En accédant, pour la première fois, à son bureau d’entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa, Guy Boucher a été frappé par les émotions. Bien sûr, ce moment sera toujours spécial pour un nouvel entraîneur, mais la sensation était plus puissante, car il avait l’impression de remonter dans le temps et de voir le regretté Pat Quinn assis dans cette chaise.

En décembre 2008 et janvier 2009, Quinn et ses adjoints d’Équipe Canada Junior – dont Boucher – avaient établi leurs quartiers généraux dans les bureaux des Sénateurs et c’est là qu’ils ont orchestré le plan les menant à la médaille d’or.

Boucher se revoyait donc, il y a plus de sept ans, assis dans ce bureau en train de converser de hockey, mais aussi de tout et de rien, avec Quinn, un entraîneur marquant dans son parcours.   

« Je ne veux pas dire que c’est le retour des choses, mais c’est très symbolique de revenir ici », a confié Boucher dans une entrevue au collègue Martin Lemay avec lequel il agissait comme collaborateur à l’émission 30 minutes Chrono cette saison.

« C’est spécial, j’ai dirigé Équipe Canada dans les mêmes locaux. Je revoyais Pat dans ma chaise alors qu’on essayait de gagner le tournoi. Il a été très important dans ma carrière et ma vie. Ça fait drôle de s’imaginer la scène », a poursuivi l’homme de 44 ans.

Ces souvenirs serviront peut-être d’inspiration à Boucher qui passera beaucoup d’heures à cet endroit – et un peu partout où il ira – dans les prochains jours à bâtir son plan pour relancer les Sénateurs.

Évidemment, Marc Crawford, son entraîneur associé, sera partie prenante de ces discussions. Boucher a expliqué à Lemay, plus en détail, comment l’association inattendue s’était produite entre eux.

« On s’était parlé il y a deux ou trois ans en personne. Il m’avait dit qu’il ne ressentait plus nécessairement le besoin d’être entraîneur-chef, un peu comme Rick Bowness avec le Lightning. Sur le coup, je n’avais pas tant enregistré, mais je lui ai reposé la question plus tard et il m’a confirmé que j’avais bien compris. On en a reparlé quelques fois et on avait un désir commun de travailler ensemble », a présenté Boucher.

« Je suis très chanceux, je ne pensais pas qu’il serait disponible. Je me suis dépêché à lui offrir le poste. Ça faisait seulement une heure que mon contrat était accepté et je parlais déjà avec lui », a-t-il ajouté.

Le duo Boucher-Crawford a soulevé quelques doutes. Certains amateurs considèrent que Boucher s’est placé dans une position délicate avec un adjoint de sa trempe alors que d’autres vont jusqu’à dire qu’ils représentent deux entraîneurs colériques ce qui mènera à un fiasco.   

En se faisant décrire le tout, Boucher a souri avant de se défendre de cette façon.

« Il y en a qui ont demandé comment ça se passerait avec un propriétaire (expressif) comme le nôtre, un directeur général émotif, un entraîneur semblable et un adjoint du même style. C’est simple, ça va se répercuter sur l’équipe qui sera passionnée et motivée », a réagi Boucher qui se décrit plus avec ces deux mots.

Crawford s’occupera de Karlsson et Phaneuf

« Crawford va tenir tête à Phaneuf et Karlsson »

Boucher et Crawford réfléchissent présentement à la composition de leur personnel de soutien et la vision semble claire.

« On cherche un entraîneur des gardiens et je peux dire que le tiroir est plein de CV, je dois éplucher ça. Ça prendra aussi un entraîneur qui regardera les matchs de plus haut. Il fera beaucoup de travail pour aider Marc et moi dans plusieurs facettes. Ce sera un gars de missions, je vais lui confier des tâches comme trouver pourquoi les meilleurs jeux de puissance de la LNH fonctionnent ou une analyse de statistiques avancées sur certains joueurs. L’autre entraîneur sera affecté aux attaquants et ce sera quelqu’un avec de l’expérience dans la LNH. Je veux passer plus de temps avec les joueurs et mon personnel. Avec l’expérience, j’essaie de mieux déléguer et répartir mon temps vers mes forces », a détaillé le Québécois qui est rentré de Suisse.  

