Il y a des choses dans la vie que l’on remet tous trop facilement au lendemain. Pas souvent les grands projets mais surtout les petites tâches moins agréable ou parfois aussi des petites folies du quotidien.

Il y a une vingtaine d’années, j’ai eu le privilège de rencontrer quelqu’un qui a changé ma façon de voir la vie. Grâce à cette personne extraordinaire, j’ai découvert qu’on ne devrait pas toujours repousser aux calendes grecques ces petites folies du quotidien. Quand je voyageais avec cet ami, c’était plutôt rare qu’il n’avait pas planifié une activité divertissante au travers de nos journées sur la couverture du Canadien. Un match à Buffalo égalait une escale à Niagara Falls. Pour une partie à Philadelphie, on sautait dans le train pour aller souper et jouer dans les casinos à Atlantic City. Une rencontre à San Jose et on louait une voiture pour aller à San Francisco. Lors de chaque séjour à Dallas, on allait visiter le musée 6th floor qui remémore l’assassinat de John F. Kennedy…et la liste pourrait continuer.

Mais je ne sais pas pourquoi, depuis l’arrivée des Prédateurs dans la LNH en 1998, chaque fois qu’on venait à Nashville, il me répétait chaque fois la même chose. «L’an prochain, on va arriver une journée d’avance pis on va aller à Memphis. C’est juste trois heures de route et ça va valoir la peine. On va aller à Graceland.» Je ne sais pas pourquoi mais on a toujours remis ce projet. Certainement l’un des plus grands fans d’Elvis au Québec avec Luc Dionne et Réjean Tremblay, Paul Buisson avait visité la résidence du King plusieurs fois. C’était tellement un maniaque d’Elvis que lors de nos voyages, il apportait de vieux enregistrements de spectacles qui avaient eu lieu dans la ville où l’on se trouvait. Quand on allait à Long Island par exemple, après l’entraînement, il s’assoyait seul dans un coin pour écouter un show du King enregistré live au Nassau Coliseum. Il se fermait les yeux et faisait du « air drum » en fredonnant. Acheteur compulsif, il fallait toujours entrer dans toutes les boutiques de disques à travers l’Amérique au cas où il dénicherait un vieux microsillon qu’il ne possédait pas. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi passionné par Elvis…et curieusement, nous ne sommes jamais allés à Graceland qui est pourtant si près de Nashville

Mais c’est réglé maintenant. Très tôt jeudi matin, j’ai pris un vol pour Memphis en écoutant du Elvis dans le tapis. Je me suis loué une voiture et je me suis rendu à Graceland faire cet incontournable pèlerinage en souvenir de mon chum Paul. C’est une chose que j’aurais du faire bien avant. Une visite inoubliable. Trois heures de pur délice à découvrir ce lieu culte. Une résidence mythique qui est la deuxième maison la plus visité aux États-Unis…après la Maison Blanche à Washington.

J’ai pris mon temps. J’ai fait le tour au complet et c’était exactement comme Paul me l’avait raconté des centaines de fois : la jungle room, la salle de billard, la cuisine, le tombeau du King, sa collection de voitures et de moto, ses avions…tout était comme je l’avais imaginé en écoutant si souvent Paul en parler avant qu’il parte.

C’est évident que ma visite aurait été bien meilleure si Paul avait été là pour commenter tout ce qu’on voit à Graceland mais j’avais quand même l’impression qu’il n’était pas très loin, probablement occupé à jouer de la batterie sur Suspicious Minds avec le King. Et à la fin de la journée, en arrivant à Nashville, je dois vous avouer en toute sincérité que je me suis installé au bar country Tootsie avec mon caméraman Raphaël et on s’est enfilé deux petites Sam Adams en écoutant le band jouer. Deux petites froides à la mémoire du King…mon King, Paul Buisson.