CRABTREE - On pourrait penser à l'écouter parler qu'il vient tout juste d'arriver en Amérique, comme ils disent. Et pourtant il y a déjà plus de 6 ans que Robin Gusse et sa mère Christine mettaient les pieds, pour ne pas dire les patins, en sol québécois, pour ne pas dire en sol lanaudois.

Robin Gusse est ce jeune gardien de but français, qui depuis septembre dernier noircit les feuilles des dépisteurs qui se présentent à l'aréna Roch-LaSalle de Crabtree. On note plein de choses sur ce jeune homme de 15 ans, qui en octobre dernier a décroché les titres de recrue et de joueur défensif du mois, dans la Ligue midget AAA du Québec. On commence à connaître le gardien de but, mais connaît-on le jeune homme? Qu'est-ce qui pousse un jeune français et sa mère à venir s'établir chez nous, à y passer les fins de semaine dans nos arénas plus ou moins confortables, et à y consacrer tous leurs loisirs dans la pratique d'un sport qui commence à peine à être reconnu dans leur pays?

Sur les traces de Huet

Dès l'âge de 6 ans, Robin a joué son premier hockey mineur dans le regroupement des chefs-lieux de Bayonne-Anglet-Biarritz. Trois villes qui totalisent un peu plus de 100 000 habitants et situées au sud-ouest de la France, dans les Pyrénées-Atlantiques, à la frontière de l'Espagne. On est loin de Terrebonne.

Et pourtant. Impressionné par son père Éric Gusse, français d'origine et défenseur pour les Orques du «Anglet-Hormadi-Club» et marqué par l'ami de celui-ci, un dénommé Robert «Bob» Ouellet, québécois parti jouer son hockey en France, Robin est animé du plaisir de jouer au hockey par l'entremise de son jeune ami et voisin Xavier Ouellet, fils de Bob.

D'abord défenseur comme son père, Robin expérimentera quelques joutes comme attaquant, bien plus excité à compter des buts qu'à défendre le filet. Il deviendra d'ailleurs gardien de but au hasard d'une joute où le gardien régulier ne s'est pas présenté. De retour à la maison, il annonce tout simplement, mais d'une manière déterminée, «maman c'est décidé je serai gardien de but, comme Cristobal Huet.»

2002, le départ pour l'Amérique

C'est sa mère Christine qui après avoir travaillé longtemps pour l'organisme France-Québec, rêve de voir enfin l'Amérique de Joe Dassin. Et là tout se bouscule. À seulement 9 ans, les premières années sont difficiles pour Robin et il doit se montrer très patient avant d'intégrer à part entière l'organisation du hockey mineur de Terrebonne.

Il a carrément l'impression de devoir en faire beaucoup plus pour obtenir enfin sa chance au même titre que les autres. Le «maudit français» s'applique résolument à la tache et se met en tête d'obtenir le poste de 1er gardien de but dans chacune des équipes qui retiennent ses services.

Des heures de travail supplémentaires, des cours privés avec des instructeurs qualifiés et une discipline de travail à toute épreuve vont faire de Robin l'excellent gardien de but qu'il est devenu aujourd'hui. Et comme le hasard fait souvent bien les choses, aujourd'hui encore les 2 copains de jadis (Xavier et Robin) jouent pour la même équipe, puisque Xavier est revenu au pays 2 ans après l'arrivée de Robin et qu'ils se sont retrouvés ensembles, d'abord au hockey-mineur de Terrebonne, puis dans l'organisation des Conquérants et enfin aujourd'hui avec les Draveurs midget AAA du Collège Esther-Blondin.

Dans cette équipe des Draveurs qu'il affectionne beaucoup, Robin retrouvera d'ailleurs plusieurs coéquipiers qui comme lui ont joué dans l'organisation des Conquérants, qu'il suffise de nommer Martin Lefebvre, Mathieu Guertin, Philippe Maillet et Anthony Mager-Dugas. Tous d'anciens copains atome, pee-wee ou bantam.

