MONTRÉAL – Pendant près de 15 ans, Brad Richards et Vincent Lecavalier ont pratiquement formé une version moins rousse et sans taches de rousseur des jumeaux Sedin.

« Oui, c’est vrai que pendant un certain temps, ça avait presque l’air de ça! », acquiesçait Richards, amusé par la comparaison, en entrevue avec RDS cette semaine.

Richards et Lecavalier n’étaient encore que des enfants quand le hockey les a soudés par une amitié fraternelle. Recrutés au sein de la même équipe bantam, au fin fond de la Saskatechewan, les deux complices ont accédé au niveau junior avec un détour par Rimouski. Le hasard a ensuite voulu qu’ils soient repêchés par la même équipe de la Ligue nationale. Ils ont représenté leur pays à la Coupe du Monde et aux Jeux olympiques, ont passé un lockout en Russie et avant que la réalité du sport professionnel ne les sépare, ils ont soulevé ensemble la coupe Stanley, le fait marquant de leurs huit années de vie commune chez le Lightning de Tampa Bay.

Une dernière saison dans le même uniforme permettrait d’écrire la finale idéale à cette belle histoire, mais Richards, qui sait trop bien que la continuation n’est plus une option pour son compagnon de route, n’a même pas osé aborder le sujet dans ses plus récentes discussions avec le nouveau retraité.

« Tout ce qu’il a traversé à Philadelphie, ça a été dur mentalement pour lui. Si les choses s’étaient déroulées autrement, je suis sûr qu’il aurait encore quelques bonnes années à donner. [...] Mais c’est triste de voir que le temps finit toujours par nous rattraper. Toute bonne chose à une fin, mais je suis sûr que l’avenir nous réserve plusieurs autres bons moments. »

Richards a été un précieux confident de Lecavalier pendant le décevant séjour de ce dernier à Philadelphie, où il a vu son temps de glace diminuer de près de neuf minutes par match en l’espace de trois ans après y avoir été attiré par une offre d’une valeur de 22,5 M$.

« Rendu à un certain point dans ta carrière, l’important est de se retrouver avec une équipe qui cadre bien avec ce que tu peux offrir et Philadelphie n’était pas ce genre d’endroit pour lui. Il a signé avec une équipe qui a congédié son entraîneur seulement trois matchs après le début de la saison. Pour lui, ça a tout changé et ça n’a pas été facile. C’est insensé de faire jouer Vinny à l’aile droite sur un quatrième trio. Vous ne soutirerez pas le meilleur de lui et ça ne servira aucunement la cause votre équipe. À Los Angeles, on lui a donné un rôle qui lui convenait et il a retrouvé le plaisir de jouer. »

Un ami, une source de motivation

Jouer au hockey, c’est la seule chose à laquelle pensaient Brad Richards et Vincent Lecavalier quand ils se sont enrôlés avec les Hounds du Collège Notre Dame. À l’âge de 14 ans, le Montréalais et le petit gars de l’Île-du-Prince-Édouard ont été les seuls étudiants de neuvième année à se tailler une place au sein de l’équipe bantam AAA de la célèbre institution.

Vincent Lecavalier et Brad Richards« On était les deux plus jeunes de l’équipe, on était loin de chez nous et on occupait la même chambre de pension, alors naturellement, on est devenu très proche. À partir de ce moment, on était toujours ensemble. Dit de cette façon, ça ressemble plus à une histoire d’amour qu'à de l’amitié! », se remémore Richards en riant.     

Lecavalier a inscrit 80 points en 50 matchs à sa dernière année bantam et 102 points en seulement 22 matchs l’année suivante au niveau midget. Courtisé par quelques équipes de la LHJMQ, il s’est laissé convaincre d’abandonner le projet d’évoluer dans les rangs universitaires américains et une fois installé à Rimouski, il a tout mis en œuvre pour y attirer son vieil ami.

« J’avais vu l’année extraordinaire que Vincent avait eu à 16 ans et ça m’avait motivé à suivre ses traces. Je me disais que s’il avait été capable de connaître autant de succès, je pouvais en faire autant. Et évidemment, l’idée de jouer avec lui m’intéressait au plus haut point. »

« Ils étaient comme des frères, se souvient Doris Labonté, l’entraîneur-chef de l’Océanic de Rimouski à l’époque. Inséparables, même si des fois ils se chicanaient pour rien! Sur la glace, par exemple, ils étaient de vrais complices. Ils n’ont pas souvent joué ensemble à Tampa Bay, mais moi je les avais réunis dès le départ. Ils étaient beaux à voir. »

Le duo a de nouveau été séparé après une seule année à Rimouski. Tout premier choix au repêchage de la LNH en 1998, Lecavalier a fait le saut dans la LNH à 18 ans tandis que Richards, un choix de troisième ronde, a passé deux autres années dans la LHJMQ avant d’aller le rejoindre.

« À 18 ans, il était un bien meilleur joueur que moi, concède Richards. Mais encore une fois, ça a été une grande source de motivation pour moi de le voir réussir à Tampa dès le début, parce que ça m’a permis de croire que j’avais une chance de percer moi aussi dans la LNH. Avant ma dernière année junior, il m’a invité à passer l’été avec lui à Montréal. On s’entraînait chaque jour ensemble et le simple fait de le côtoyer m’a permis de comprendre ce que j’allais avoir besoin de faire pour atteindre mon but. Je l’ai finalement rejoint un an plus tard et ça a plutôt bien marché. »

Ensemble à la retraite?

Depuis que Lecavalier a délacé ses patins pour la dernière fois, le débat sur la place qui lui revient dans l’histoire du hockey a été lancé. Avec une récolte de 949 points en 1212 matchs dans la LNH agrémentée d’une conquête de la coupe Stanley et d’un trophée Maurice-Richard, plusieurs croient qu’il mérite sa place au Temple de la renommée.

Vincent Lecavalier, Brad Richards et Martin St-Louis« En tout cas, il aurait assurément mon vote, tranche Richards, qui a quant à lui accumulé 932 points en 1126 parties. Je ne sais pas trop quels sont les critères pour y être admis, mais pour tout ce qu’il a accompli en plus sur la scène internationale et pour le hockey dans la région de Tampa, je crois qu’il est un bon candidat. Il doit au moins être considéré. »

Le rêve, bien sûr, serait que les deux amis fassent leur entrée au Temple en même temps. Pour que ce scénario parfait se matérialise à leur première année d’admissibilité, par contre, il faudrait que Richards annonce lui aussi sa retraite cet été, un pas qu’il n’est pas encore prêt à franchir.

Mardi, après avoir complété une dernière ronde de golf dans la fraîcheur du Michigan, Richards s’affairait à diriger les déménageurs qu’il avait engagés pour vider la maison qu’il louait à Detroit et transporter ses affaires à New York, où il est établi avec sa petite famille.

« Je ne sais pas encore ce que je vais faire, avoue celui qui a inscrit 28 points en 68 matchs pour les Red Wings la saison dernière. Pour l’instant, je ne pense qu’à me reposer. Je viens de jouer pour trois équipes différentes en trois ans, j’ai participé à deux longues courses vers la Coupe. J’ai besoin de refaire le plein. Je verrai comment je me sens dans un mois. »

« La retraite? Disons que ça me trotte dans la tête plus que jamais dernièrement, précise Richards, qui célébrera son 36e anniversaire de naissance la semaine prochaine. J’ai commencé à y penser pour la première fois de ma carrière. J’en resterai là pour l’instant. »