BUFFALO – Lorsque Gary Bettman a annoncé que le Canadien avait procédé à une transaction, immédiatement après la première sélection de la soirée, les amateurs montréalais ont retenu leur souffle pensant que l’organisation venait de frapper un coup de circuit.

Il s'agissait plutôt d'une balle courbe qui a été lancée par le directeur général. En effet, Marc Bergevin a acquis les services d'Andrew Shaw en retour de ses deux choix de deuxième ronde cette année (39e et 45e échelons). Dans la même lignée, il a cédé Lars Eller aux Capitals de Washington pour remettre la main sur des choix de deuxième tour en 2017 et 2018.

« Montréal est une ville de hockey »

C'est donc dire que ce mouvement ne servait pas à se départir de P.K. Subban ou bien à s’approprier les services très convoités de Pierre-Luc Dubois qui s’est levé de son siège dès la troisième sélection.

« J’étais peut-être un peu surpris, mais pas à tomber en bas de ma chaise. On avait identifié la possibilité que ça arrive », a reconnu Bergevin sur la décision des Blue Jackets de miser sur Dubois.

L’attente des partisans a pris fin, au neuvième rang, quand le Tricolore s’est amené sur la scène de l’aréna des Sabres. Quand Trevor Timmins, le grand manitou du repêchage pour le Canadien, a annoncé qu’il pigeait chez les Spitfires de Windsor, le nom de l’imposant attaquant Logan Brown semblait plausible.

Cependant, le Canadien a choisi de se tourner vers le prometteur défenseur russe Mikhail Sergachev qui se classait parmi les trois meilleurs espoirs à la ligne bleue – avec Olli Juolevi et Jakob Chychrun – dans la cuvée 2016.

« On préférait le défenseur », a brièvement justifié Bergevin qui ne voulait pas s’étendre sur ce sujet.

Quant à Sergachev, il avait hâte d’entendre la fin de la phrase de Timmins.

« Je me suis mis à écouter attentivement, je pensais que ce serait peut-être plus lui avant moi », a reconnu Sergachev en parlant de son bon ami.

Bergevin commente la première ronde

Bergevin et son entourage n’avaient pas un penchant envers Sergachev pour rien. À vrai dire, ils ont déjà un plan en tête pour l’arrière dont le caractère ne fait aucun doute. En raison de sa nationalité et de sa fluidité sur patins, Sergachev a parfois été associé à Andrei Markov. Ça tombe bien puisque l’état-major le voit justement comme un digne successeur au numéro 79.

« Notre projection sur lui, c’est qu’il pourra éventuellement le remplacer même si Andrei nous rend encore de précieux services. On était très heureux de faire son acquisition, on parle d’un gros bonhomme qui peut jouer à gauche et à droite. Il est solide, il est épais, c’est un beau joueur de hockey », a décrit Bergevin en réalisant qu’il n’avait pas choisi la meilleure traduction.

« Quand je dis épais, je ne le dis pas dans ce sens-là. C’est plus costaud », a précisé Bergevin qui ne pouvait guère s’empêcher de rire après une soirée fort chargée.  

De son côté, inutile de dire que Sergachev était flatté par le compliment autour de Markov.  

« C’est vraiment cool! C’est l’un des meilleurs défenseurs de la planète », a réagi le grand défenseur.

Sergachev devra continuer sa tangente de développement s’il veut avoir la chance de jouer quelques matchs avec Markov. À 37 ans, le vétéran du Canadien finira par accrocher ses patins. 

« J’aimerais ça, il est mature et il connaît tout du hockey. »

Bon joueur de poker, Bergevin a assuré que la sélection de Sergachev était celle désirée quand ce fut le temps de passer à l’action.

« Après les quatre ou cinq premiers choix, on se dirait qu’il pouvait partir à n’importe quel moment. Quand notre tour est arrivé, c’était unanime qu’on le prenait », a noté le DG qui aime le fait que Sergachev n’a pas froid aux yeux.

Affichant un grand sourire avec son chandail bleu-blanc-rouge sur le dos, Sergachev était emballé d’avoir été recruté par le Canadien.

« C’est très spécial, c’est le plus beau des sentiments. Montréal est une grande ville de hockey. Je ne pourrais pas demander mieux », a révélé le patineur qui fêtera son 18e anniversaire samedi.

Quand un confrère lui a demandé ce qui lui venait en tête en songeant au Canadien, il a répondu ceci.  

« Je sais que c’est une grande organisation avec beaucoup de partisans. J’ai entendu que c’était une bonne ville », a indiqué le gaucher qui sera maintenant bien connu au Québec.

Pas de coup de circuit, mais du mouvement!

C’est donc dire que, pour une deuxième année de suite, le Canadien a repêché un défenseur à son premier tour de parole. Noah Juulsen avait été choisi au 26e rang en 2015.

Sergachev n’a pas retenu l’attention de Timmins et ses collègues pour rien. Charismatique comme Nikita Scherbak, le premier choix du CH en 2014, a démontré une impressionnante progression à sa première saison en Amérique du Nord avec les Spitfires.

« Je suis un défenseur complet qui patine bien et qui possède un bon lancer. J’aime aussi jouer dans toutes les situations. J’aimerais jouer dans la LNH le plus tôt possible, je voudrais utiliser la chance dès l’an prochain si on me la confie », a proposé l’auteur de 17 buts et 40 aides en 67 parties.

« Je dois progresser encore défensivement, je veux dire par là de jouer avec plus d’ardeur dans la zone défensive et devant le filet », a-t-il admis. 

Repêchage 2016 : Mikhail Sergachev en action

Comme l’a raconté Nicolas Landry dans son profil sur Sergachev, le défenseur de six pieds trois pouces et 206 livres a progressé tout aussi rapidement sur la glace qu’à l’extérieur.

Il a notamment appris l’anglais à une vitesse fulgurante. Ainsi, sa facilité avec les langues pourrait l’aider à se débrouiller en français sans trop tarder.

« Mon père m’a dit que je devais apprendre deux langues, l’anglais et le français », a répliqué Sergachev quand l’auteur de ces lignes lui a proposé ce scénario.

« J’aime également l’espagnol », s’est-il empressé d’ajouter.

Doughty comme inspiration, Markov comme mentor ?

Si Sergachev a été élogieux envers Markov, son compatriote plus âgé, il s’inspire d’un autre défenseur et pas le moindre.

« Drew Doughty parce qu’il est le meilleur et je veux devenir le meilleur », a conclu, avec assurance, Sergachev qui se voit comme un meneur dans une équipe.

Les mauvaises langues diront qu’il n’a pas nommé P.K. Subban comme meilleur défenseur, mais on ne pourrait pas le blâmer pour ça.

Parlant de Subban, Bergevin n’a pas pu échapper à une question sur le sujet.

« Jeudi, j’ai répondu à autour de 19 questions sur ce dossier, je ne veux pas parler d’une transaction qui n’existe pas », a éteint le dirigeant.   

En terminant, petite note sur les insuccès du Canadien en première ronde lors des deux autres repêchages tenus à Buffalo. En 1998, Éric Chouinard avait été sélectionné par Montréal tandis que Brent Bilodeau avait été l’élu du CH en 1991.

« L'épaisseur du joueur est importante... pas épais là mais! »