Des frissons, une « larme à l'œil » et une défaite vite oubliée
MONTRÉAL – Les joueuses locales étaient rassemblées près de leur gardienne et attendaient que leurs adversaires soient prêtes à les rejoindre au centre de la glace pour la poignée de mains d'après-match. Autour d'elles, des cris d'encouragement. Enthousiastes, bruyants, persistants.
Elles venaient de perdre, victimes d'un scénario cruel en prolongation. Mais leurs supporteurs, une fois passé le choc de la défaite, s'en foutaient un peu. Et, dans une certaine mesure, elles aussi.
« Ce n'est évidemment pas la façon dont on souhaitait que l'histoire se termine, mais pour être honnête, ce match-là, ce moment-là est tellement plus gros qu'un but ou une défaite », relativisait Laura Stacey en point de presse.
« On ne voudra pas répéter ça après chaque défaite, on sait que la victoire est importante. On veut gagner plus que quiconque. Mais ce soir, je crois que c'est important de prendre un pas de recul et de mettre les choses en perspective. Ce qu'on vient de vivre est énorme pour l'équipe, pour chacune de nous et aussi pour la ville. »
C'était écrit dans le ciel bien avant que les portes de l'Auditorium de Verdun ne s'ouvrent aux 3245 détenteurs de billets qui allaient faire salle comble pour le premier match local de l'équipe montréalaise de la Ligue professionnelle de hockey féminin : ça n'allait pas être une soirée comme les autres.
Une centaine d'accréditations ont été distribuées aux journalistes, caméramans et photographes qui ont été dépêchés sur les lieux. « Je n'ai jamais vu autant de médias », s'est étonnée Marie-Philip Poulin après la rencontre. Une heure et demie avant le début du match, la vice-présidente des opérations hockey du nouveau circuit, Jayna Hefford, avait admis qu'un tel engouement, déjà vérifié dans d'autres marchés, surpasse les attentes.
Dans les coursives, les amateurs s'agglutinaient pour faire l'acquisition d'un bout de tissu aux couleurs de leur équipe. De l'autre côté des portes vitrées, Kent Hughes et Jeff Gorton se faufilaient à leurs sièges aux côtés du grand patron du Canadien, Geoff Molson.
Quelques minutes avant l'heure annoncée pour le début du match, les lumières se sont éteintes. Une à une, les joueuses montréalaises ont été présentées. Le cercle qu'elles ont formé au centre de la patinoire a été complétée par Poulin, leur capitaine, pour qui a été réservée la plus bruyante ovation.
Cinq pionnières du hockey féminin – Danielle Goyette, France St-Louis, Kim St-Pierre, Caroline Ouellet et Danièle Sauvageau – ont été invitées à procéder à la mise en jeu protocolaire. L'image a touché Marie-Philip Poulin.
« Voir ces légendes sur la glace pour les cérémonies, ça a été un moment très spécial. Ce sont des femmes qui ont bâti tellement de choses pour le hockey partout au Canada, mais particulièrement ici au Québec. Pour moi, ce sont des mentors, des modèles. Je ne vais pas mentir, j'en ai eu la larme à l'œil. »
« Ça été des moments forts en émotions, a ressenti l'entraîneuse-chef Kori Cheverie, qui a elle-même joué six saisons dans un défunt circuit féminin avant de passer derrière le banc. Jamais je n'aurais osé rêvé à quelque chose de semblable. Mais selon mon expérience personnelle, Montréal a le don de bien faire les choses. C'était touchant, particulièrement pour nos joueuses québécoises. Une énergie contagieuse circulait dans l'édifice. On sentait la fierté de nos joueuses de porter ce maillot. »
Le match à lui seul a valu le déplacement. Montréal a inscrit deux buts rapides en début de deuxième période, Boston a riposté de la même façon quelques minutes plus tard. L'égalité a persisté jusqu'à la fin du temps réglementaire malgré une troisième période dominée par les hôtesses.
L'histoire parfaite semblait s'être écrite quand Poulin a poussé une rondelle libre dans le filet adverse dès la 20e seconde du temps supplémentaire, mais les officiels suspectaient un geste d'obstruction à l'endroit de la gardienne. Pendant qu'ils délibéraient, la foule s'est mise à crier à l'unisson la conclusion souhaitée. BUT! BUT! BUT!
« Du banc, j'en ai eu des frissons », a dit Stacey.
La décision rendue n'a pas plu aux spectateurs, pas plus que ce qu'ils ont vu à la reprise du jeu, quand Amanda Pelkey a poussé une rondelle libre par-dessus Ann-Renée Desbiens pour donner la victoire aux visiteuses. La fête était gâchée... ou l'était-elle vraiment?
« Ça en dit beaucoup sur nos partisans, s'est plu à dire Poulin après la rencontre. C'est facile pour les gens d'être derrière leur équipe quand elle gagne, mais de ressentir autant d'amour quand tu viens de perdre à Montréal, c'est très spécial. »
« Les filles dans la chambre, c'est sûr qu'on s'attendait à quelque chose de grand, a poursuivi Poulin. Mais je pense que c'était plus gros qu'on pensait. C'était magnifique. On était déçues, on veut gagner. Mais ça fait partie du jeu. Je pense que les filles étaient surtout très reconnaissantes. »
Tout semble indiquer que ce n'est qu'un début. Une foule deux fois plus imposante est prévue pour le prochain match des Montréalaises mardi, contre New York, à la Place Bell de Laval.
« C'est quelque chose de grand qu'on commence. On espère continuer comme ça », a conclu Poulin, un peu incrédule.