BUFFALO – Pierre-Luc Dubois se présente comme un premier de classe, mais comme tous les élèves, il aime parfois jouer des tours des copains.

Quand on confie à Dubois qu’il a été démasqué, son visage s’illumine avec son sourire d’enfant. Il doit réfléchir quelques secondes avant de trouver un coup pendable qu’il peut raconter.

« Il n’y a pas si longtemps, avec l’aide d’un complice, j’ai collé des post-its partout sur l’auto d’un ami au gymnase. On a recouvert son auto au complet ! », a décrit Dubois, avec le rire d’un jeune homme encore fier de son coup.

On aurait voulu éviter de brûler nos sources, mais Marc-André Dumont, son entraîneur avec les Screaming Eagles du Cap-Breton, était heureux de parler de la personnalité de son protégé. Alexander Nylander, Pierre-Luc Dubois, Matthew Tkachuk et Auston Matthews

« C’est un jeune très vivant et affable, il aime jaser avec tout le monde. Il a toujours de l’énergie et il jouait des tours même à son année de 16 ans. Évidemment, il a essayé de le cacher, mais les plus vieux avaient lu à travers ses manigances », a déclaré Dumont sans craindre de se faire piéger.

Dubois navigue donc avec aisance dans ce climat indissociable du hockey et il est, selon toute vraisemblance, encore plus confortable sur la patinoire.

En effet, l’attaquant gaucher de 17 ans a connu une admirable progression durant ses deux saisons dans la LHJMQ si bien qu’il a été répertorié comme le premier espoir nord-américain selon la Centrale de recrutement de la LNH.

Après le trio de tête formé par Auston Matthews, Patrik Laine et Jesse Puljujarvi, les avis divergent pour le prochain attaquant entre Dubois, Matthew Tkachuk et Alexander Nylander.

Cela dit, tout indique qu’il deviendra seulement le septième Québécois à être repêché dans le top-5 depuis 20 ans. Il s’ajouterait à liste qui comporte Jonathan Drouin (3e en 2013), Jonathan Huberdeau (3e en 2011), Marc-André Fleury (1er en 2003), Vincent Lecavalier (1er en 1998), Roberto Luongo (4e en 1997) et Jean-Pierre Dumont (3e en 1996).

Sans surprise, Dubois est devenu la cible préférée de nombreux partisans du Canadien qui rêvent à une relance de l’attaque autour de lui. Son père, Éric, un entraîneur de longue date dans la LHJMQ, n’a pas caché ressentir une crainte à l’idée de voir son fils être choisi par le Tricolore en raison de l’ampleur médiatique même s’il le croit à la hauteur de la situation.

Aux yeux d’un recruteur d’une équipe de l’Association Ouest de la LNH, il ne fait aucun doute que Dubois serait en mesure de s’adapter à la réalité de la métropole québécoise.

« C’est un vrai professionnel. Mentalement, il a l’équivalent de 22 ou 23 ans. […] C’est parfois difficile pour les choix de première ronde de se démarquer à Montréal, mais il pourrait composer avec cette pression, c’est un leader », a argué cet intervenant.

Le Canadien ne peut pas cacher son attrait envers Dubois. Pendant les évaluations physiques à Buffalo, le contingent envoyé par le CH n’a pas lâché Dubois des yeux quand il s’exécutait avec brio. Par contre, le directeur général Marc Bergevin devra grimper de quelques échelons pour le sélectionner et il aura un fort prix à payer pour convaincre une formation de lui céder ce privilège. Les Oilers d’Edmonton semblent représenter le partenaire idéal puisqu’ils détiennent le quatrième choix et leurs besoins se situent plutôt à la ligne bleue.

Auteur de 99 points (42 buts et 57 passes) en 2015-16, Dubois prétend qu’il pourra conserver le même style au niveau supérieur.

« Je penserais que oui, je joue un style robuste et intelligent. Je me rends au filet et je me tire bien d’affaire offensivement et défensivement », a révélé Dubois qui aime s’inspirer de Jamie Benn, un meneur avec des aptitudes offensives.

Pierre-Luc Dubois« Ce qui est intéressant dans son cas, c’est qu’il présente un mélange des styles des années 2010 et 1980. Je dis ça dans le sens qu’il est capable d’user de finesse quand il le faut et d’allier un style physique. Ça rend le tout très intéressant », a confirmé un deuxième recruteur de l’Ouest qui a été contacté.

Ce n’est pas étonnant de constater la compréhension du hockey exprimée par Dubois. En accompagnant son père dès qu’il le pouvait à des arénas en Allemagne, à Baie-Comeau, à Bathurst et à Rimouski notamment, Dubois a accumulé tout un bagage de connaissances et d’expérience.