C’est donc dire que Crawford supervisera les défenseurs et ce choix est très réfléchi.

« Avec des athlètes comme (Dion) Phaneuf et (Erik) Karlsson, ça prend quelqu’un de solide pour les écouter, les accompagner et leur tenir tête quand c’est nécessaire. Ce ne sont pas des gars à problème, mais ça prend de l’expérience et de la poigne », a-t-il admis. « Comme avec Babcock à Toronto, Phaneuf est habitué à de la qualité, alors c'est impensabe d'embaucher un entraîneur sans expérience. Marc sera en mesure de gérer tout cela. »

Karlsson et Phaneuf sont d’ailleurs au cœur d’une brigade défensive qui pourra redorer son blason selon Boucher.

« On a un vrai top-4 »

« De prime abord, quand je regarde l’équipe, j’aime la défense, c’est un vrai top-4 à mes yeux avec Karlsson, (Marc) Methot, Phaneuf et (Cody) Ceci », a argué Boucher en vantant le développement de Ceci et leadership recherché de Phaneuf.

D'ailleurs, l’importance des meneurs dans un groupe revient sans cesse dans le discours de Boucher. Il s’inspire même du milieu des affaires pour expliquer sa recette.

« Ça va aider le leadership de pouvoir compter sur (Clarke) MacArthur et Phaneuf pour toute la saison. Quand une équipe s’effondre complètement, ne cherchez pas, c’est le leadership qui est en cause. [...] Quand tu lis sur le succès de Microsoft, ils n’ont pas recruté les meilleurs techniciens au début, ils ont acquis les meilleurs leaders qui ont fini par bien s’entourer », a comparé celui qui a dirigé le Lightning pendant près de deux saisons et demie.  

Tout un cadeau pour la Fête des mères

Même si Boucher vante sa brigade défensive, il sait mieux que quiconque que les Sens ont conclu la saison 2015-2016 au 28e rang pour les buts alloués. Il travaillera donc à resserrer la défense ce qui aidera, selon lui, grandement le travail de son gardien numéro un, Craig Anderson.

« Il a été bombardé toute l’année de lancers très dangereux. L’équipe se situait parmi les pires à ce chapitre et on va s’arranger pour améliorer ça. Avec un taux d’efficacité de ,915, je considère que c’est un vrai numéro un et ce résultat va monter. »

Par rapport aux munitions offensives, il se réjouit de la vitesse de ses troupes. Il se frottera encore plus les mains quand il pense au peaufinage possible sur les unités spéciales qui ne peuvent que s’améliorer après une 26e place pour la supériorité numérique et le 29e rang en infériorité numérique.  

Sans surprise, Boucher va se garder une petite gêne en ce qui concerne les joueurs à cibler pour améliorer le portrait de la formation. Même si les prochains jours continueront d’être très occupés à l’approche du repêchage, l’entraîneur trouvera du temps pour exprimer ses besoins à son patron, Pierre Dorion.

Ce dernier ne se sentira pas brusqué puisqu’il ressent la même urgence de gagner.

« Des plans à long terme, ça ne fonctionne jamais »

« Quand je lui ai demandé de décrire son plan, il m’a dit qu’il abordait les choses une année à la fois. C’est exactement ma façon de faire parce que ça ne se rend pas souvent à trois ou quatre ans. Il survient trop de changements importants pour se fier à une telle approche. Quand tu penses toujours à connaître la meilleure année, tu peux implanter une culture de mérite et c’est ce que je fais avec mes équipes », a relaté Boucher.  

Le courant qui s’est établi naturellement entre Dorion et Boucher a permis à ce dernier de rentrer au pays. Comme la vie fait bien les choses, il a été embauché durant le week-end de la Fête des mères et il a pu réserver tout un cadeau à la sienne.

« Tu n’as aucune idée comment je suis content de revenir. Quand j’ai vu ma mère, mon cadeau était mon retour, elle ne le savait pas, je lui avais gardé le secret. Je peux te dire que c’était très émotif comme moment. Ça se comprend, ma mère et celle de ma femme n’ont pas beaucoup vu leurs petits-enfants et leurs enfants dans les dernières années », a conclu Boucher à Lemay.

« Un cadeau pour ma mère »