Un brin endormis à l’aube des séries au fil des dernières années, des fois deux, les Sharks de San Jose se sont bâti une réputation de perdants. Pis encore, une réputation de clubs composés de joueurs surévalués qui, une fois le printemps arrivé, étaient plus préoccupés par les vacances que par la conquête d’une coupe Stanley.

Lorsqu’ils ont raté les séries l’an dernier, après deux changements de capitaine, après des guerres de mots très publiques entre le directeur général Doug Wilson et son ancien capitaine, mais toujours grand leader Joe Thornton, on a cru ces géants de la LNH endormis pour de bon. On a cru qu’ils ne se réveilleraient jamais. Du moins pas avant que des changements profonds soient apportés tout en haut de la direction ou tout en bas dans le vestiaire de cette équipe moribonde.

Un an plus tard, le géant est bien réveillé. Je devrais plutôt écrire que les géants sont bien réveillés. Car s’il est vrai que les Sharks en tant que formation peuvent être considérés comme des géants, on peut en dire autant de Joe Thornton et de Patrick Marleau qui, comme l’équipe dont ils défendent les couleurs depuis toujours dans le cas de Marleau – il est avec l’équipe depuis son repêchage à titre de 2e sélection de la cuvée 1997 – et depuis très longtemps dans le cas Thornton, qui a rejoint Marleau à San Jose en 2005-2006 après quelques saisons avec les Bruins qui l’ont repêché tout juste devant son coéquipier, ont bien des insuccès en séries à se faire pardonner. Des réputations de perdants une fois les séries arrivées à effacer.

En passant, c’est à Pittsburgh en 1997 que Thornton et Marleau ont été repêchés. Un détail insignifiant à l’aube de la grande finale qui se mettra en branle ce soir dans la ville de l’acier, mais parfois des détails de ce genre suscitent de petits riens qui entraînent de plus grosses conséquences.

On verra!

S’il est clair que cette finale en sera une de rédemption pour Thornton et Marleau, il serait bête de croire qu’ils sont les seuls à être animés du désir de victoire au sein de leur vestiaire. Aussi bons soient-ils, et ils le sont toujours aujourd’hui malgré leurs 36 ans, Marleau et Thornton sont de gros éléments au sein d’une plus grosse équipe encore.

De toutes les défaites que le Canadien a encaissées la saison dernière – et il en a encaissé une tonne – c’est à San Jose que le Tricolore s’est le plus fait ramasser. Le fait que ce duel ô combien inégal tombait une fois encore quelques heures après la fin de la période des transactions n’a certainement pas aidé la cause du Canadien. Je veux bien. Mais rarement avant, et rarement après, a-t-on vu Michel Therrien et son équipe être sortis de la patinoire de la sorte. Même un Carey Price en pleine possession de ses moyens n’aurait rien changé à l’issue du match. Au mieux, il aurait adouci le carnage.

Après cette dégelée infligée au Canadien, j’ai suivi de plus près les Sharks. Je voulais les laisser me convaincre que cette année était la bonne. Qu’après m’être fait prendre en leur concédant la coupe Stanley dès octobre – ce qui est rendu vraiment périlleux à faire dans la LNH d’aujourd’hui – à plusieurs reprises avant de répéter la même erreur avec les Blues de St.Louis dans un passé plus récent, il serait sage de les considérer comme des candidats logiques pour se rendre jusqu’au bout. Autant que les Kings de Los Angeles, que les Blackhawks de Chicago et que les Capitals de Washington, pour ne nommer que ceux-là.

Ils ont tenu parole.

La plus grosse victoire des Sharks jusqu’ici ce printemps a été de sortir les Kings de Los Angeles en première ronde. Ces Kings qui, il y deux ans, ont accentué la réputation de perdants des Sharks en comblant un recul de 0-3 pour éliminer San Jose et filer jusqu’à la coupe Stanley. Un affront réalisé quatre fois seulement dans l’histoire de la grande Ligue.

Une fois les Kings battus, les Sharks ont pris confiance. Ils ont compris qu’en jouant comme ils en sont capables, ils seraient en mesure de se rendre jusqu’au bout.

Les voilà contre les Penguins.

De Sidney Crosby au gardien recrue Matt Murray en passant par Kristopher Letang et Evgeni Malkin, les Penguins forment une brillante équipe. Un club qui a aussi profité de l’éveil offensif tardif, mais éveil quand même, de Phil Kessel depuis qu’il évolue au sein d’un troisième trio.

Les Penguins sont forts. C’est indéniable. Ils se sont compliqué la vie contre Tampa Bay alors qu’ils ont dû remporter les deux derniers matchs pour se sauver avec la victoire dans le cadre d’une série que j’envisageais bien plus facile. Du moins plus facile que celle qui les opposait aux Caps en deuxième ronde.

Cette difficulté accrue en deuxième ronde les aidera sans doute maintenant qu’ils sont en grande finale. Car contre un adversaire qui se semble plus fort, plus lourd, un brin meilleur, les Penguins auront besoin de renforcement pour garder bien éveillée leur confiance.

Je crois les Sharks trop forts pour les Penguins. Et c’est la raison pour laquelle je les favorise pour soulever la première coupe de leur histoire.

Mais attention, si les deux jeunes gardiens partants se blessent durant la série ou simplement s’ils flanchent en raison de la pression, les Penguins seront alors nettement favorisés. Avec un Marc-André Fleury qui a déjà gagné la coupe et qui sait qu’il doit ou devra regagner son titre de numéro un devant la cage des Penguins pour prolonger sa carrière à Pittsburgh, la bande de Sidney Crosby sera bien mieux protégée par Fleury que les Sharks le seront si James Reimer doit venir en relève à Martin Jones.

Prédiction : San Jose en 6