Encore cette année, Alain Vigneault attend la date limite des transactions avec impatience. À cinq jours du couperet – lundi, 26 février, à 15 h heure de l’Est – l’entraîneur-chef des Rangers trépigne toutefois pour des raisons bien différentes.

Habitués à attendre du renfort qui lui permettra d’attaquer le dernier droit de la saison avec force et de viser les grands honneurs avec son équipe, Vigneault s’attend au pire alors que la direction des Rangers a décidé de faire un grand ménage en se débarrassant du plus grand nombre possible de vétérans pour les remplacer par des jeunes et des choix au repêchage autour de qui l’état-major entend rebâtir un club susceptible de se rendre aux grands honneurs.

«Ce n’est pas facile», a candidement admis Vigneault rejoint par RDS.CA à son arrivée à Montréal en fin d’après-midi mercredi.

«Les gars agissent en professionnels et j’ai indiqué à mon propriétaire et à l’état-major que j’allais continuer à diriger en fonction de gagner tous nos matchs. Mais je mentirais si je prétendais que la situation est facile. L’incertitude touche tout le monde. J’ai hâte que le 26 soit passé, parce qu’une fois la date limite passée, je vais retrouver mon équipe et je vais pouvoir recommencer à travailler avec les joueurs qui seront encore avec nous pour bien finir la saison et préparer la prochaine. Mais je t’assure qu’on va tout faire pour gagner demain contre le Canadien», a lancé Vigneault avec le plus de conviction possible.

La glissade se confirme

De la conviction, il est difficile d’en avoir dans le camp des Rangers par les temps qui courent.

Battus 7-4 par les Flyers lundi, les Rangers débarquent au Centre Bell en surfant sur une séquence de quatre revers de suite. Ils n’affichent que trois victoires (3-11-0) à leurs 14 dernières parties. Depuis le 19 décembre alors qu’ils présentaient un dossier gagnant de 19-12-3 et qu’ils étaient des séries à titre de club repêché, les Blue Shirts ont perdu 18 fois en 26 matchs (8-16-2).

Des statistiques qui donnent raison au propriétaire James Dolan – président et chef de la direction de MSG – d’avoir imposé sa décision de couper les liens avec l’équipe actuelle pour se tourner vers l’avenir. Une décision qu’Alain Vigneault comprend, accepte et respecte.

«J’ai une très bonne relation avec mon propriétaire et quand il m’a demandé de lui faire une analyse de mon club et de nos chances de nous rendre au bout je lui ai candidement répondu que je me suis rendu en grande finale deux fois – une fois avec les Rangers et une autre avec les Canucks de Vancouver – et que je ne suis pas arrivé à gagner avec des équipes qui étaient meilleures que celle à ma disposition cette année. Je dois donc me ranger derrière sa décision», convient Vigneault avec franchise.

L’entraîneur-chef enchaîne toutefois qu’il aurait préféré que la haute direction demeure plus discrète sur ses intentions. Du moins jusqu’à la date limite des transactions.

«Mon propriétaire m’a indiqué qu’il se sentait dans l’obligation d’informer les fans. Il tenait à être transparent. Mais cette transparence a changé la dynamique dans le vestiaire. Comme coach, la soif de victoire des joueurs et le temps d’utilisation que tu leur offres sont des deux plus gros atouts pour contrôler ton club. Quand tu demandes à un gars de se sacrifier, de couper son temps de glace, de remplir un rôle moins grand qu’il ne le voudrait et que l’équipe gagne, ses sacrifices sont bien plus faciles à accepter. Quand j’ai annoncé la politique de l’équipe aux joueurs, il est clair que j’ai perdu une partie de mon autorité sur le club, parce que la victoire n’est plus le nerf de la guerre.

«C’est pour ça que je me concentre sur l’après 26 février. On va entreprendre un voyage de trois matchs à Vancouver, Edmonton et Calgary et ce sera important de profiter de ce voyage pour bien regrouper les gars et reprendre le contrôle sur notre réalité d’ici la fin de la saison. La transparence était clairement nécessaire sur le plan des relations publiques, mais sur le plan hockey, ça rend notre tâche plus difficile.»

