Martin Biron met un terme à sa carrière. Boudé par les Rangers de New York qui l’ont soumis au ballottage la semaine dernière et par les 29 autres équipes qui ne l’ont pas réclamé, le gardien de Lac St-Charles a décidé de rester avec sa famille, à Buffalo, plutôt que de joindre les rangs des Wolf Pack de Hartford, le club-école des Rangers dans la Ligue américaine.

Malgré les circonstances négatives dans lesquelles il s’est retrouvé au cours des derniers jours, Biron assure qu’il prend sa retraite dans la bonne humeur qu’il a toujours affichée au fil de sa carrière de 16 saisons dans la LNH.

Il faut dire que le gardien âgé de 36 ans jonglait avec la retraite depuis un bon moment déjà.

« J’adore le hockey qui est au centre de ma vie depuis toujours. Mais l’automne dernier, pendant le lock-out, j’ai réalisé à quel point j’avais été séparé de ma femme et de mes quatre enfants au cours des dernières années. Après mes deux saisons à Philadelphie, avec les Flyers, je me suis retrouvé à Uniondale avec les Islanders. Anne-Marie et les enfants sont revenus ici à Buffalo au lieu de me suivre à Uniondale. Ils ne m’ont pas suivi à New York non plus. Alors l’an dernier, quand je suis redevenu père à temps plein au lieu d’être juste un joueur de hockey, j’ai réalisé que j’avais manqué beaucoup de temps de qualité avec eux. Je me suis surpris à vraiment aimer jouer au chauffeur de taxi pour aller reconduire mon plus vieux au football, au hockey, pour aller assister au cheerleading des filles. Ça faisait trois ans que nous étions séparés. On est tellement occupé pendant une saison, que je ne réalisais pas à quel point cette séparation était difficile autant pour eux que pour moi », m’a raconté Biron avec qui j’ai eu une longue conversation sur le coup de midi dimanche.

De retour avec les Rangers une fois le lock-out terminé, en janvier dernier, Martin Biron avait perdu un brin ou deux de la passion qui l’a toujours animé. « Ce fut bien plus difficile que je pensais de quitter la famille. J’étais à New York, mais mon cœur était resté à Buffalo. »

Cet automne, le goût de quitter Buffalo pour se rendre à New York était plus aigre-doux qu’en janvier dernier. Ce goût est rapidement passé d’aigre-doux à amer en raison des insuccès en cascade des Rangers et de ses insuccès personnels.

« Une fois le ballottage passé, j’ai eu la chance de pratiquer avec les gars. De leur parler. J’ai alors demandé à Glen (Sather) de me donner quelques jours pour réfléchir. Les Rangers ont été bien corrects avec moi. Je suis revenu à Buffalo, j’ai beaucoup parlé avec Anne-Marie, mes parents et des amis qui sont passés par là. C’est une décision importante. Tu ne veux pas la prendre sur un coup de tête et la regretter ensuite. Mais ce midi, je peux confirmer que je sens vraiment que c’est la bonne chose à faire. Que c’est le temps de mettre de côté mon rôle de gardien de but pour me consacrer à celui de père de famille. »

Le plaisir avant l’argent

En annonçant sa retraite, Martin Biron tourne le dos à ce qui lui restait à encaisser du contrat de 1,3 million qui le liait aux Rangers. « Je n’aurais pas prolongé ma carrière juste pour une question d’argent. J’ai du plaisir à jouer au hockey depuis le jour où j’ai enfilé mes premières jambières. Il n’était pas question de continuer simplement pour l’argent. Si le plaisir n’est plus au rendez-vous, c’est le signe le plus important qu’il est temps d’arrêter », a plaidé Biron.

Deuxième choix des Sabres de Buffalo (16e sélection) en 1995, le gardien québécois met un terme à une carrière de 508 matchs dans la LNH. Il revendique 233 victoires, dont 28 par jeu blanc. Il a encaissé 191 revers. Cinquante-deux matchs se sont aussi soldés sur des verdicts nuls ou des défaites encaissées en prolongation ou en fusillade. Au fil de cette carrière qu’il a amorcée à Buffalo avant de la poursuivre à Philadelphie, Long Island et New York, Biron a maintenu une moyenne de 2,61 buts alloués par rencontre et un taux d’efficacité de 91 %.

