Lundi dernier, le vétéran de 31 ans Maxime Talbot a reçu une gifle en plein visage quand les Bruins ont tenté de l’envoyer sous d’autres cieux en le soumettant au ballottage. Pire encore, aucune formation ne l’a réclamé. Toujours à Boston mais confiné au rôle de treizième attaquant, ce soir, pour le premier match de la saison, le hockeyeur québécois va regarder ses coéquipiers se démener sur la glace face aux Jets en rongeant son frein.

Placés dans une situation semblable, plusieurs athlètes préfèrent prendre la direction des douches pour éviter les journalistes après l’entraînement. Pour d’autres, c’est une rencontre avec le thérapeute de l’équipe qui sert d’excuse pour esquiver les questions. Talbot, lui, nous a accueilli avec le même sourire qu’à l’habitude.

« Ce n’est pas le fun, avoue-t-il toutefois avec honnêteté. J’aimerais jouer ce soir et être là avec mes coéquipiers pour faire la différence. Tout le monde me connaît comme un gars qui voit toujours le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide. Ça serait facile de marcher la tête entre les jambes et de chercher le réconfort dans la pitié mais je ne suis pas un gars comme ça. Je suis un gars qui garde la tête haute et je vais continuer d’avoir une bonne attitude avec mes coéquipiers. »

Pour avoir côtoyé régulièrement Talbot depuis son entrée dans le circuit, il y a dix ans, il faut le croire sur parole lorsqu’il mentionne que ce dur coup n’affecte pas tellement son moral. D’ailleurs, la chose qui l’irrite le plus, c’est de voir qu’on risque de s’en faire pour lui.

« J’ai reçu des messages texte de mes amis qui me demandaient si j’étais correct, explique-t-il en riant. Je ne trippe pas du tout quand je vois ça. Il y a tellement de choses pires que ça dans la vie. J’ai une super femme, un enfant en santé et un autre qui va arriver bientôt (sa compagne Cynthia Phaneuf est enceinte de sept mois). Il faut que tu sois capable de mettre les choses en perspective. »

Menés par leur nouveau directeur général Don Sweeney, cet été, les Bruins ont pris de curieuses décisions. On a beaucoup parlé des départs de Milan Lucic et de Dougie Hamilton, mais en fait, c’est presque le tiers de l’équipe qui est parti puisque sept joueurs ont changé d’adresse. Dans ce contexte, un guerrier comme Talbot, ancien gagnant de la Coupe Stanley au style combatif, devenait possiblement un atout important pour Claude Julien, en plus de cadrer parfaitement avec le style de jeu hargneux préconisé depuis des décennies dans Beantown. Finalement, les Bruins ont préféré tasser Talbot pour faire de la place aux jeunes.

ContentId(3.1152822):Déception et compréhension
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« Maintenant, avec les situations contractuelles, la mode est à la jeunesse et à la vitesse, analyse Talbot, sans la moindre amertume. Plusieurs équipes ont sacrifié des vétérans et c’est une réalité qu’il faut comprendre car ça fait partie de la vie des joueurs de hockey. Mais il faut relever le défi et essayer de reprendre sa place. J’ai la chance d’être encore avec l’équipe. J’ai parlé à Claude et il tient à me garder ici, avec l’équipe, pour ce que j’apporte dans le vestiaire. »

Si les Bruins ont placé le nom de Talbot au ballottage, c’est parce qu’on ne voulait pas lui faire l’affront de le garder à Boston dans un rôle de réserviste. Cette réalité maintenant acceptée, il ne suffit que d’une blessure, d'une suspension ou d'une vilaine performance d’un coéquipier pour qu’il réintègre sa place et se défonce pour la garder.

« Je ne vois pas ça comme une défaite ou comme si c’est fini pour moi. C’est certain que c’est une déception, mais en même temps, je pense que la vie ne nous envoie rien que nous ne sommes pas capable d’affronter. Il faut juste répondre aux challenges, philosophe-t-il avec sa bonne mine habituelle. Il y a encore beaucoup d’essence dans le réservoir! L’important, c’est de continuer de croire en ses moyens. Je sais que j’ai encore ma place dans cette ligue-là. »

Vieux réflexe, simple habitude ou politesse d’usage dans de telles circonstances, à la fin de l’entrevue, j’ai remercié Talbot en lui souhaitant « bon courage », ce qui n’était pas la meilleure des idées!

Maxime Talbot« Viens-tu de me souhaiter bon courage? Je viens juste de dire que ça m’énerve et que je ne veux pas qu’on me prenne en pitié. »

On éclate de rire pendant que mon caméraman Raphaël tente de demeurer stable malgré ses épaules qui sautillent! Le vestiaire allait fermer. En compagnie du collègue Jean-François Chaumond, nous avons poursuivi la conversation dans le corridor. Loin des regards des relationnistes qui se préoccupent plus de jouer à la mère que de faire leur vrai travail, nous avons continué de parler de sa carrière, des alternatives qui s’offrent à lui, de la vision du coach, de ce que ça implique pour sa famille, puis nous avons quitté le Garden.

En attendant notre véhicule Uber au coin de la rue pour se rendre à l’hôtel, un cycliste s’approche de Raphaël et moi en criant garde. C’est nul autre que Maxime Talbot qui arrive à vive allure en souriant à pleines dents. Ses coéquipiers se rendent à l’aréna en voiture de luxe, lui préfère pédaler. Une fois arrêté, il nous explique que quand il conduit, il se déplace avec une automobile électrique et la conversation reprend ensuite pour plusieurs minutes. Il fait beau à Boston aujourd’hui et c’est agréable de jaser et rire de bon cœur en se faisant chauffer par le soleil. Ce n’est pas de la frime, Maxime Talbot est heureux.

Et même si je sais que son bonheur sera parfait seulement lorsqu’il suera sur la patinoire dans un vrai match de la LNH, quand il a enfourché son vélo pour rentrer chez lui, cette fois, je ne lui ai pas souhaité bon courage!

« On est confiants »