Après 13 saisons dans la LNH, ce n’est pas évident pour un gardien de but professionnel de se retrouver en Sibérie, entouré de coéquipiers et entraîneurs parlant russe, et de devoir se débrouiller par-dessus le marché avec un bâton du mauvais côté…

C’est avec le sourire qu’il raconte cette anecdote fraîche en mémoire, mais Mathieu Garon admet que son passage n’a pas été de tout repos avec l’Avangard d’Omsk dans la KHL (Ligue continentale de hockey).

Fortement apprécié de ses nombreux coéquipiers qu’il a côtoyés avec six équipes dans le circuit Bettman pour sa personnalité agréable, Garon préfère ne pas trop en dévoiler sur son parcours au plein cœur de l’immense territoire russe, mais il reconnaît qu’il en aurait pour longtemps à raconter les péripéties vécues dans cet univers si différent.

Blessé à la fin de l’année 2013, Garon a mis fin à son association avec l’équipe - qui regroupait notamment Sergei Kostitsyn et Alexander Perezhogin - après seulement trois mois. Quelques mois après son retour au pays, il en est venu à l’annonce de sa retraite la semaine dernière.

Cette option avait mûri dans sa tête particulièrement depuis le moment qu’il n’a pas convaincu une équipe de la LNH de l’embaucher l’été dernier.

« C’est certain que je laisse une profession que j’ai adorée, mais je me sens bien avec ce choix. C’est un métier dont j’ai rêvé toute mon enfance et que j’ai pu atteindre et vivre. Mais quand tu es un athlète, tu sais que tu ne vivras pas de ton sport éternellement et j’avais vu venir la retraite depuis un petit bout », a confié l’homme de 36 ans.

Malgré sa carrière caractérisée par la longévité, Garon tenait à tenter l’aventure russe qui se transforme parfois en des histoires d’horreur pour certains hockeyeurs.

« C’est une expression trop forte dans mon cas, mais tout est différent, très différent », a-t-il qualifié.

Mathieu Garon avec les Oilers« Évidemment, quand tu as joué longtemps dans la LNH, tu es habitué à des conditions idéales donc c’est certain que tu vis une autre réalité dans la KHL. Étant donné que c’est une ligue moins importante, tu dois te présenter avec une ouverture d’esprit et j’abordais cela ainsi, mais je dois avouer que j’en ai vu de toutes les couleurs… », a-t-il poursuivi sans aucune prétention.

Garon est heureux d’avoir osé traverser l’Atlantique car il ne voulait pas regretter dans quelques années d’avoir renoncé à cette occasion. Le Québécois - qui devait se sentir sur une autre planète en comparaison de Victoriaville où il a évolué au niveau junior – identifie rapidement la langue comme le principal obstacle dans sa brève terre d’adoption.

« Il y avait quelques joueurs dans mon équipe qui parlaient anglais, mais la norme est de se parler en russe et ils ne s’attardent pas à celui ou ceux qui parlent anglais (ou français) », a décrit l'auteur d'un coefficient d'arrêts de ,903 dans la LNH.

Dès le départ, Garon avait convenu avec sa femme qu’elle ne le suivrait pas en Sibérie et que leurs enfants (un garçon de 9 ans et une fille de 6 ans) allaient demeurer avec elle à leur domicile de Tampa.

« Je savais vraiment dans quoi je m’embarquais donc je ne voulais pas leur faire vivre cela et c’était une décision de famille à laquelle nous étions prêts. Ce n’est pas que je ne voulais pas leur faire découvrir la Russie, mais davantage que je ne souhaitais pas qu’ils découvrent à quel point c’était loin et compliqué », a indiqué Garon en précisant que le voyagement nécessite environ 24 heures.

« Je retiens surtout qu’il s’agit d’un énorme sacrifice de famille. Mais dans la vie, beaucoup de métiers exigent cela », a poursuivi l’ancien numéro 32 en reconnaissant la chance qu’il a eue de vivre une carrière au hockey professionnel.

Ce privilège est apparu encore plus concret quand il a constaté la difficulté à commander l’équipement de hockey en Russie.

« J’ai rejoint ma nouvelle équipe avec trois ou quatre bâtons et mon équipement et j’ai réalisé que la seule façon d’obtenir de l’équipement Reebok (son commanditaire) était de le récupérer quand tu vas dans l’un des trois autres pays inclus dans la KHL (la République tchèque, la Slovaquie et la Lettonie). Étant un gardien droitier, les bâtons sont encore plus rares en Russie et je me suis retrouvé à jouer pendant une semaine avec des bâtons gauchers parce que nous allions en Lettonie seulement la semaine suivante et j’avais brisé mes autres bâtons…. », a-t-il élaboré en riant de la situation.

Pourquoi s’éloigner du hockey?

Lorsque ça fait 30 ans qu’on enfile des patins de hockey plusieurs fois par semaine, on peut soit rêver d’une deuxième carrière loin des arénas pour découvrir de nouveaux contextes ou bien demeurer associé à un sport qui s’avère notre mode de vie.

