MONTRÉAL –  Il y a quatre ans, à quelques jours du repêchage de la Ligue nationale de hockey, RDS vous racontait l’histoire de Vincent Desharnais. Grand défenseur de 19 ans issu du réseau scolaire québécois, il avait été boudé par la LHJMQ, s’était exilé en Colombie-Britannique et avait finalement vu l’Université de Providence lui ouvrir les portes de la NCAA.
 
Desharnais était répertorié au 209e rang au classement des meilleurs espoirs nord-américains de la Centrale de recrutement de la LNH. Il rêvait de recevoir l’appel d’une équipe, n’importe laquelle. Son père, plus pragmatique, préférait qu’il poursuive son travail dans l’ombre afin de pouvoir éventuellement choisir lui-même sa destination.
 
« En bout de ligne, je suis sûr d’être gagnant », prédisait le jeune homme, enthousiasmé à l’idée d’entreprendre la prochaine étape de son parcours.

Desharnais n’a finalement pas été repêché en 2015, mais l’année suivante, les Oilers d’Edmonton ont utilisé leur choix de septième ronde, le 183e au total, pour l’ajouter à leur bassin d’espoirs. Les années qui ont suivi ont passé comme un flash. Il a décroché un poste régulier à sa deuxième année, a été nommé assistant au capitaine à sa troisième année, puis capitaine à sa quatrième. Il a terminé sa carrière universitaire en aidant les Friars à atteindre le carré d’as du tournoi de fin de saison de la NCAA.
 
Puis, cette semaine, la plus récente mise à jour est tombée : Desharnais a signé son premier contrat professionnel, un pacte de deux ans avec les Condors de Bakersfield, le club-école des Oilers dans la Ligue américaine. L’annonce a mis fin à un début d’été en montagnes russes pour le Lavallois, qui a finalement dû accepter un compromis pour accéder à son rêve.     
 
« L’attente a été longue, trois mois avant de signer, a-t-il admis lorsqu’on l’a recontacté pour prendre de ses nouvelles. Des fois j’étais un peu découragé. Je m’attendais à signer tout de suite après la fin de ma saison et c’est sûr qu’au début, j’aurais aimé avoir un contrat d’entrée dans la LNH, comme tous les joueurs qui sortent de l’université. Mais finalement je suis super content du contrat que j’ai eu. »
 
Desharnais a été une trouvaille de l’équipe de recruteurs de l’ancien directeur général Peter Chiarelli. Le congédiement de ce dernier, et l’embauche subséquente de Ken Holland à sa succession, n’a pas facilité les discussions entre son agent Philippe Lecavalier et les Oilers.
 
« On va se dire les vraies choses, je ne suis pas une priorité. Ça reste que je suis un choix de septième ronde, j’ai eu 13 points l’année passée. C’est pas de stats incroyables. Même si les gens autour lui disent que je suis bon, le nouveau DG ne va pas commencer à distribuer les contrats les yeux fermés. Mais le résultat, au bout de la ligne, reste le même. Je m’en vais dans la Ligue américaine et le contrat LNH, ça ne veut pas dire qu’ils ne me l’offriront pas l’an prochain ou dans deux ans. »
 
« Baisse ta tête pis pousse »
 
Desharnais n’a jamais reçu de passe-droit au fil de sa route. Il a passé la moitié de sa première année à Providence dans les gradins à essayer de faire sa place dans le top-6 de la brigade défensive. Mais jamais il n’a regretté d’avoir tourné le dos aux équipes de la LHJMQ qui l’avaient timidement courtisé.
 
« Parce que je savais que j’avais besoin de temps, explique le gentil géant de 6 pieds 6 pouces. À ma première année à Providence, ça m’est arrivé de me demander si j’avais fait le bon choix, si j’aurais dû opter pour un programme un peu moins renommé avec moins de compétition à l’interne. Je me suis souvent posé la question. Mais mes parents, mon frère, mon agent, tout le monde me conseillait de ne pas dire un mot et de continuer à travailler. Chaque jour, je travaillais comme un chien en me disant qu’éventuellement, ça allait arriver. Et c’est arrivé. »
 
Nathan Leaman a remarqué les efforts de Desharnais. Après la deuxième saison du défenseur québécois, l’entraîneur-chef de Providence l’a fait venir dans son bureau pour lui annoncer une grande nouvelle. La bourse d’études partielle qui lui avait été accordée deux ans plus tôt allait être bonifiée afin que le joueur n’ait plus à débourser un sous pour fréquenter l’institution.
 
« Juste ça, c’est probablement mon moment préféré dans mes quatre ans à l’université. Quand je suis retourné chez nous cet été-là, j’avais fait un PowerPoint à mes parents sans leur dire c’était quoi. J’avais mis des photos de ma jeunesse jusqu’où j’étais rendu et à la fin j’avais écrit ‘I GOT A FULL SCHOLARSHIP’. Mon père, qui parle toujours, n’a pas parlé pendant cinq minutes. Ma mère criait dans la maison, elle braillait. Juste de les voir comme ça, ça a valu quatre ans de bûchages, de larmes et de rires. »
 
Quand les Oilers ont refusé de lui offrir toutes grandes les portes de l’organisation, Desharnais s’est fait rappeler qu’il ne s’agissait que de la suite logique d’un cheminement rempli d’embûches. Son agent lui a fait entendre raison et lui a donné le même conseil qui lui a toujours souri : « Baisse ta tête pis pousse ».
 
« C’est ce qui fait le joueur que tu es présentement, lui a-t-on fait comprendre. Tu as tellement été dans la bouette, tu t’es démerdé. Là, ça ne te fait plus peur. Au final, je suis sûr que tu vas signer un contrat NHL. »
 
Un citoyen modèle

 
Si les Oilers ne peuvent être certains de ce que Desharnais apportera à leur club-école, il est acquis qu’ils ont ajouté à leur organisation un gentleman qui s’avèrera un atout pour la communauté où il évoluera.
 
Desharnais a terminé ses études en gestion avec une cote de 3,51, ce qu’il compare à une moyenne de 90%. Son bon rendement académique lui a valu une place sur la liste d’honneur du doyen au terme de chacune de ses six dernières sessions.
 
Il s’est aussi impliqué dans la communauté en mettant sur pied un projet visant à amasser des fonds pour la fondation Gloria Gemma, un organisme de support pour les femmes atteintes du cancer du sein. Desharnais a été inspiré dans sa démarche par une gardienne de but de l’équipe féminine de Providence, Clare Minnerath, qui a été touchée par la maladie à l’été 2018. Son initiative a permis d’amasser plus de 5000$.
 
Desharnais y a pris goût et a l’intention de continuer à donner au suivant dans son prochain milieu de vie.
 
« Si j’ai le pouvoir de le faire, pourquoi ne pas me servir de mon influence? Je ne suis peut-être pas Sidney Crosby, mais si je peux utiliser ma tribune pour sensibiliser les gens à une cause, je vais le faire. J’ai déjà une couple d’idées qui me trottent dans la tête. »