DALLAS - Malgré les 318 buts et 870 points à son actif à l’aube de son 932e match en carrière dans la LNH, Jason Spezza évoluera au sein d’un troisième trio ce soir alors que les Stars recevront le Canadien au American Airlines Center.

 

Non seulement est-il confiné au sein d’un troisième trio, mais c’est sur le flanc droit et non au centre qu’il patine en compagnie du franco-ontarien Remi Elie et et de Gemel Smith qui remplace un Martin Hanzal blessé à une main au centre de cette unité dont le principal mandat est de museler les meilleurs attaquants des équipes adverses.

 

Est-ce que la mâchoire de Spezza craque au point de le faire souffrir lorsqu’il se décrit comme un ailier et un « checker » après avoir occupé une place de choix parmi les bons centres offensifs de la LNH au fil de sa carrière de 15 ans dans la LNH?

 

« Je commence à m’habituer », répond Spezza avec un sourire agacé.

 

Malgré ce changement d’affectation complet, Spezza assure vouloir tirer le meilleur de la situation.

 

Et bien que plusieurs équipes en mal de production offensive et/ou qui sont aux prises avec une ligne de centre qui manque de mordant – si vous croyez que je parle ici du Canadien, vous avez entièrement raison – devraient s’intéresser aux services du vétéran âgé de 34 ans, Spezza assure n’avoir aucune intention de réclamer une transaction qui lui permettrait de renouer avec le rôle plus offensif qu’il a toujours rempli dans la LNH.

 

« Je suis convaincu que je peux encore contribuer au sein d’un trio offensif. Mais l’équipe m’a donné un mandat que je m’efforce de remplir. Le succès du club passe avant mes goûts personnels. Nous avons un bon club ici. On peut se rendre loin. Ma famille et moi – Spezza et son épouse ont quatre filles qui grandissent – aimons beaucoup la vie à Dallas. Ce n’est pas évident de jouer à l’aile et de me concentrer sur la défense. Mais je travaille très fort pour y arriver », a indiqué le premier choix des Sénateurs d’Ottawa – 2e sélection du repêchage de 2001, sélection acquise, en plus de Zdeno Chara, des Islanders de New York en retour d’Alexei Yashin – qui revendique deux buts et  huit points en 20 matchs cette année.

 

L’importance des mises en jeu

 

S’il évolue surtout à l’aile depuis le début de la saison, Jason Spezza dispute encore les mises en jeu importantes en zone défensive ou offensive.

 

« Je demeure un centre après tout. Et j’ai toujours pris très au sérieux cet aspect du jeu. J’aime bien mieux commencer une présence en possession de la rondelle que de me mettre à patiner pour la voler. J’ai beau être au sein du troisième trio, je suis encore bien meilleur avec la rondelle que sans la rondelle », a répondu Spezza.

 

S’il affiche cette année une efficacité de 53,29 % – une moyenne qui reflète son efficacité en carrière dans la LNH – Jason Spezza admet qu’il a dû travailler très fort pour s’améliorer.

 

« On laisse Drouin au centre, y'a pas d'autre choix »

« Des gars comme Jonathan Toews ou Bergie (Patrice Bergeron) qui sont très forts dès leur arrivée dans la LNH sont des exceptions. Sidney Crosby était très ordinaire quand il est arrivé dans la Ligue. Il est aujourd’hui un des meilleurs. McDavid (Connor) en arrache en ce moment, mais il sera très bon jour. Tu dois apprendre. Ça prend du temps. J’ai eu besoin de quatre saisons avant de vraiment m’affirmer. Tout a tourné à ma quatrième saison lorsque je suis retourné dans les mineures (2004-2005) en raison du lock-out. Cette année-là, je disputais pratiquement toutes les mises en jeu pendant les matchs. J’ai beaucoup appris et lorsque je suis revenu à Ottawa la saison suivante, j’étais en mesure d’affronter les meilleurs », se rappelle Jason Spezza.

 

Fort de cette expérience, Spezza assure que les partisans du Canadien auraient tout intérêt à être patients avec Jonathan Drouin qui, à sa première expérience dans la LNH au centre, connaît sa part de difficultés aux cercles des mises en jeu.

