.
Grâce à des changements d'angles d'attaque et de rythme soudains plus qu'à de la vitesse pure, Harris parvient à s'offrir temps et espace en zone ennemie. À partir de là, il possède les habiletés de passeur requises pour alimenter ses compagnons de trio dans l'enclave, et parfois (certainement pas tous les matchs), pour créer une pièce de jeu spectaculaire.
Lorsqu'il ne repère pas de coéquipier démarqué ou qu'il choisit de maintenir la possession, Harris possède la solidité sur patins nécessaire pour bien absorber les contacts initiés à son endroit, que ce soit le long des bandes ou près de l'enclave. La qualité de son maniement de rondelle est toutefois variable; certains soirs dans l'USHL, ce n'était pas un défi imposant que de faire avorter les plans de Harris avec un harponnage bien exécuté.
Particulièrement en début de saison, l'ailier gauche misait énormément sur sa capacité à ralentir le jeu pour ouvrir des brèches vers ses coéquipiers. Lorsqu'il parvenait à aimanter ses rivaux en appuyant sur le frein en entrée de zone, il était capable de passes menant à d'excellentes occasions de marquer. Mais lorsque son couvreur ne se compromettait pas, il pouvait se rendre coupable de revirements.
En possession de rondelle, l'espoir natif de San Diego obtenait dans l'USHL de bons résultats en travaillant dans les espaces restreints. Autour du filet, il n'était pas rare de voir Harris réaliser des jeux offensifs requérant une touche de dextérité et un bon équilibre sur patins, comme il est possible de le constater dans bon nombre des séquences vidéos sélectionnées.
Ce genre de réussites dans les zones que certains attaquants n'auront jamais le courage de défier permettent de croire que le profil de marqueur de Harris pourrait se traduire de belle façon au prochain niveau.
Chez les juniors, il n'est pas rare que la recette d'un franc-tireur soit de faire du dommage à partir du milieu de l'enclave. À cet égard, la qualité de la dégaine de Harris sur les lancers des poignets a certainement fait ses preuves, mais ce n'est pas de là que viendra son succès offensif aux échelons supérieurs.
Sachant qu'il est beaucoup plus difficile de déjouer les gardiens de la LNH à mi-distance, il est rassurant de savoir que Harris ne s'y limite pas, et que de foncer vers le filet adverse est déjà une facette qu'il a bien intégrée à son arsenal. Il a également démontré une coordination oeil-main lui ayant permis de marquer sur des déviations avec Sioux Falls.
Rapidité sans la rondelle et jeu défensif à peaufiner
Les carences de Harris en termes de patinage lui nuisent davantage lorsqu'il n'est pas en contrôle de la rondelle. Il est vrai que sa posture s'est améliorée au fil et à mesure que la saison avançait, mais ce sera assurément une phase à travailler davantage à Denver.
Pour un athlète répertorié à 5 pieds 10 ¾ et 180 lbs lors des tests physiques, en mai dernier à Buffalo, Harris ne craint pas le jeu physique, bien que ce ne soit pas ce qui définit son jeu.
S'il représente une menace en échec-avant de par sa robustesse et sa capacité à appliquer des mises en échec percutantes, et qu'il a souvent le nez dans la circulation lourde pour aider à obstruer la vue du gardien, la présence physique de Harris ne s'observe que rarement dans les deux autres zones compte tenu de son implication défensive limitée.
Les données recueillies par Sportlogiq abondent dans le même sens que ce qui est observable à l'œil nu : en 2022-2023, Harris s'est classé au 97e rang parmi les attaquants de l'USHL pour le nombre de jeux défensifs réalisés par match, à 4,1.
Dans la NCAA, on voudra le voir plus incisif dans sa façon d'aborder les duels pour la rondelle dans sa zone, lui qui avait la manie avec Sioux Falls de négliger ses responsabilités dès qu'il flairait l'opportunité pour son club de se lancer en contre-attaque. À sa décharge, il avait peut-être développé cette habitude dans l'USHL en raison de l'ineptie offensive de plusieurs des partenaires de trio qu'il a eus.
De se montrer affammé pour la récupération de rondelles tant dans son territoire qu'en échec-avant sera un passage obligé afin que Sam Harris s'offre une réelle chance de percer dans le hockey professionnel.
Avec un maximum de 50 contrats professionnels à leur disposition, les équipes de la LNH – surtout celles qui emmagasinent proactivement les choix au repêchage – ont tout intérêt à avoir une idée hyper précise de la courbe d'apprentissage des jeunes joueurs de leur organisation.
Supposant que Harris passe trois saisons à peaufiner son jeu dans les couleurs des Pioneers, l'état-major du CH disposera d'un échantillon fiable afin de prendre une décision éclairée, puisqu'il aura à ce moment 22 ans, et presque 23.