Si Guy Boucher est aussi bon à relancer l’attaque massive et à trouver une façon de maximiser la qualité du jeu défensif d’Erik Karlsson sans rien ne lui enlever de son mordant offensif qu’il ne l’a été à faire bonne première impression à titre d’entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa, les Sens seront de retour en séries l’an prochain. Ils seront même à prendre très au sérieux pour y franchir quelques rondes.

Guy Boucher a fait un tabac dès son premier point de presse. C’était prévisible.

Car même lorsqu’il était dans les rangs juniors, Boucher était un monstre de confiance. Et j’écris le mot monstre d’une façon tout à faire positive. Boucher respire la confiance. Et c’est une grande qualité pour faire sa marque dans le hockey professionnel. Encore davantage une fois dans la Ligue nationale.

Il a confiance en lui. Il a confiance en ses stratégies. Il a confiance en ses facultés d’aller s’installer dans la tête de ses joueurs pour les comprendre d’abord avant de leur faire comprendre ensuite ce qu’ils doivent faire pour être des meilleurs joueurs et les moyens à prendre pour y arriver.

Est-ce que Guy Boucher était le meilleur candidat pour le poste d’entraîneur-chef à Ottawa?

Je ne sais pas.

La sélection de Bob Hartley aurait été solide. Congédié mardi dernier par les Flames de Calgary, Hartley aurait amené discipline et crédibilité au sein des Sénateurs. Il aurait pu fouetter une équipe qui en a grand besoin et obtenir de très bons résultats. Je n’en doute pas une seconde. Et comme, en prime, il est natif de la grande région d’Ottawa et qu’il peut parler aux partisans des Sénateurs dans leur langue peu importe qu’ils soient de la rive québécoise ou ontarienne de la rivière des Outaouais, sa candidature était des plus solides.

Plus encore à mes yeux que celle de Bruce Boudreau qui a été congédié d’Anaheim et qui est maintenant avec le Wild du Minnesota.

Selon ce qu’on entend à droite et à gauche, les Sénateurs n’avaient pas les moyens financiers d’embaucher Boudreau ou Hartley.

Directeur général des Sénateurs, Pierre Dorion a nié ces affirmations assurant que son propriétaire (Eugene Melnyk) était à prêt à payer le prix nécessaire pour attirer un Joel Quenneville ou un Mike Babcock à Ottawa.

« Guy Boucher est mon choix. Il a toujours été mon premier choix », a assuré Pierre Dorion à la fin de la présentation du 11e entraîneur-chef de l’histoire des Sénateurs si on ajoute le nom de Roger Neilson qui a dirigé une partie lors du règne de Jacques Martin afin d’atteindre le plateau des 1 000 matchs dirigés dans la LNH.

Je ne doute pas une seconde que Guy Boucher était le premier choix sur la liste de Pierre Dorion. Comme je ne crois pas une seconde que Bruce Boudreau – bien conseillé qu’il était par son ancien adjoint à Anaheim Paul MacLean qui a été congédié il y a deux ans – aurait vraiment choisi Ottawa avant le Minnesota sachant la situation économique un peu précaire du club.

Et c’est tant mieux.

Car au-delà les qualités indéniables de Bruce Boudreau, il n’a jamais été en mesure d’amener les bonnes équipes à sa disposition aux grands honneurs. Que ce soit à Washington avec les Capitals ou à Anaheim avec les Ducks, les épopées de Boudreau en série ont été de retentissants échecs ou non de brillants succès.

À ce chapitre, Boucher et Hartley devaient le devancer dans le processus. Surtout qu’ils sont tous deux bilingues et que cette réalité a trop souvent été bafouée par les Sénateurs depuis leur arrivée dans la LNH en 1992.

Boucher est-il meilleur que Hartley? Certains diront oui. D’autres non. Impossible pour moi de vous indiquer qui entre les deux groupes a le plus raison.

Ce que je sais toutefois, c’est qu’en préférant Guy Boucher, la direction des Sénateurs a pris la décision la moins évidente. En misant sur Boucher, elle a misé sur le candidat le plus jeune, le plus avant-gardiste, mais aussi, peut-être un peu, le plus controversé.