« Quand mon père était l’entraîneur à Baie-Comeau, je me souviens que je le regardais faire du vidéo pour son équipe et il me demandait ce que je pensais que le joueur aurait dû faire dans une certaine situation. J’ai grandi dans le hockey à regarder des matchs avec mon père. Il m’a toujours dit que je devais être polyvalent, c’est ce que les entraîneurs aiment avoir », a témoigné l’athlète de six pieds deux pouces et 205 livres de muscles.

Dubois peut dire mission accomplie dans le sens puisque les recruteurs considèrent qu’il s’agit de sa plus grande force.

« Il a un ensemble d’outils assez difficile à trouver. Il possède les habiletés pour jouer aux trois positions, il est intelligent et est costaud. On aime le fait qu’il est multidimensionnel, il parvient à briller dans plusieurs contextes. Parmi les choses le rendant spécial, il peut influencer le match dans les trois zones. Pierre-Luc est plus complet que les joueurs qui le suivent au classement », a détaillé Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH.

« On ne se le cachera pas, c’est un espoir de luxe. Il a bien paru au match des meilleurs espoirs, durant les séries et aussi au camp d’Équipe Canada Junior même s’il n’a pas été retenu. C’est important de remarquer sa constance », a souligné un dépisteur associé à une équipe de l’Est.

« Au total, avec les différentes compétitions, il a joué 90 matchs cette saison, c’est énorme et il n’a jamais levé le pied de l’accélérateur. De plus, son style de jeu l’amène à s’impliquer physiquement, ce n’est pas un joueur périphérique. C’est simplement exceptionnel de voir un jeune de 17 ans offrir de telles performances sur autant de parties », a vanté son entraîneur.

Même s’il n’avait jamais joué au centre avant cette saison, Dubois accorde maintenant une petite préférence à cette position qui lui permet de s’impliquer encore plus dans l’action.

Un côté émotif qui est le bienvenu

Encadré par l’agence de Pat Brisson – et de son lieutenant au Québec, André Ruel – Dubois a obtenu tout le support nécessaire pour se préparer à la LNH. L’étape la plus importante a été de quitter son domicile de Rimouski pour Montréal, durant l’été, pour développer ses capacités physiques avec les spécialistes Marc Lambert et Sébastien Lagrange.

« Il m’a dit qu’il était prêt à faire ce sacrifice. Il a gagné 19 livres de masse musculaire ce qui en a fait un joueur dominant à son arrivée à 17 ans. Il a l’attitude exceptionnelle d’un joueur qui veut se dépasser », a relevé Dumont qui se souvient de l’avoir vu plusieurs fois prolonger ses soirées dans le gymnase après des parties de son club.

Dubois a également profité des conseils d’un psychologue sportif pour maximiser ses performances dans les grands rendez-vous et gérer ses émotions dans le feu de l’action.

« C’est un gars très émotif et la ligne est mince vers l’impulsivité. À 17 ans, il doit continuer à travailler pour trouver cette limite même s’il a démontré des progrès. Mais, chose certaine, c’est beaucoup plus facile d’aider un joueur à faire ça que de fouetter un joueur qui n’a pas d’émotion », a fait savoir Dumont.

Quand on sonde les recruteurs à cet effet, ils ne recensent aucun problème.

« Je l’ai vu se battre quelques fois, il est intimidant et coriace. Ça ne me dérange pas tant qu’il ne gère pas toujours ses émotions parce que des gars comme lui, il y en a de moins en moins », a assuré le deuxième dépisteur de l’Ouest.

C’est en additionnant tous ces facteurs que Dubois s’est hissé aussi haut dans les classements et les possibilités sont élevées pour lui.

« Je ne suis pas inquiet, il répond tellement bien aux défis. C’est un joueur très exigeant envers lui-même qui s’établit de hauts standards. Il a l’habitude de surpasser les attentes (ultra-achiever) », a fait remarquer Dumont.

Nul doute, Dubois n’aura pas besoin de patienter longtemps le 24 juin, le jour de son 18e anniversaire, pour enfiler le chandail de sa nouvelle organisation. Le mérite lui reviendra principalement, mais il s’empressera de penser à ses parents qui seront à ses côtés.

« C’est clair qu’Éric a un grand impact sur son fils, mais ce qui est bien avec Éric et Jill (sa femme) c’est qu’ils agissent en parents avec leur fils. Ils ne deviennent pas des entraîneurs ou des partisans. C’est un modèle génial pour les parents de sportifs. Des entraîneurs, il en a eu et il va en avoir. Des fans, il en a de plus en plus ! », a conclu Dumont avec une remarque qui fera sourire Dubois.