De ces années d'apprentissage un nom retiendra l'attention de Robin, soit celui de Michel Vallières, entraîneur de gardiens de but. Robin n'avait que 11 ans quand il a fait sa connaissance, et encore aujourd'hui il a en mémoire les judicieux conseils enseignés lors des séances privées que sa mère lui offrait, pour faire de son fiston un meilleur gardien et un meilleur homme.

Et l'avenir…

D'abord, terminer la saison midget AAA qu'il espère la plus longue possible. « Nous avons une très bonne équipe, si chacun y croit vraiment et met l'épaule à la roue on peut faire un bon bout de chemin. Et parfois, je me mets à espérer que nous pourrions être encore en uniforme en avril et connaître une saison à la hauteur des attentes de la direction de l'équipe ».

Puis viendra le repêchage de la Ligue de hockey junior majeure du Québec qui pourrait signifier un nouveau déménagement pour lui et sa mère, ou encore une première séparation d'avec celle-ci. À 15 ans, lorsque le soutien familial est limité à celui de sa mère avec qui il vit seul depuis son arrivée en sol québécois, l'éloignement d'avec elle pourrait être difficile.

Mais Robin est prêt à bien des sacrifices pour atteindre ses objectifs. Il est tenace et prêt à mettre les bouchées doubles pour arriver à son rêve, qui est de jouer au plus haut niveau dans ce sport qu'il affectionne particulièrement, que ce soit ici en Amérique ou dans l'Europe de son père.

Il n'a pas de club précis avec qui il voudrait poursuivre son apprentissage dans le junior majeur. Ce qu'il recherche avant tout, c'est une organisation sérieuse qui pourra lui permettre de progresser. Il espère bien sûr être repêché dès cette année, et se met à rêvasser qu'il pourrait peut-être retrouver Michel Vallières si jamais les Olympiques de Gatineau en faisait un de leurs choix.

Robin insiste beaucoup sur sa condition physique qui m'assure-t-il, passe d'abord par une saine alimentation et de bonnes habitudes de vie. Il se dit très heureux dans cette grande famille que représente l'équipe des Draveurs du Collège Esther-Blondin, où il dit profiter grandement des notions que lui enseigne Yvan Charbonneau l'entraîneur attitré aux gardiens chez les Draveurs.

D'ailleurs au sujet du groupe d'entraîneurs qui dirigent le club, Robin soutient que c'est l'organisation la plus expérimentée et la mieux structurée qu'il ait connue à date. En regard du Collège Esther-Blondin, il dira que c'est une excellente maison d'enseignement et qu'il aime particulièrement les matières rattachées aux sciences et cela va de soi, l'éducation physique.

Avant tout…

Arrivée en terre inconnue à l'âge de 9 ans, devoir quitter son père, se créer un nouveau cercle d'amis, sentir la différence dans les regards et les remarques des autres, voilà ce qu'a d'abord été le lot de Robin Gusse. Si on s'y arrête un peu et qu'on pense au dépaysement qui l'a sûrement désorienté, si on imagine l'ennui qui a pu le tirailler, si on pense aux sarcasmes et aux quolibets dont il a été la cible, aux nombreux efforts qu'il a dû faire pour bien s'intégrer, on devrait se sentir favorisé d'avoir su reconnaître et exploiter ce talent.

Robin semble posséder la force et la détermination nécessaires pour atteindre les buts qu'il s'est assigné, à nous de le supporter dans son apprentissage. Car on se doit de louanger le courage et la ténacité d'un jeune homme qui travaille à maintenir bien haut les objectifs fixés.

Après tout et malgré tout, il n'a pas fait qu'un p'tit voyage en ville, il a parcouru 5 600 kilomètres pour se retrouver ici, dans le pays qui a donné naissance à ce sport qu'il aime par-dessus tout, qui occupe tous ses loisirs et qui meuble ses rêves.

5 600 kilomètres, voilà ce qui le sépare physiquement de son pays d'origine; mais au-delà des kilomètres, il y a ces repères d'antan, ce paysage pittoresque, ce golfe de Gascogne et cette odeur particulière à ce coin de pays; il y a aussi bien sûr son père, ses grands-parents, et ses anciens copains. Oui, voilà avant tout ce qui sépare Bayonne de Terrebonne !

Texte et photo de Raymond Gauthier, les Draveurs d'Esther-Blondin