Selon un sondage effectué récemment par le site The Athletic, près de 90 % des joueurs sont favorables à une reprise des activités hockey. Il s’agit d’un pourcentage énorme... presque trop élevé. Je veux bien comprendre que les joueurs de hockey sont des guerriers qui ne craignent rien... sauf, naturellement, que la défaite leur tombe sur la tête, mais quand même.

La situation se dégrade chaque jour un peu davantage aux États-Unis et dans plusieurs autres pays; la santé publique continue à envoyer des avertissements à la prudence et à la distanciation sociale; de plus en plus de jeunes contractent la maladie; malgré les mesures importantes prises pour empêcher la contamination, des cas se sont déclarés au tennis et au golf professionnel et même dans certaines équipes comme le Lightning de Tampa Bay pendant la phase 2 du protocole de retour au jeu.

Bref, quand on y pense, il y a de quoi faire réfléchir le plus téméraire.

Bien entendu, les joueurs de hockey sont des passionnés. Leur vie tourne entièrement autour de leur sport. En plus, ils sont jeunes et en parfaite condition physique et la COVID-19 a longtemps semblé les épargner.

Mais à la lumière de ce qui se passe présentement, est-ce toujours aussi évident?

J’ai reçu, dans les dernières semaines, des appels de plusieurs sportifs d’élite dans différents sports, et tous se questionnaient. D’un côté, ils vibraient à l’idée de reprendre les activités, de tester leurs limites, de compétitionner avec les meilleurs. D’autre part, plusieurs avaient peur, même s’ils cherchaient à la refouler.

Bien entendu, tout le monde le sait, un sportif, surtout un professionnel, n’a pas peur de rien. C’est comme ça! Il est plus fort que ses craintes.

Cependant, la peur est un sentiment tout à fait normal. C’est un signal d’alarme que le cerveau envoie au corps. Dans le cas de la COVID-19, il ne s’agit pas d’une peur viscérale comme celle d’une phobie de l’eau, des hauteurs ou des araignées. Il ne s’agit pas non plus d’une peur instinctive comme celle qu’on éprouve devant un danger imminent. On parle plutôt ici de la peur pour les autres, pour nos proches, que j’appellerais presque une peur par empathie.

C’est vrai qu’ils n’ont généralement pas peur pour eux. Ils ont peur pour leurs parents, leur femme ou leurs enfants. Ils s’en voudraient tellement si, par leur faute, la maladie frappait ceux et celles qu’ils aiment.

Ils ont peur aussi de l’éloignement. Ceux qui sont mariés et ont des enfants, ou pire, dont la femme attend une naissance prochaine, ne souhaitent pas être obligés de se confiner entre l’hôtel et la patinoire pendant un ou deux mois avant d’ensuite être mis en quarantaine durant quelques semaines additionnelles pour garantir qu’ils n’infecteront personne. Ils ont peur de manquer des moments importants avec leur famille, des instants qu’ils ne pourront jamais plus revivre. Être à l’écart de ses proches pendant longtemps peut peser lourd dans la balance. 

Donc, il y a cette peur pour les autres qu’on n’a pas de mal à exprimer parce qu’elle démontre un souci du bien-être de ceux qu’on aime. Il s’agit d’une marque d’altruisme qui est largement valorisée dans la société. C’est noble quoi!

Mais, il y en a qui craignent la maladie elle-même. Peut-être parce qu’ils ont vu mourir des amis ou des proches; peut-être parce qu’ils ont une faiblesse immunitaire; peut-être parce qu’ils entendent les nouvelles faisant état de la propagation de plus en plus large auprès des jeunes qui développeraient souvent des séquelles permanentes aux poumons. 

Alors oui, ils ont peur et il est normal alors d’être effrayé par la maladie.

Et, au-dessus de cette appréhension, certains joueurs semblent surtout craindre le jugement des autres. S’ils refusent de retourner au jeu, comment ce geste sera-t-il interprété? Seront-ils mis à l’écart et considérés comme des lâches?

Bien entendu, tous les joueurs professionnels, quel que soit le sport, veulent retourner au jeu. Mais il est également normal d’avoir peur. C’est humain. La situation actuelle n’a rien de normal.

La peur, je l’ai dit, est un signal d’alarme. Il ne faut pas l’ignorer et faire comme si elle n’existait pas, car cela aura des répercussions ailleurs dans votre vie. Il faut parvenir à l’apprivoiser et la contrôler.

L’immense majorité des sportifs professionnels retourneront donc sur la glace ou sur le terrain dans les prochains jours. Ceux qui ont des appréhensions ne sont pas des peureux. Ils sont simplement réalistes, ce qui est une excellente chose. Il y a une différence entre la prudence et la témérité. C’est cette ligne que nous devons tous reconnaître pour nous aider à aller plus loin.

Le hockey reprendra bientôt et c’est tant mieux. Les sportifs sont des modèles qui nous font vibrer par leur talent. Nous avons besoin de rêver et de nous changer les idées. 

Il faut cependant respecter ceux qui pourraient douter de la pertinence et de l’importance d’un retour au jeu dans la situation actuelle et ne pas les juger. Ils ont assurément leurs raisons. 

Cela dit, j’ai bien hâte de voir les premiers matchs. 

Go Habs! Go! Go Montréal GO! 

Devrais-je réserver ma place sur la rue Sainte-Catherine tout de suite?