Parce que Boucher, Hartley et tous les autres entraîneurs-chefs de la LNH sont évalués en fonction des résultats qu’ils obtiennent, la qualité de l’embauche de Guy Boucher sera directement proportionnelle aux performances de l’équipe sur la patinoire.

C’est parfois injuste, souvent même. Mais c’est comme ça!

Respire la confiance

La confiance de Guy Boucher en Guy Boucher est sans l’ombre d’un doute, sa plus grande qualité. Mais parfois, cette confiance peut avoir des effets pervers. On l’a vu en 2013 lorsqu’il s’est fait congédier dès sa troisième saison (fiche de 13-17-1 après 31 parties) à la barre du Lightning de Tampa Bay.

D’entraîneur-chef brillant, allumé, fin stratège et fin psychologue qu’il était au cours de sa première campagne en 2010-2011 – une saison qui s’est prolongée jusqu’à six minutes d’une présence en finale de la coupe Stanley, le Lightning ayant perdu la septième et décisive partie de la finale de l’Est 1-0 aux mains des Bruins de Boston qui sont ensuite allés battre les Canucks de Vancouver en finale de la coupe Stanley – Boucher était soudainement devenu un jeune coach un brin ou deux arrogant et surévalué aux yeux de plusieurs hommes de hockey autour de la LNH. Et de quelques joueurs sondés au sein du vestiaire du Lightning.

D’où le fait que son purgatoire en attente d’une deuxième chance dans la LNH se soit prolongé bien plus longtemps que ses ardents supporteurs l’anticipaient. Voire l’espéraient.

C’est là où l’expérience acquise au cours des dernières années servira la cause de Guy Boucher et des Sénateurs d’Ottawa.

Je n’ai aucune raison de croire que Boucher ait moins confiance en lui, en ses moyens et en ses stratégies qu’à ses débuts dans la LNH. Je suis même convaincu qu’il est plus confiant encore.

Grand bien lui fasse. Surtout si, à cette confiance, Boucher a su greffer l’expérience nécessaire pour savoir l’utiliser à bon escient. À l’utiliser avec le doigté nécessaire pour obtenir des résultats au lieu de la brandir comme un étendard au risque de rebuter certains de ses joueurs, parfois les plus importants et les plus influents, au risque de voir son message être simplement entendu à défaut d’être écouté.

Le Guy Boucher qui a convaincu la direction des Sénateurs d’Ottawa de lui offrir une deuxième chance, celui qui s’est présenté devant les journalistes lundi semble vraiment avoir appris du passé.

C’est du moins ce que les mots qu’il a utilisés avec justesse et confiance laissant entendre. Il lui restera à obtenir le même succès avec les joueurs qu’il rencontrera au cours des mois d’été pour ensuite traduire ces résultats en points au classement la saison prochaine, en qualification aux séries et en victoires une fois la grosse saison arrivée.

Le premier geste posé par le nouvel entraîneur-chef des Sénateurs a justement été un geste de confiance.

Pendant qu’il broyait du noir après son congédiement à Tampa, mais surtout qu’il étoffait son plan pour revenir vers la Ligue nationale, Guy Boucher s’est convaincu de l’importance d’avoir un adjoint fort sur qui s’appuyer. Un adjoint qui a déjà dirigé dans la Ligue nationale. Il a choisi Marc Crawford qu’il a connu et sans doute un brin ou deux côtoyé dans la Ligue Élite Suisse où les deux « coachs » s’affrontaient en espérant que leurs succès respectifs les propulseraient à nouveau vers la LNH.

En Crawford, Guy Boucher a embauché un adjoint qui reluquait le même job d’entraîneur-chef des Sénateurs. Un job pour lequel il a d’ailleurs pu militer lors d’une rencontre avec l’état-major des Sens. Il est clair que dès que les choses iront moins bien que prévu, que des spéculations lanceront l’idée que Crawford puisse remplacer Boucher.

