(Collaboration spéciale, Josie Lemieux, Sports-Central.org) Adorés par peu de gens, connus par personne. Ils ont 17 ans. Quelquefois, leur nom n'est pas imprimé sur le dos de leur chandail, seulement un chiffre. Et pourtant, dans le monde, les tournois de hockey se composent de dur labeur, sueur et volonté. Lorsque les joueurs prennent la glace d'assaut, chacun est inspiré par une idole de la LNH. Pas surprenant qu'au Canada, ils appellent ces tournois la patinoire des rêves. Hockey bas de gamme et ennuyant? Détrompez-vous.

En tant que chroniqueur hockey, j'avais comme mandat d'observer et couvrir un tournoi midget à Drummondville. Ma réaction à la proposition? Allais-je apprendre quelque chose de cette expérience? Ma réaction après les premières parties? Impossible de décrire l'atmosphère qui règne dans les corridors. Il faut y être pour le croire. Il s'agit de business. Du business très sérieux.

Les joueurs, supportés par des bénévoles et modestes commanditaires, ne sont pas ici pour blaguer. Ils ne font pas seulement partie du Tournoi, ils le veulent. Pas de personnel de la Ligue Nationale ici. Pas de fantaisies. Pas d'extravagances. Il faut être à l'heure, respecter la diète et le couvre-feu.

Des conjointes de joueurs de la Ligue Nationale avec une loge privée, buffet, boisson et écrans TV? Oubliez cela. Un groupe de copines des joueurs prennent place derrière le banc au-dessus de celui de l'équipe et attendent anxieusement le début - mais surtout la fin - d'une autre partie. š Mon chum est un fan de Paul Kariya est il est dans tellement de tournois, je déteste le hockey. Mais lorsque je vois Luc sur la glace, c'est super de savoir que je suis sa copine. š

Dans le sous-sol, les joueurs s'habillent, méditent et s'asseoient pour une bonne heure avant la partie. Le bavardage est très limité. Pas de traitement LNH ici : aucun nom sur les portes, juste un numéro de 1 à 6. De l'équipement propre partout. De la musique forte à souhait hurle d'un vestiaire à un autre : Creed, Metallica, Nine Inch Nails, Offspring. Musique masculine puissante, qui doit symboliser la force, l'épatement et l'effroi.

A 17 ans, les joueurs Drummondvillois Nicholas, David, Pierre-Luc et François sont conscients de l'importance de chaque partie. Pas d'entrevue avant, seulement après. Ils sont prêts pour le Tournoi et ont la garantie de jouer trois parties. Leur but? Donner leur cent pour cent, et la fierté pour leur ville est clairement visible sur leurs visages. Ils sont les hôtes. C'est leur ville, leur Tournoi. Bonne chimie déjà instaurée, tout ce qu'ils veulent est d'entendre la foule les applaudir lorsqu'ils marquent un but.
š Ça, c'est le meilleur š, de dire les joueurs.

Vantardise? Pas du tout. Sont-ils des joueurs super-vedettes midget AAA? Absolument pas : ils jouent midget AA et resteront à ce niveau. Pas de chance pour la LNH. Est-ce ainsi pour tous les joueurs? Bien sûr, le Tournoi Midget, comme tout bon tournoi mineur au Québec, est fier de dire au monde entier qu'il a déjà été l'hôte des joueurs les plus talentueux de la Ligue Nationale.

Jaromi Jagr, ancien 68 des Penguins de Pittsburg et élève de Mario Lemieux, jouait habituellement avec des garcons plus vieux dans sa Tchécoslovaquie natale lorsqu'il était en première année. Un jour, son père se fit demander, par un entraîneur, pourquoi son fils ne jouait pas dans les sessions d'entraînement. š Il faut être en troisième année, il est en première š, répondit son père. L'entraîneur lui serra la main et quitta en mentionnant š Incroyableš. Alors qu'il était midget, Jagr a patiné sur cette même glace à Drummondville : il était reconnu, remarqué par tous qui se souviennent des ses techniques trop-bonnes-pour-être-vraies. A 30 ans, il a accumulé 455 buts et 666 passes avec les Penguins et maintenant œuvre avec les Capitals de Washington.

Pendant que je m'entretiens avec une autre équipe midget, je remarque que tous les joueurs ont les cheveux teints en blond. Lorsque je mentionne que Ron Hextall, des Nordiques et des Flyers, a déjà performé ici avant de gravir lentement vers la Ligue Nationale, les gars furent étonnés : šHextall a joué ici? Tout ce que je sais de lui, c'est qu'il est grand, 6 pieds 3 pouces, c'est cool et on l'haïssait car c'était un vrai baveux sur la glace š, commente le gardien de l'équipe.