Souvenirs heureux

S’il n’a jamais eu l’occasion de soulever la coupe Stanley, Biron assure que sa liste de souvenirs heureux est trop longue pour la défiler au cours d’un seul entretien téléphonique. Battre le Canadien en finale d’association il y a quatre ans représente un de ces beaux souvenirs.

« Ces cinq matchs contre Montréal ont été magiques. Surtout ceux à Montréal. Je me souviens que Daniel (Brière) et moi marchions sur la Sainte-Catherine et les partisans du Canadien nous apostrophaient à tous les coins de rue. Ils voulaient que le Canadien gagne, mais ils étaient tous très corrects avec nous », a indiqué Biron.

Son premier match dans la LNH, un match disputé alors qu’il n’avait que 18 ans, à Pittsburgh, contre Mario Lemieux et les terrifiants Penguins à cette époque (1995-1996), vient aussi en tête de liste.

Pas loin derrière, Biron garde une place de choix aux succès qu’il a connus avec ses coéquipiers des Americans de Rochester en 1998-1999. Des coéquipiers avec qui il s’est plus tard retrouvé à Buffalo dans l’uniforme des Sabres avec qui il a connu de très belles années.

Au-delà des faits saillants de sa longue carrière dans la LNH, Martin Biron replonge dans sa malle de souvenirs de jeunesse. « Depuis que j’ai amorcé ma réflexion, je repasse plusieurs moments de ma carrière en revue. C’est drôle, mais j’ai plein de bons souvenirs qui me reviennent des années dans le hockey junior et même dans le hockey mineur quand j’étais petit. Au fond, ça fait aussi partie d’une carrière », m’expliquait Biron.

Hasek, Miller, Lundqvist

Toujours de belle et bonne humeur, toujours souriant, toujours prêt à répondre, longuement et avec passion, à toutes les questions qui lui étaient posées, Martin Biron a été très apprécié dans tous les vestiaires qu’il a occupés.

S’il a été plus souvent adjoint que gardien numéro un, il assure avoir soutiré beaucoup de satisfaction de son rôle de soutien derrière des gardiens aussi dominants que Dominik Hasek et Ryan Miller, à Buffalo, et Henrik Lundqvist à New York.

« Quand je regarde "Dom", Ryan et "Hank", je réalise à quel point ils m’ont tous les trois transmis la clef la plus importante de la réussite pour un gardien : la combativité. Ils ont des styles très différents, mais lors des matchs et même lors des entraînements, ils se battaient comme des fous pour ne pas accorder de but. C’est cette attitude qui les a toujours aidés à être parmi les meilleurs de leur époque. Une attitude que j’ai toujours tenté d’imiter. J’ai eu de très bonnes relations avec tous mes coéquipiers. Particulièrement avec les gardiens avec qui je partageais le travail. Mais je dois reconnaître que Dom Hasek était aussi une idole de jeunesse. Je garde des souvenirs précieux d’avoir eu le privilège de jouer avec lui. »

Et ses entraîneurs?

La présence de Biron au ballottage a ravivé les souvenirs de moments tendus qui l’ont opposé à l’entraîneur-chef Alain Vigneault qui dirigeait alors les Harfangs de Beauport. Plusieurs ont tracé une ligne entre ses ennuis d’alors et le sort réservé à Biron maintenant que Vigneault est à la barre des Rangers.

« Ça n’a rien à voir. C’est complètement faux. J’étais adolescent à Beauport. Oui Alain avait été "tough" avec moi, pas mal à part ça, mais il l’a été avec bien d’autres aussi. Et je peux aujourd’hui dire que ça m’a certainement aidé à connaître la carrière que j’ai connue. On a eu de bonnes conversations cette année. Il ne m’a pas poussé vers la sortie. Le temps et les nouvelles réalités l’ont fait. Il est juste temps de passer à autre chose. C’est tout. »

Le but de Hertl

Martin Biron a accordé 1247 buts au cours des 508 matchs de saison régulière qu’il a disputés.

