MONTRÉAL – Jerry Trempe, c’était plus que le spécialiste des patins pour les grands noms du hockey. Il savait composer avec les « bibittes » de performance que sont les joueurs de la LNH.
 
Le 23 mai dernier, Trempe a tragiquement perdu la vie dans un accident de VTT près de son chalet situé dans les Hautes-Laurentides. Le décès de Trempe, à 59 ans, a profondément affecté l’entreprise Bauer pour laquelle il travaillait depuis 37 ans et où il a rencontré sa femme. Durant son parcours, il aura été d’un précieux support pour des athlètes tels Mario Lemieux, Peter Forsberg, Patrick Kane, Martin St-Louis, Jaromir Jagr, Mark Messier, Paul Kariya et Martin Brodeur.
 
Pascal Dupuis a côtoyé Trempe professionnellement pendant une vingtaine d’années et il est infiniment reconnaissant de son apport. En tant que marchand de vitesse pendant 15 ans dans le circuit Bettman, Dupuis peut, bien sûr, témoigner de l’importance de miser sur des patins adaptés aux besoins de chaque athlète.
 
« Étant un gars qui a eu quelques fractures aux pieds, avec les malléoles (les bosses interne et externe du pied) croches et les orteils croches aussi, Jerry était le gars qui s’assurait que les patins m’allaient bien », a raconté Dupuis qui avait été rapidement conquis par cette relation.
 
« Dès que je suis tombé des mains de Jerry, il m’a mis des patins Bauer dans les pieds et ç'a vraiment aidé mon jeu. Jerry, c’était tout un homme », a-t-il confié au RDS.ca.
 
Le qualificatif de « bibittes » vient d’ailleurs de Dupuis. L’ancien partenaire de trio de Sidney Crosby considère que Trempe se démarquait du lot par sa manière de bien comprendre l’univers du hockey professionnel.
 
« Ce qu’il lègue avant tout, c’est la connaissance qu’il avait et l'expérience de côtoyer des bibittes de performance comme nous. On veut la performance à tout prix. Ça vient avec changer des choses pour être confortable. Il avait la bonne façon de gérer les situations », a souligné Dupuis qui pouvait justement suivre le rythme de Crosby grâce à sa vitesse.
 
« Même que, quand tu traversais une léthargie, il avait toujours le bon petit mot pour t'aider ou l’idée pour modifier un petit élément sur ton bâton. Si tu avais besoin de quelque chose, tu appelais Jerry », a-t-il poursuivi.
 
Que ce soit par confort, superstition ou préférence, les athlètes s’accrochent à des détails par rapport à leur équipement. Dupuis possède une petite anecdote personnelle à ce sujet.
 
« Tu vas rire de ça, mais Jerry avait gardé des couvre-orteils en nylon. Maintenant, cette pièce (à l’avant du patin) est en plastique. Mais Jerry avait gardé des modèles de nylon de côté parce que je portais encore ça et c’était pour s’assurer que je n’en manque pas jusqu’à la fin de ma carrière. C’est ça, Jerry », a remercié celui qui a joué 871 parties régulières dans la LNH.
 
L’histoire relatée par Dupuis fait sourire Jean-François Corbeil qui a été un collègue de Trempe pendant 27 ans.
 
« Jerry avait ses petites cachettes pour supporter des demandes spéciales, confirme-t-il. Les joueurs ont des spécifications particulières et nos modèles changent chaque année. Certains joueurs sont plus conservateurs ou superstitieux, ils veulent garder les mêmes pièces, mais si la production a cessé. »
 
Le titre de Trempe, gestionnaire des produits Bauer fabriqués sur mesure pour les joueurs de la LNH, lui allait comme un gant.
 
« Personne n’a de baguette magique dans ce milieu. Ça ne fonctionne pas toujours du premier coup, mais il arrivait souvent à un joueur avec deux ou trois options à proposer, c’était grandement apprécié », a retenu Corbeil, directeur senior développement de produits avancés et innovation.
 
En raison de la nature de son métier, Trempe devait suivre ces innovations de près.  
 
« Dans les 20 dernières années, pour nos patins, on a changé de technologie, de méthode et de matériaux. Jerry devait trouver le moyen que ça ne limite pas ses options pour adapter les patins aux besoins des joueurs. Il a fallu qu’il trouve des solutions », a exposé Corbeil.  
 
« Son départ affecte encore toute notre gang, c’est une grosse perte pour nous », a mentionné Corbeil en pensant à son entourage et ses collègues.
 
Il offrait son expertise à des jeunes affectés par un handicap
 
À la lumière de sa grande contribution, ce n’était pas étonnant de voir un athlète comme Patrick Kane publier un message sur les réseaux sociaux pour offrir ses condoléances aux proches de Trempe.
 
Ce qui était moins connu dans par ses clients de la LNH, c’est que Trempe aimait également offrir son expertise à des jeunes affectés par un handicap.
 
« Il se dévouait beaucoup auprès des enfants pour les aider. Ce n’était pas rare que Jerry préparait un patin pour eux qu’il soit plus petit, plus grand, plus court ou tout simplement adapté. Il avait aussi à cœur les enfants qui voulaient jouer au hockey, ça paraissait », a noté Corbeil alors que Trempe laisse d’ailleurs ses deux petits-enfants adorés dans le deuil.
 
« C'est quelque chose que je ne savais pas. Mais ça ne me surprend pas de Jerry. Les gens comme lui font souvent ça dans l'ombre parce que ce sont tellement de bonnes personnes », a commenté Dupuis, père de quatre enfants.