 

« Donnez-lui le temps d’apprendre! Drouin est un très bon joueur de hockey. Ça saute aux yeux sur la glace. Mais les mises en jeu, c’est une bibitte difficile à dompter. Mais ça viendra. Et plus il s’améliorera plus il obtiendra du temps de glace de qualité parce que le coach voudra l’avoir sur la glace au lieu de craindre que l’autre équipe commence avec la rondelle. Quand j’étais jeune, je voulais le plus de glace possible. En travaillant les mises en jeu, je me suis assuré d’en obtenir en masse. Je suis convaincu qu’il en veut lui aussi. Il prendra les moyens pour y arriver », analysait le vétéran de 34 ans.

 

Mis au courant des propos de Jason Spezza à son endroit, Jonathan Drouin lui a donné raison. « C’est bien évident que je veux jouer le plus possible et qu’une amélioration de mon efficacité sur les mises en jeu m’aidera à commencer plus de présences sur la patinoire. »

 

Drouin travaille d’ailleurs très fort pour améliorer de quelques unités de pourcentage son efficacité qui s’élève à 41,37 % cette saison. Une efficacité insuffisante pour un centre numéro un, on en conviendra tous.

 

« Je passe beaucoup de temps devant le vidéo pour analyser le travail des centres des équipes qu’on va croiser lors du prochain match. J’essaie de dénicher leurs habitudes et de comprendre les trucs qui les aident. Pleky (Tomas Plekanec) m’aide aussi beaucoup. Il a cinq ou six façons différentes d’aborder les mises en jeu selon les adversaires et les situations. Il me transmet ses connaissances. Je travaille fort pour m’améliorer et j’espère que ça viendra rapidement », a ajouté Drouin.

 

Si cette lacune de son premier joueur de centre oblige Claude Julien à lui préférer Plekanec et Phillip Danault lors des prolongations depuis le début de l’année, l’entraîneur-chef du Canadien a reconnu à Dallas, mardi, qu’il afficherait dorénavant plus de patience à l’endroit de Drouin.

 

« Il faut lui donner des occasions de s’améliorer. Pour ça, il doit disputer des mises en jeu. On va donc lui donner la chance d’y aller plus souvent. »

 

Centre : une position en mutation

 

Même s’il a été muté à l’aile droite et que son rôle est maintenant plus défensif qu’à ses belles années avec les Sénateurs d’Ottawa, Jason Spezza se considère toujours comme un fabricant de jeu.

 

« J’ai toujours été un centre traditionnel. Un gars qui, comme Jumbo (Joe Thornton) à San Jose ou Nicklas Backstrom à Washington, est bien plus un passeur qu’un tireur. Mais cette tradition est en pleine mutation », a convenu Spezza croisé dans le vestiaire des Stars après l’entraînement optionnel de son équipe.

 

« Radulov est plus un fabricant de jeu alors que Tyler Seguin qui est plus un tireur au sein de notre premier trio. C’est comme ça dans plusieurs équipes. La position a évolué parce que les jeunes qui arrivent dans la LNH sont plus complets que nous l’étions plus jeunes. À mes yeux, ce ne sont plus les positions qui sont importantes au sein des trios, mais la complicité entre les joueurs. Une fois la mise en jeu gagnée ou perdue, l’important est de bien nous compléter sur la patinoire. De comprendre le système et de le respecter collectivement, pas simplement en nous en tenant à notre rôle. J’apprends de plus en plus à jouer à l’aile. Je considère jouer de mieux en mieux et j’espère que je continuerai de m’améliorer. Mais je ne peux mettre de côté de ce que je faisais de bien comme centre avant non plus.

 

« Quand je regarde notre club, je relève la présence de plusieurs très bons joueurs. Nous avons beaucoup de talent au sein du vestiaire. Nous n’avons pas encore su maximiser ce talent parce que nous avons passé les 20 premiers matchs à nous connaître à nous comprendre. Je m’attends à de bien meilleurs résultats, collectifs comme personnels, au cours du reste de la saison », a conclu Jason Spezza qui revendique 31 buts et 68 points en 60 matchs disputés en carrière contre Montréal.