Si personne à part lui ne se souvient du premier ou du dernier, personne n’oubliera le 1243e. Pas même le gardien qui a été victime d’une feinte magistrale de la recrue Tomas Hertl, des Sharks de San Jose, qui a passé la rondelle entre ses jambes avant d’inscrire son 4e but de la rencontre aux dépens d’un Martin Biron mystifié.

« Je vais en entendre parler longtemps, a lancé Biron en riant. J’espère seulement que ma carrière ne se limitera pas seulement à ce but. Cela dit, c’était tout un but et non, je ne lui en tiens pas rigueur. Il était dans une bulle ce soir-là. Tout fonctionnait pour lui et les Sharks. Est-ce qu’il avait le droit de tenter un jeu aussi hot-dog? Bien sûr! Et au fond, je n’avais qu’à effectuer l’arrêt. Si je stoppe la rondelle, on n’en parlerait plus depuis longtemps. Même que c’est lui qui aurait mal paru. Mais comme il a marqué, ce but passera à l’histoire. C’est bien correct, car c’était un très beau but. Un but spectaculaire. Et le spectacle est important dans le hockey d’aujourd’hui. »

Des pensées pour les Rangers et Brière

Parlant d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain, Martin Biron croit-il que ses Rangers seront en mesure de renverser la vapeur, de faire contrepoids au terrible début de saison qu’ils connaissent ?

« Je n’en doute pas une seconde. Ça n’a pas été évident de faire un camp d’entraînement sur la route et de commencer loin de New York pour permettre la fin des travaux de rénovation du Garden. Non seulement on était toujours en territoire ennemi, mais sur la route, il est difficile de faire de bons entraînements pour assimiler les nouveaux systèmes. Il ne faudrait pas que ça se prolonge trop longtemps et que le fossé ne se creuse trop, mais je demeure convaincu que Hank (Henrik Lundqvist) va retrouver son aplomb et que l’équipe va retrouver le chemin de la victoire. Mais n’oubliez pas les blessures. Rick Nash représente une grosse perte. Et Ryan Callahan n’est pas capitaine pour rien. C’est le cœur et l’âme de cette équipe. Vous n’avez pas idée à quel point son leadership est important. Son absence fait très mal. Mais je demeure confiant. »

Et Daniel Brière? Son grand copain avec qui il a joué à Buffalo et Philadelphie pourra-t-il sortir de sa guigne et ne pas étouffer sous la pression intense exercée par les médias et les partisans à Montréal?

« Ça commence lentement pour Daniel, mais je ne suis pas inquiet pour lui. Au fil des ans, j’ai appris que le talent est une force, mais que la force intérieure, la confiance, est plus importante encore. Daniel a cette force. Il a été blessé hier (commotion) et j’espère que ce ne sera pas trop sérieux. Mais si vous lui donnez le temps nécessaire pour s’adapter, il sera en mesure de me donner raison. »

Bien qu’il se consacrera à son rôle de papa de Jacob (9 ans), Grace (7 ans), Emily (5 ans) et Ashley (3 ans) en plus de soutenir son épouse qui, en plus d’être une compétitrice de haut niveau en sport équestre, vient de se lancer en affaires dans le monde de la décoration intérieure, Martin Biron a déjà en mains des propositions qui lui permettraient de prolonger sa carrière dans le monde du hockey à titre de commentateur.

« Je vais rester près du hockey, c’est certain. J’aime trop ce sport pour m’en détacher complètement. J’ai des projets médiatiques, c’est évident, mais je n’écarte pas non plus la possibilité de demeurer plus près encore de la patinoire », assurait Biron.

À compter d’aujourd’hui, Martin Biron pourra profiter des nombreuses courses qui l’attendent dans son rôle de papa-taxi pour choisir le ou les rôles qui lui permettront de rester le plus près possible du hockey tout en jouissant d’une retraite de qualité.

Une retraite bien méritée.