Les longs voyages peuvent s'avérer contradictoires. Ils unissent les esprits, mais peuvent affaiblir la santé d'un groupe. Ils jouent aussi des tours une fois la carrière de joueur actif terminée. Je m'explique. Restez là. Les voyages dans ma tête aussi sont parfois contradictoires, souvent sinueux, toujours productifs... enfin, à mes yeux!!!

Ma deuxième carrière me permet de revoir nombre d'anciens coéquipiers maintenant dans de nouveaux rôles. Certains sont dépisteurs, d'autres oeuvrent dans les médias, beaucoup occupent des postes de direction ou d'entraîneur des équipes que les Canadiens affrontent. Le plus récent séjour à l'étranger de la Sainte-Flanelle, qui se termine au moment où j'écris ces lignes à bord de l'avion qui nous ramène à Montréal, ne faisant pas exception, m'a offert la chance de revoir beaucoup d'anciens adversaires et de compagnons d'autrefois. Il m'a aussi forcé à réfléchir sur l'importance que certains anciens coéquipiers ont eu à mes yeux. Je partage avec vous aujourd'hui les fruits de cette réflexion, subjective au possible, mais sans prétention aucune.

Personne ne m'a impressionné autant que Raymond Bourque. Il s'est amené au Colorado vers la fin de la saison qui allait être ma dernière à Denver. Il personnifie, pour moi, parfaitement tous les aspects d'une légende vivante. Prêt à tout pour finalement mettre la main sur une coupe Stanley qui lui aura échappée trop souvent à Boston, sa simple présence a eu un effet énergisant comme je n'ai jamais vu au sein d'un groupe. Sa stature, sa forme physique, sa force de caractère et, fort possiblement, la différence d'âge obligeant en quelque sorte une certaine distance entre nous, m'ont émerveillé, presque subjugué.

Le vestiaire de l'Avalanche, à la fin des années 90, débordait d'athlètes qui m'ont marqué alors que j'amorçais à peine ma carrière dans la LNH. Joe Sakic est le gentleman ultime dans le monde du hockey. Un leader discret qui prêchait par l'exemple et qui savait très bien gérer les relations avec la direction de l'équipe. Il voulait sans cesse améliorer son tir des poignets avec de nouveaux bâtons et à force de répétitions. Un cadeau pour un jeune gardien comme moi qui lui servait de cible plus souvent qu'autrement en tant que gardien adjoint.

Parlant de gardien, Patrick Roy a été pour moi une idole à ses débuts avec les Canadiens alors que je n'avais que neuf ans. Vous pouvez donc vous imaginez que de me retrouver assis à côté de lui dans le vestiaire du Colorado, à épier ses moindres gestes et ses réactions face à l'adversité a eu un impact sur ma carrière.

Les plus bizarres de mes coéquipiers ont aussi été des gardiens. Craig Billington et Ron Tugnutt avaient des façons très particulières de se préparer pendant les heures précédant un départ. Les interactions étaient, comment dire, inexistantes. Geoff Sanderson est assurément celui qui aura été le plus capricieux de mes collègues. Que ce soit la configuration de la courbe de son bâton ou encore le positionnement de la lame de ses patins par rapport à la bottine, rien ne lui échappait. En fait rien ne lui plaisait!

Je ne peux terminer ce texte sans parler de ceux avec qui j'ai passé le plus de temps à l'extérieur de la patinoire. Luke Richardson a été mon capitaine à Columbus et un coéquipier à Tampa. D'agréable compagnie, c'était aussi un dur. Je me rappelle de l'avoir vu quitter la glace par ses propres moyens après avoir reçu en plein visage un tir violent qui venait de lui fracasser la mâchoire! C'est une personne incroyable, qui a traversé des moments très difficiles récemment et qui fait un boulot exceptionnel aujourd'hui comme entraîneur-chef du club-école des Sénateurs d'Ottawa à Binghamton.

Si j'ai vraiment apprécié les heures passées avec mes bons amis à Columbus Serge Aubin, avec qui j'ai aussi joué à Hershey, et Jean-Luc GrandPierre; je dois avouer que le meilleur groupe de soutien je l'ai trouvé à Tampa. À un moment de ma carrière ou tout semblait s'écrouler professionnellement, Vincent Lecavalier, Brad Richards, Martin St-Louis et André Roy ont été à la fois des oreilles attentives, mais surtout des motivateurs incroyables qui se sont assurés que, même si mon orgueil était blessé, mes priorités et mes valeurs étaient intactes. J'ai un énorme respect pour ses hommes et je leur en suis reconnaissant.

Ces voyages, depuis que je ne joue plus, me rappellent d'excellents souvenirs, c'est vrai. Il me souligne également à quel point je n'ai pas toujours été très doué pour entretenir des amitiés. Contradictoires ces voyages, je vous l'avais dit...

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