Qu'on l'aime ou pas, Hextall a amené la LNH à ses pieds en devenant l'une des terreurs légendaires des Flyers de Philadelphie à la fin des années 80. Il s'est procuré 296 victoires, 214 défaites et 69 nulles. Les joueurs peroxydés ajoutent :
šOn se fout des stats. Il voulait tellement gagner š.

L'actuel gardien des Sénateurs d'Ottawa, Patrick Lalime, partage la vedette avec Hextall dans la liste de souvenirs des organisateurs du Tournoi. Un autre gardien canadien, remarqué par les dépisteurs, par la foule et les médias. Les années midget bien derrière lui, il est passé des Penguins aux Mighty Ducks pour établier résidence à Ottawa. Il doit prouver aujourd'hui qu'il peut exceller dans les éliminatoires. Qui peut le blâmer? Avec 174 parties jouées, 92 victoires, 60 défaites et 15 nulles, Patrick est sur le point de rendre la preuve vivante, en ayant à son compte la plus longue série de matches sans défaite (16) dès ses débuts dans la LNH.

Un autre joueur ayant passé à Drummondville en tant que midget est Pat LaFontaine. Connu comme étant généreux, assez réservé mais poli, ce natif New-Yorkais goûta à la LNH en 1983 avec les Islanders.

Changeant pour les Sabres en 1992, il revint dans son coin natal en 1998, cette fois-ci avec les Rangers, avant de prendre sa retraite durant cette même année. Il a même écrit un livre, Compagnons dans le courage, dans lequel il a inspiré des fans de partout en surmontant plusieurs blessures à la tête, la dépression, la réhabilitation physique et émotionelle - et il a gagné.

Même aréna, même patinoire, même Tournoi Midget depuis 40 ans. Les joueurs - anciens et présents, nord-américains et outre-mer - sont-ils les mêmes? Y a-t-il une différence, y-a-t-il vraiment une différence? Etais-je capable de comparer les superstars de la LNH avec ces midgets amateurs?

Jagr est loin de son lieu natal de Hendouski, un village de 134 personnes. Son chiffre chanceux? Le 3. Son salaire cette année? 10,033,333 millions de dollars. Le salaire de Patrick Lalime se chiffre à 1.6 million de dollars. Pour les midgets Rondeau, Rochefort, Leduc et Duhamel, leur chiffre chanceux est imprimé sur leur chandail : 83,86,90,93. Salaire. Zéro. Coût du tournoi? 350 dollars. Paie ou disparais.

Quant à nos joueurs blondinets, ces gars ont arrêté de rêver à LNH depuis bien longtemps. Toutefois, ce soir-là, l'équipe adverse était brutale, une overdose de icepacks a suivi et plusieurs blessures sont visibles. š On a donné tout ce qu'on
avait š me lança un joueur, souriant, mais frottant son cou endolori . Dans l'émotion de la foule, le travail a été accompli. Une victoire. Leur récompense après la partie? Un lit bien chaud. Un joueur a 20 dollars que sa mère lui a donné. Il a amené un coéquipier au restaurant du coin et est revenu à temps pour le couvre-feu.

Une autre différence réside dans le coût des billets. La LNH a des parties à guichets fermés et des sièges à 300 dollars. Par ici, pour une bonne partie de hockey pleine de mises en échec légales, musique assez forte, bière et bouffe abordables, vous payez 5 dollars.

Les vitres autour de la patinoire protègent les inapprochables joueurs de la LNH et la foule contre les rondelles sautillantes. A Drummondville, on tire des frisbees sur la glace après un but et les joueurs se font un plaisir de les relancer dans la foule. Les enfants assis s'exclament lorsque l'équipe locale marque un but. Ils se précipitent vers la vitre la plus basse, où les joueurs étirent les bras pour atteindre leurs petites mains, après qu'ils soient passés à leur banc - ils n'oublient jamais les enfants et les laissent même taper sur leurs casques au passage.

Les joueurs de la LNH ont des vestiaires super cool équipés selon les exigences des organisations richissismes. Lorsque je mentionne qu'ici il n'y a que des murs de béton gris, des bancs instables et peu de douches dans chaque vestiaire, un joueur midget BB éclate de rire š On n'est pas ici pour le luxe. Ouais, c'est petit et ca pue après la partie, mais au moins c'est la super odeur du succès. š

Les joueurs de la LNH n'ont pas de problème à voyager dans des autobus luxueux. Les joueurs midget, en tournoi ou en saison régulière, doivent quelquefois endurer le froid lorsqu'ils voyagent, des heures durant, dans des autobus scolaires. Mais lorsqu'ils en sortent, ils paradent dans l'aréna : attendant que leur vestiaire se libère, ils portent leur manteau d'équipe, pantalons, cravates ou chandails propres. Pas de Tommy Hilfiger, Jean-Claude Poitras ou Calvin Klein. Mais cela leur fait tellement bien.

