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RÉSULTATS

Une incertitude anxiogène pour les joueuses sans contrat

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MONTRÉAL – Pour l'instant, la déception est la même pour toutes. La défaite frappe tous les athlètes également, sans distinction pour leur talent, leur salaire ou leur situation contractuelle.

Éventuellement, les membres de l'édition originale de l'équipe montréalaise de la LPHF feront la paix avec leur fin de saison et passeront à autre chose. Certaines se remettront au travail en vue de la prochaine saison. Elles se visualiseront peut-être dans un nouvel uniforme floqué d'un vrai logo et d'un vrai nom. Peut-être anticiperont-elles déjà le prochain rendez-vous contre leurs tombeuses bostoniennes ou leurs rivales torontoises.

Pour les autres, l'avenir sera un peu plus flou et les insécurités, conséquemment, un peu plus envahissantes.

Pour toutes celles qui ont intégré les cadres de la LPHF avec un contrat d'un an, l'entre-saison est accompagné d'une grosse dose d'inconnu. En juin, 42 nouvelles joueuses feront leur entrée dans le circuit par l'entremise du repêchage. D'autres recevront sans doute des invitations au camp d'entraînement. Il s'agira d'un influx de talent considérable qui rehaussera le niveau de jeu de la ligue à six équipes.

Mais logiquement, pour chaque nouvelle joueuse qui gagnera un poste, une pionnière perdra le sien.

« Sans mentir, c'est dur de ne pas y penser, a reconnu Gabrielle David, un choix de neuvième ronde au repêchage inaugural de la LPHF. [Pendant la saison], il fallait trouver un moyen de continuer à jouer et pousser de plus en plus. Là, c'est sûr que c'est quelque chose qui va être plus stressant dans les prochains mois. »

« Je veux continuer à jouer au hockey, je veux continuer à jouer pour Montréal et en ce moment, on est plusieurs dans le même bateau avec des contrats d'un an, analysait la défenseuse Catherine Daoust. Mais en même temps, c'est la game. On ne pouvait pas toutes avoir des contrats de trois ans. Moi je me prépare comme dans n'importe quel autre été à revenir d'attaque et à montrer ce que je suis capable de faire la saison prochaine. C'est sûr que des discussions vont avoir lieu cet été. On va voir ce que ça va donner. »

« Je suis stressée, mais en même temps je fais ce que je contrôle, je travaille fort et on verra la suite, raisonnait Catherine Dubois. Et puis c'est juste bon pour la ligue, non? On veut que ça soit meilleur. Les meilleures vont se trouver une équipe et c'est ça qu'on veut. Donc c'est juste d'être prête et mentalement être un peu plus forte que d'habitude. »

L'épée de Damoclès suspendue au-dessus du scalp des joueuses sans contrat laisse planer la menace d'un deuil cruel. Au hockey masculin, un athlète sans attache se retrouve devant de multiples avenues. Son homologue féminine n'a pas ce luxe.

À court terme, la LPHF ne prévoit ni d'expansion, ni la création d'un circuit de développement. C'est donc dire qu'une joueuse qui serait incapable de s'y tailler une place n'aurait d'autre choix que de lorgner l'Europe. Pour plusieurs, qui ne peuvent se permettre de quitter l'emploi qui leur permet de vivre convenablement ou de laisser leur famille derrière, la perspective n'est pas particulièrement alléchante.

« Je ne sors pas de l'université, a contextualisé Daoust, qui travaille comme ingénieure chez Nova Bus à St-Eustache. J'ai une maison et une famille à Montréal, j'ai une hypothèque, des comptes à payer. C'est un peu plus difficile de me déplacer. Je n'irai peut-être pas jouer en Suède si jamais je ne fais pas une équipe de la ligue, mais on doit vivre avec ça. À moment donné, ça va venir, des expansions et des clubs-écoles. Avec le temps, on va créer une structure comme la LNH a fait. Mais en tant que pionnières de la ligue, il y a des choses avec lesquelles on doit vivre et ça, c'en est une. »

« Je m'en vais sur mes 29 ans, a raconté Dubois. Peut-être qu'en début de carrière, j'y serais allée [en Europe], mais là je commence à être vieille pour partir, avec ma famille et tout ça. Ça serait quand même difficile pour moi de partir. Mais dire non au hockey, c'est quand même difficile aussi. Ce sont des choses à réfléchir, mais c'est sûr que ça ne serait pas mon option A. »

« C'est sûr que mon but premier serait de rester dans la ligue, a dit David, 24 ans. L'Europe, je n'y ai pas encore pensé, mais si ça arrive un jour... C'est sûr que je ne veux pas terminer ma carrière de hockey de même. »

Bettez en veut encore

Ann-Sophie Bettez est apparue au bilan de fin de saison en béquilles, le genou droit dans une attelle. La vétérane de 36 ans s'est blessée sur un contact dans un entraînement au mois de mars. Elle a raté les neuf derniers matchs du calendrier.

Après avoir représenté les Stars, les Canadiennes et la Force de Montréal dans des ligues antérieures, Bettez tenait à vivre l'aventure de la LPHF. Elle avait été repêchée en 14e ronde et avait mérité un contrat d'un an avec l'équipe de sa ville. C'est elle qui a marqué le but qui a donné à Montréal sa toute première victoire dans le nouveau circuit.

« Vivre des premières, des moments historiques, ça veut dire beaucoup pour moi », a-t-elle dit devant son casier vide à l'Auditorium de Verdun.

Mais elle ne veut pas s'arrêter là. À 36 ans, elle désire revenir pour un autre tour de piste en 2025. Sa préférence est de le faire à Montréal, mais elle ne ferme pas complètement la porte à s'exiler dans un autre marché.

Tout en restant discrète sur la nature exacte de sa blessure et l'état de sa guérison, elle semblait confiante d'être sur ses patins à temps pour le prochain camp d'entraînement.

« La passion pour le sport, quand ça fait partie de ta vie depuis que tu as 4 ou 5 ans, de dire que je suis prête à arrêter, on dirait que je ne l'ai pas encore. J'ai parlé à plusieurs personnes pour leur demander comment ça s'était passé pour elles et elles m'ont dit : ‘Quand ça va être le temps, tu vas le savoir'. J'ai l'impression que pour moi, je n'ai pas encore eu ce message-là. J'ai encore l'énergie, j'ai encore la forme. La passion pour le sport est tellement là et c'est ce qui m'a permis de me rendre ici. Et j'aimerais finir ma carrière d'une autre façon que sur une blessure. »