En sécurité ou en sursis?

La franchise d’Alain Vigneault fait de lui un très bon soldat. Mais cette franchise pourrait-elle aussi lui jouer des tours si la haute direction devait décider de confier à un autre entraîneur-chef le mandat d’orchestrer la reconstruction?

Alain Vigneault s’accorde quelques secondes de réflexion avant d’échapper quelques rires. «Tu sais comme moi qu’on n’est jamais sûr de rien dans le hockey», a lancé celui qui a été congédié à Ottawa, à Montréal et à Vancouver avant de se retrouver à la barre des Rangers.

«Comme tous les coachs de la LNH, je travaille au quotidien. Cela dit, j’ai une belle relation avec l’état-major. On me tient au courant de tout ce qui se passe. Je sais qu’il y a plusieurs de mes joueurs qui pourraient quitter d’ici lundi. Je considère donc que si on me tient autant au fait des décisions, c’est parce que mes patrons, à commencer par mon directeur général Jeff Corton, veulent me confier le mandat de refaire de cette équipe un club qui peut se rendre aux grands honneurs.»

En plus du fait qu’il profite de la sécurité – au moins financière – associée aux deux autres saisons du contrat qui le lie aux Rangers jusqu’à la fin de la saison 2019-2020, Alain Vigneault compte sur des statistiques qui militent grandement en sa faveur.

Depuis qu’il a effectué son retour derrière un banc de la LNH – en 2006-2007 avec les Canucks de Vancouver – Alain Vigneault est l’entraîneur-chef qui revendique le plus de victoires (532) en saison régulière. Il occupe le deuxième rang pour le nombre de séries éliminatoires disputées (22) et de matchs dirigés (129). Vigneault est l’un des deux seuls entraîneurs-chefs à compter trois coupes du Président, un des quatre seulement à avoir gagné la coupe du Président avec deux clubs différents et l’un des 11 entraîneurs-chefs à s’être rendus en finale de la coupe Stanley avec deux équipes différentes.

«Je suis conscient de ces statistiques, mais ce qui est le plus important pour moi c’est que les Rangers ont été parmi les équipes de tête à chacune de mes quatre premières saisons comme ils l’avaient été deux fois sous «Torts» (John Tortorella). Cette année, c’est différent, mais je vois ça comme quelques pas de recul pour mieux avancer dès l’an prochain.»

Bien qu’il soit possible que Rick Nash, Michael Grabner, Mika Zibanejad, Mats Zuccarello, voire son capitaine Ryan McDonagh – seul le gardien Henrik Lundqvist est assuré d’échapper à la braderie des Rangers – ne soit plus avec le club lors du match de jeudi contre le Canadien, Alain Vigneault devrait être en mesure de compter sur le vétéran défenseur Mark Staal qui a raté les huit derniers matchs.

Un retour qui ne nuira certainement pas. Car en plus de l’incertitude qui mine leur saison, les Rangers doivent composer avec des tas de blessures qui les privent de joueurs importants comme Chris Kreider (23 matchs ratés en raison de caillots sanguins), Kevin Shattenkirk (14 matchs ratés en raison d’une déchirure à un ménisque) et Ryan McDonagh (6 matchs ratés en raison d’une blessure non dévoilée au haut du corps). Le gardien auxiliaire Ondrej Pavelec (genou) et le défenseur Steven Kampfer (main fracturée) manquent aussi à l’appel.

Après leur dernière visite de la saison au Centre Bell, les Rangers retourneront à New York où ils recevront le Wild du Minnesota vendredi et les Red Wings de Detroit dimanche. Les Rangers profiteront de la visite des Wings pour retirer le chandail numéro 19 qu’a immortalisé Jean Ratelle.

Originaire du Lac St-Jean, Ratelle a passé 16 de ses 21 saisons dans la LNH avec les Rangers. Il a marqué 336 buts et amassé 817 points avec les Rangers avant d’être échangé – en compagnie de Brad Park – aux Bruins de Boston en retour de Phil Esposito et Carol Vadnais.