Lorsqu'une partie de la LNH est en cours, on entend de l'émerveillement et du support pour l'équipe. L'équipe entière. Pour les jeunes hommes du midget, tout ce que l'on entend dans les estrades sont des prénoms : š Pousse, Freddy!š š Prends ton homme, Daniel!š š Go, Philippe, go! š Intime et personnel.

Une fois la partie terminée, le sang, la sueur et le drainage d'énergie sont ressentis dans presque tous les vestiaires. Le Tournoi midget est entre les mains d'une équipe alors que pour une autre, la défaite est inévitable. Les blessures sont leurs pires ennemies, mais cela vaut le risque. En passant, nous parlons ici de midgets. Beaucoup de joueurs millionnaires de la LNH ont oublié leur cran dans ces vestiaires et ne le tramettent plus sur la glace aujourd'hui.

Je voulais aussi savoir ce que les jeunes savaient sur la Ligue Nationale. Lorsque je leur demandais quel joueur de la LNH ils aimeraient être pendant 24 heures, ce fut une surprise du début à la fin :

François et David : š Wayne Gretzky. Même si tu as un petit gabarit, ca ne veut pas dire que tu ne peux pas faire ta place dans la Ligue Nationale. š

Pierre-Luc : š Bobby Orr, pour ce qu'il a amené à la LNH. šš

Nicholas : š Raymond Bourque, pour sa présence sur la glace et il est un vrai gentillhomme, comme moi. š

Alex : š Brendan Shanahan, il est robuste, tout comme moi. šš

Jean : š Steve Sullivan, pour sa taille et sa carrure.š

Kevin : š Olaf Kolzig. Il est bon. Si je suis comme lui? J'essaye vraiment.

Mathieu : š Milan Hejduk. Pour ses mains.š

Philippe : š Sergei Samsonov. Pour sa vitesse et son sens du hockey š.

Jasmin : š Simon Gagné. Il est bon et il est l'avenir de la LNH š.

Frédéric : š Darius Kasparatis. Pour sa force de frappe. š

Carl : š José Théodore. Il est pas mal bon maintenant. š

Steve : šAl McInnis. Pour son lancer. C'est sûr que c'est pour son lancer. š

La chose la plus surprenante de ce mini-sondage pris entre les périodes et après les parties? Personne n'a mentionné de joueur de la LNH pour son statut, son salaire ou son influence dans le vestiaire. Ce fut presque toutes des réponses spontanées, avec des sourires qui en disaient long.

Bien sûr, la Ligue Nationale a déjà laissé ses joueurs marcher sur cette route. Ils sont maintant les professeurs pour les plus jeunes et donnent une vue incroyable ce que le hockey peut apporter à un athlète. Mais malgré leur gloire et leur argent, les pros de la LNH doivent laisser l'aspect plaisant du tournoi aux jeunes et doivent habituellement attendre les Olympiques pour revivre une telle frénésie de compétition.

Lorsque les lumières s'éteindront et que les finales seront terminées, les gagnants du Tournoi de Drummondville célèbreront alors que des équipes défaites et dévastées retourneront à la maison.

Après avoir fait la navette entre la galerie de presse et des vestiaires bruyants et bondés, un nouveau sentiment a fait surface et la nostalgie me gagna : puisque moins de 1 pour cent de nos joueurs revêtiront un chandail de la LNH au cours de leur vie, comment pouvons-nous oublier tous les entraîneurs volontaires? Danny, entraîneur AA, demande la concentration extrême avant une partie. Marcel, entraîneur BB, est insatisfait même après une victoire, car ils ont gagné sur un coup de chance et non selon le plan de match. Qui a dit qu'on ne joue pas le vrai hockey dans le midget? Les gérantes d'équipes, comme Diane et Yolande, sont présentes à chaque match et jouent plusieurs rôles : épouse, mère et gestionnaire.

Avec presqu'aucun budget à l'horizon, et presque personne dans les estrades, porte de la Ligue Nationale bien fermée, ces joueurs sont tout ce qu'ils peuvent être. Je ne regarderai jamais une partie de hockey mineur de la même façon. La simplicité des joueurs, leur désir de gagner et leur présence intense sur glace ferait sûrement une excellente thérapie pour bon nombre de célébrités modernes professionnelles.

Je salue ces joueurs rencontrés, beaux comme des dieux et fidèles plus que jamais à leur sport. Avec la LNH hors de portée, j'ai remarqué qu'un simple bout de chanson de Vanilla Ice reflétait ce pour quoi ils vivent vraiment et ce qu'ils veulent plus que tout au monde : ice, ice baby.

Josie Lemieux est columnist pour le site de sports américain Sports Central (www.sports-central.org)