Il y a des entraîneurs qu’on a déjà sortis de la ville à grands coups de pied au derrière. Il y en a d’autres qu’on aurait volontiers conduit à l’aéroport le plus proche et d’autres dont on réclame la tête, mais qui finissent toujours par s’en tirer.

Claude Julien n’appartenait à aucune de ces catégories. On l’aimait bien à Boston, malgré ses deux dernières exclusions de justesse des séries éliminatoires et malgré le fait que les Bruins soient menacés de subir le même sort ce printemps. Au TD Garden, il faisait partie des meubles sans être un membre de la famille. Il n’était pas un Bruin. Il ne l’a jamais été. C’est toujours ce qu’on a retenu contre lui. Pourtant, on était bien heureux qu’il soit disponible quand on s’est débarrassé de Dave Lewis, après une seule saison désastreuse, il y a une décennie.

C’est la troisième fois de sa carrière professionnelle qu’il est remercié. Chaque fois, il a fait ses valises en dépit d’un dossier gagnant. Il n’en est pas à un coup de Jarnac près. Au New Jersey, Lou Lamoriello l’avait congédié avant la fin de sa première saison à la barre de l’équipe. Il restait trois matchs à disputer au calendrier. L’équipe, qui venait de remporter quatre de ses cinq dernières parties, occupait le premier rang de la division Atlantique.

Ses dernières saisons n’ont pas été de tout repos. Dès le moment où Cam Neely a été promu président de l’équipe, en 2010, le sol a commencé à bouger sous ses pieds. Julien n’était pas son homme et il ne l’est jamais devenu. Il s’est retrouvé encore un peu plus en territoire hostile quand Neely a placé Don Sweeney dans la chaise de directeur général un an après son entrée en poste. Peter Chiarelli, qui a cédé sa place à Sweeney, n’était pas un membre de la famille lui non plus. Neely vient donc de prendre une décision qu’il mijotait depuis longtemps.

Même si la tenue des Bruins cette saison a fourni certains griefs à la direction de l’équipe pour apporter ce changement, il faut reconnaître que Julien a été, et de loin, le meilleur entraîneur que les Bruins ont eu au cours des 17 dernières années. Le dernier dans sa classe a été Pat Burns. Malheureusement, quand on travaille aussi longtemps avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ce n’est pas une coupe Stanley, deux présences en finale et un trophée Jack Adams qui peuvent vous sauver la peau. Pourtant, Julien était devenu il y a quelques mois le plus grand gagnant dans l’histoire de l’équipe après avoir éclipsé le record d’Art Ross.

Son congédiement a rendu furieux une bonne part des amateurs de Boston et ce, pour deux raisons. Julien n’est pas celui qu’ils tiennent responsable des insuccès des Bruins. Ils ont aussi passé à tabac la direction de l’équipe dans les médias sociaux parce qu’ils ont tenu leur point de presse pendant que les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, champions du Super Bowl, célébraient leur triomphe dans les rues de la ville. Le moment n’aurait pu être plus mal choisi.

Sweeney a expliqué qu’il lui fallait agir sur-le-champ afin de donner à Bruce Cassidy la chance de diriger deux entraînements avant le prochain match. La belle affaire. Si on avait attendu trois heures de plus, le défilé aurait été terminé et les rues de Boston auraient été quasi désertes. Dans les circonstances, on ne peut s’empêcher de penser que le fait que les médias étaient tous occupés à couvrir l’exploit historique des Patriots a plutôt fait l’affaire des Bruins. Ils auraient voulu leur passer en douce ce congédiement qu’ils n’auraient pas mieux fait.

Si Julien a pris le temps de lire les commentaires du public concernant son remerciement, il sait qu’il est déjà un homme regretté à Boston. Neely et Sweeney, pour leur part, sont mieux de ne pas commettre d’erreur en choisissant son remplaçant car le degré de popularité de ces deux joueurs tatoués du sigle des Bruins est actuellement à son plus bas.

Il fallait lire ce qu’on a dit sur les Bruins et ces deux-là dans les médias sociaux pour comprendre qu’on a fort mal accepté leur dernière décision. On a même vu dans leur décision une insulte à l’endroit des champions du Super Bowl qui sont nettement plus populaires que les Bruins en Nouvelle-Angleterre. J’ai relevé quelques commentaires tranchants faits à la suite de cette décision controversée.

« De s’éloigner de ces deux trous de cul est peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver à Julien. »

« Neely et Sweeney devraient porter le blâme pour les insuccès de l’équipe. N’ont-ils pas donné à Julien des joueurs qui produisent en deçà de leurs capacités. »

« Cette bande de pas de classe a remplacé l’entraîneur pendant qu’on fêtait la victoire des Patriots. Honte à l’organisation.»

« Pas sûr que les Jacobs (propriétaires des Bruins) puissent rédiger la description de tâche pour les postes de président et de directeur général. »

Parce qu’il a de la classe, Julien n’ira pas jusqu’à mentionner qu’il a apprécié tout ce qu’on a écrit sur ses anciens patrons, mais il doit se dire que les partisans des Bruins connaissent fort bien le hockey.

Même si les entraîneurs de hockey sont maintenant très bien rémunérés et même si Julien est assuré de toucher trois millions de dollars s’il est encore sans travail l’an prochain, un congédiement est toujours difficile à encaisser. L’orgueil en souffre. La fierté personnelle est écorchée. Heureusement, les entraîneurs, qui ont eu le temps de se bâtir une feuille de route comme la sienne, n’ont pas à ramper pour qu’on leur accorde une autre chance. Généralement, ils n’ont qu’à s’asseoir près du téléphone. Il va sonner, c’est sûr.

Une organisation à la recherche d’un entraîneur pourrait difficilement résister à la tentation d’embaucher un homme assez qualifié pour passer 10 ans au même endroit.

Pendant ce temps chez nous…

C’est absolument honteux ce qu’on a vu au Colorado, mardi soir. Une quatrième défaite consécutive, blanchi une seconde fois de suite après avoir été limité à trois buts en quatre matchs, ce sont des facteurs extrêmement négatifs qui donnent naissance à du grenouillage sur le dos de l’entraîneur.

Le Canadien profite d’une semaine favorable avec des matchs contre Colorado, Arizona, St. Louis et Boston, quatre adversaires qu’il devance au classement par des marges respectives de 36, 28, 9 et 10 points. C’était quatre parties qui ne pouvaient lui échapper. La plus facile a été un désastre. Si le phénomène se répète en Arizona, Therrien va donner l’impression de marcher sur des tessons de bouteille. L’excuse, dont il a largement profité l’an dernier, n’existe plus.

Dans le même ordre d’idée, il serait peut-être temps qu’on élimine de notre vocabulaire sportif le terme « meilleur gardien de but de la planète ». Carey Price n’est plus le gardien par excellence de la ligue depuis plus de deux mois. Il n’est même pas le meilleur gardien de son Association. Si les bons gardiens font habituellement les bons entraîneurs, ils sont parfois responsables de leur congédiement. C’est ce que vient de vivre Ken Hitchcock à St. Louis. Si Price, dont les soirées de quatre buts se suivent à un rythme effréné, ne retrouve par ses moyens, il va faire chaud dans la cuisine de Therrien.