Garon penche définitivement vers la deuxième option, mais ce n’est pas aussi évident que c’était pour lui d’arrêter un lancer avec sa mitaine.

« Je suis en réflexion sur le métier que je choisirai, mais j’adorerais demeurer dans l’univers du hockey. J’ai appris beaucoup de choses au fil des ans et je crois que je pourrai me servir de cela, mais je suis conscient que ce ne sont pas tous les retraités du hockey qui parviennent à se trouver un travail dans ce domaine. Je me fais poser la question chaque jour, mais je n’ai pas encore la réponse et disons que j’y pense en masse », a-t-il confié en entrevue au RDS.ca.

Calme, attentionné, expérimenté et méticuleux, Garon semble représenter un candidat intéressant pour enseigner l’art des gardiens de but à la relève.

« Absolument, j’aimerais bien faire ça. Que ce soit un rôle d’entraîneur, de dépisteur ou d’administrateur, je sais que j’ai les connaissances et que je serais capable de les utiliser et les compléter. En attendant, mon garçon est gardien donc je vais sur la glace avec lui et je me garde à l’affût. »

Mathieu GaronAprès avoir endossé le chandail du Canadien, des Kings, des Oilers, des Penguins, des Blue Jackets, du Lightning et de l’Avangard d’Omsk (dans la KHL), Garon ne pouvait pas identifier un endroit qu’il a préféré même si Montréal aura toujours un cachet spécial à ses yeux.

« Chaque ville m’a apporté quelque chose, mais je vais toujours répondre le Canadien en premier parce que j’ai grandi en regardant cette équipe et elle m’a repêché. Encore aujourd’hui, je regarde leurs matchs et le Canadien fait encore partie de moi. »

« J’ai gagné la coupe Stanley à Pittsburgh donc c’est un souvenir précieux qui va toujours rester et je me suis établi à Tampa qui a été ma dernière équipe dans la LNH, mais ça n’enlève rien aux autres parce que c’est à Edmonton et à Los Angeles où j’ai eu le plus de succès dont comme numéro un », a-t-il noté.

Repêché en deuxième ronde (44e au total) par le Canadien en 1996, Garon a assurément été le meilleur gardien de cette cuvée, mais il aurait adoré s’imposer comme un gardien de premier plan tout au long de son parcours.

« C’est certain que j’aurais voulu être numéro un au même endroit pendant longtemps, ne jamais devenir joueur autonome et ne jamais me faire échanger… Tout le monde veut être le meilleur dans son domaine, mais j’ai trouvé une façon d’avoir une longue carrière », a analysé Garon qui ne voit pas ce constat comme un véritable regret.

Sa plus grande fierté provient justement de cet aspect.

« Je suis surtout content d’avoir pu jouer aussi longtemps même si j’aurais voulu que ça dure 20 ans. Quand tu es joueur, tu n’apprécies pas cela autant, mais tu finis par prendre du recul et comprendre à quel point la durée moyenne d’une carrière est courte », a soupesé Garon.

De toute évidence, son expérience à Montréal est loin d’avoir été négative même si elle s’est conclue par une transaction aux Kings en retour de Cristobal Huet et Radek Bonk en 2004. Mathieu Garon avec les Penguins

« Je côtoie beaucoup de joueurs et je leur dis toujours de sauter sur l’occasion de jouer à Montréal si elle se présente. C’est l’une des plus belles expériences et tu gardes des souvenirs à jamais. Il faut dire que mon expérience a été positive dont parce que j’étais jeune, que j’occupais le poste de numéro deux et je n’avais pas autant de pression. Mon passage a été fantastique et je ne comprenais pas autant la pression médiatique, c’était merveilleux », s’est rappelé celui qui a protégé le filet du Tricolore dans 43 parties.

C’est aussi dans l’organisation du Canadien qu’il a connu celui qui demeure son coéquipier préféré après avoir partagé des vestiaires avec de nombreux athlètes.

« Je dirais Francis Bouillon, j’ai commencé avec lui à Fredericton (dans la Ligue américaine en 1998-1999) et il demeure un bon ami aujourd’hui. Tu peux juste admirer son éthique de travail autant que sa personnalité et je suis certain que les amateurs pensent la même chose », a vanté Garon qui a pu casser la croûte avec son vieux « chum » quand le Canadien est passé par Tampa au début avril.

Même s’il a été dirigé par une multitude d’entraîneurs au cours de son long chemin au hockey professionnel, il n’a pas eu à réfléchir pour identifier ceux qu’il a le plus appréciés.

« Claude Julien et Guy Boucher, je veux nommer les deux car ils m’ont apporté beaucoup. En ce qui concerne Claude, il m’a vraiment aidé quand j’ai été rétrogradé à Hamilton et c’est à partir de ce moment que ma carrière a changé. Quant à Guy, je retiens surtout ses qualités de communication. C’est le genre d’entraîneur dont j’avais besoin comme joueur et je l’ai grandement apprécié », a conclu Garon qui s’inspirera sûrement de ces deux hommes s’il choisit cette avenue professionnelle.