L’entraîneur-chef québécois le sait très bien. Ça ne l’a pas empêché de prendre cette décision qu’il a mûrie au cours des dernières années. Une décision qui témoigne non seulement de la confiance qu’il affiche en Crawford, mais de sa propre confiance en soi. Car il faut être fort pour ne pas craindre de s’entourer qui le sont autant que soi.

Qui complétera cet heureux trio?

On verra. Mais si Boucher décide de ramener son complice de toujours – et stratège derrière le stratège – Martin Raymond, personne ne pourra lui en vouloir.

Oui! Benoit Groulx, actuel entraîneur-chef des Olympiques de Gatineau, serait un candidat logique. Mais bien honnêtement, je crois que Benoit Groulx a le potentiel pour être un jour en chef dans la LNH. Si j’étais les Sénateurs, c’est à Binghamton, à la tête de mon club-école, que je placerais Benoit Groulx.

Ce n’est toutefois pas moi qui mène... 

Un bon club capable d’être bien meilleur

Guy Boucher hérite aujourd’hui d’un très beau défi.

Car à l’aube de sa deuxième chance dans la LNH, la haute direction des Sénateurs lui confie un très bon club de hockey. Un club jeune, c’est vrai, mais un club rapide, talentueux, capable de marquer des buts. C’est aussi, et c’est là où ça se gâte, un club qui a sous performé trop souvent au cours des dernières saisons. Car quand on regarde les groupes d’attaquants et de défenseurs des Sénateurs il est clair que cette équipe en capable d’être bien meilleure qu’elle ne l’a été au fil des deux dernières années.

Elle doit l’être en fait. Et ce sera le mandat de Guy Boucher d’y arriver.

Gagner sans un gardien de premier plan dans la Ligue nationale d’aujourd’hui est toutefois devenu difficile. Périlleux même. Et à Ottawa, les Sénateurs sont tout sauf solides devant le filet.

Ne vous laissez pas berner par la frénésie du « Hamburgler » sur laquelle les Sens et leurs partisans ont surfé l’an dernier alors qu’un gardien inconnu de tout le monde a orchestré une des grandes remontées de l’histoire de l’équipe. De l’histoire de la LNH.

Au-delà cet exploit ô combien inattendu, Andrew Hammond demeure un gardien très ordinaire. Devant lui, Craig Anderson peut revendiquer le statut de bon vétéran. Mais s’il a parfois l’étoffe d’un solide numéro un, il n’affiche pas la constance nécessaire pour faire d’un bon club de hockey, une excellente formation.

C’est là où Guy Boucher devra le plus travailler.

Non! Il ne devra pas se transformer en entraîneur des gardiens. Mais il devra trouver une façon d’aider cette équipe à mieux aider ses gardiens. Tout en continuant à marquer des buts comme elle le fait. Ou comme elle devrait le faire, car l’attaque massive des Sénateurs a été bien timide l’an dernier.

Avec une efficacité de 15,8%, l’attaque massive des Sénateurs a terminé au 26e rang de la LNH. Un rang derrière le Canadien qui a lui-même été très mauvais. Ça vous donne une idée!

Bonne nouvelle pour les Sénateurs et leurs partisans : Guy Boucher est un crac de l’attaque massive. Il est aussi un adepte de l’attaque tout court.

En entrevue avec mon collègue Luc Gélinas après l’annonce officielle, Guy Boucher a dit que s’il avait l’intention d’établir de meilleures structures défensives, il avait encore plus l’intention de maximiser les forces des Sénateurs. Les forces offensives on s’entend.

Ça pourrait donner du très beau hockey. Mais pour gagner sur une base plus régulière, accéder aux séries et gagner les rivalités qui les opposent à Toronto et Montréal, les Sénateurs devront aussi donner du bon hockey.

Ils ont maintenant un bon coach pour y arriver.

Est-ce que c’est « LE » bon coach? Pierre Dorion et Guy Boucher semblent convaincus que oui. À eux maintenant de convaincre les joueurs. De nous convaincre tous.